Réclamées depuis 2023, avortées en 2024 en faveur d’un PSE (qu’on découvrira par surprise), les Négociations Annuelles Obligatoires (NAO) ont enfin commencé durant l’été 2025.
La section syndicale de Don’t Nod est fière d’annoncer qu’un accord a été conclu sur le sujet des salaires effectifs.
Si beaucoup reste à faire dans l’entreprise pour mettre en place des conditions de travail saines, éliminer les écarts de salaire et de carrière entre les femmes et les hommes, mettre un terme aux risques psychosociaux… Il s’agit néanmoins d’un progrès notable et dont nous nous félicitons.
Voici ce qui a été entériné :
Augmentations de salaire
Nous avons obtenu une augmentation générale des salaires, qui privilégie les plus bas salaires dans l’entreprise avec un montant dégressif et exclut les 20% plus hauts salaires.
Les salarié-es se trouvant dans le premier décile de salaire toucheront une augmentation de 1300€ brut annuel. Dans le deuxième décile, 1110€, et ainsi de suite jusqu’aux déciles 5 à 8 qui toucheront 775€.
Des augmentations individuelles auront lieu en sus, en répartissant deux budgets distincts :
un pour rétribuer la « performance individuelle »
un pour corriger (partiellement) les écarts de salaires présents dans l’entreprise
L’augmentation des bas salaires et la réduction des écarts sont des priorités pour le STJV. Il n’est pas acceptable que les entreprises exigent des salariées de travailler et vivre sur Paris avec à peine un SMIC, ou que des écarts remarquables persistent entre des salaires d’hommes et de femmes au même poste. Il n’est pas acceptable qu’on constate un facteur 10 entre le plus bas et le plus haut salaire d’une entreprise.
Passage cadre
Nous avons obtenu la classification cadre pour tous les postes de production et d’administration.
Le passage Cadre apporte des avantages conséquents :
des salaires minimum plus élevés
une bien meilleure prise en charge en cas d’arrêt maladie
Après Amplitude, Don’t Nod est la seconde entreprise à finalement reconnaître que la juste application de la convention collective Syntec implique de généraliser le statut Cadre. Tant mieux !
Une grille de classification claire et univoque sera adjointe aux fiches de postes, et référencée sur les futures offres d’emploi.
La grève, ça marche !
La grève lors du plan de licenciement, débutée en novembre 2024 et qui a culminé en janvier dernier est encore présente dans les esprits. Elle a non seulement permis d’obtenir un accord majoritaire pour le PSE, mais également montré que les collègues savaient se mobiliser.
La DARES notait en 2022 que 62,8% des entreprises ayant connu une grève ont conclu au moins un accord d’entreprise, contre 12,7% n’en ayant connu aucune. CQFD.
Espérons que les autres thèmes de Négociation Annuelle Obligatoire donnent des résultats aussi constructifs ! ✊
Le STJV transmet ce message des ancien·nes salarié·es de Starbreeze Paris, et se joint à leurs demandes légitimes.
Le 10 janvier 2025, la direction de Starbreeze annonçait aux 23 employé·es de sa filiale française Starbreeze Paris le démarrage d’une procédure visant à fermer cette entité et licencier l’ensemble du personnel. L’ensemble de ces salarié·es travaillait sur les jeux du studio tels que Payday2, Payday3 ou le plus récent projet Baxter, au même titre que les employé·es en Suède.
La cessation d’activité de la filiale n’existe que sur le papier, la société mère suédoise recréant les postes à Stockholm. Cette stratégie est pleinement assumée par Starbreeze qui annonce fièrement dans le rapport Q4 2024 à direction de ses actionnaires qu’elle « rationalise le fonctionnement du groupe » en supprimant les entités étrangères. Cette décision a été prise unilatéralement, les échanges avec la représentation du personnel se limitant à donner l’information sur un projet déjà entièrement prévu.
Cette décision est stratégiquement douteuse : la perte des salarié·es du studio les plus techniques avec des années d’expertise et de connaissances accumulées est difficilement viable. Cette décision montre un irrespect flagrant envers les salarié·es concerné·es dont la carrière est brusquement interrompue : aucune compensation ne leur a été proposée hormis le strict minimum légal et la direction a refusé de payer les arriérés d’indemnités et de frais liés au télétravail à 100%. Cette décision est illégale, puisque la société mère Starbreeze AB, réel employeur des 23 personnes licenciées, n’a mis fin à aucune de ses activités et fait preuve d’une légèreté blâmable dès lors qu’elle ne peut justifier des licenciements autrement que par une volonté d’améliorer sa rentabilité en réduisant ses charges de personnel.
Ce type de décision est malheureusement devenu courant dans les grandes entreprises du secteur du jeu vidéo, oubliant tout respect envers celles et ceux qui créent et construisent les jeux vidéo.
Les ancien·nes salarié·es de Starbreeze Paris n’acceptent pas cet état de fait et en conséquence se sont regroupés pour déposer 17 saisines du conseil de Prud’hommes afin d’annuler ces licenciements abusifs.
Nous voulons par cet exemple établir que l’industrie du jeu vidéo n’existe pas en-dehors de la loi, et encourageons les autres travailleur·euses du secteur à s’organiser pour faire valoir leurs droits et faire cesser ces pratiques.
Après des mobilisations massives et réussies les 10 et 18 septembre, l’état et le patronat restent incapables de répondre aux demandes des travailleureuses.
Au niveau national, le nouveau premier ministre a reçu les syndicats mais n’a fait que brasser de l’air et n’a su répondre ni aux besoins de celleux qui font tourner l’économie et produisent effectivement de la valeur économique, ni à ceux de celleux – souvent les mêmes – qui ont besoin de la solidarité nationale pour survivre et vivre dignement.
Au niveau de l’industrie du jeu vidéo, nos dirigeants antisociaux continuent leur stratégie de l’autruche, en espérant qu’ignorer très fort les problèmes de l’industrie et leur propre incompétence permettra magiquement de continuer à faire des jeux vidéo sans rien changer. Pendant ce temps, les travailleureuses se font toujours plus presser, pendant que leurs emplois disparaissent et que leurs conditions de vie se dégradent.
Nous demandons de la justice sociale et des conditions de vie dignes pour tout le monde et, à ce titre, le STJV rejoint l’intersyndicale en appelant tous‧tes les travailleurs‧es du jeu vidéo à faire grève et à se mobiliser le 2 octobre prochain. Nous voulons :
L’abandon de l’ensemble du projet de budget hérité de Bayrou ;
La redistribution des richesses, par une plus forte taxation des riches (notamment un impôt plancher sur les patrimoines élevés) et une lutte active contre la financiarisation de l’économie ;
Une vraie surveillance des aides publiques aux entreprises privées, et leur conditionnalité à des objectifs sociaux et environnementaux ;
Une hausse importante des moyens budgétaires des services publics, en particulier la santé ;
La fixation de l’âge légal de départ à la retraite à 60 ans ;
Des pénalités importantes pour les entreprises enfreignant la loi, et la responsabilisation individuelle de leurs dirigeants ;
Des mesures concrètes pour limiter les licenciements, qui ne deviennent que des mesures budgétaires pour protéger le train de vie du patronat ;
L’ouverture des frontières, la régularisation des sans-papiers et l’accueil de toustes les réfugiés de zones de guerre ou de dictatures ;
Des mesures actives, notamment des sanctions économiques contre l’état israélien, pour mettre fin au génocide à Gaza.
Ces journées de grève sont importantes pour la mobilisation nationale mais, seules, ces journées isolées ne règlerons pas les problèmes que les travailleureuses rencontrent au quotidien. Nous encourageons à profiter de cette nouvelle journée de mobilisation pour échanger entre travailleureuses, entre entreprises, entre organisations, pour lier la lutte au niveau national et la lutte dans notre travail et notre quotidien. Rencontrons-nous sur nos lieux de travail, en manifestation, au café, au bar, en ligne… partout ou nous avons l’occasion de discuter et réfléchir ensemble à nos besoins et à notre avenir.
Nous rappelons que cet appel couvre le champ d’action du STJV dans le secteur privé, et concerne donc toute personne employée par une société d’édition, distribution, services et/ou création pour le jeu vidéo quel que soit son poste ou son statut et quel que soit le domaine d’activité de sa société (jeux, consoles, mobile, serious games, VR/AR, moteurs de jeu, services marketing, streaming, produits dérivés, esport, création de contenu en ligne, etc.), ainsi que tous·tes les enseignants·es travaillant dans des écoles privées dans des cursus en lien avec le jeu vidéo. Puisqu’il s’agit d’un appel national à la grève, aucune démarche n’est nécessaire pour se mettre en grève : il suffit de ne pas venir travailler.
L’annonce du budget 2026 s’est faite, comme on en a désormais l’habitude, par des « fuites » à la presse servant plutôt de mesure des réactions, et tout au long de l’été, les mesures ainsi testées étant pour certaines purement sidérantes. C’est bien un budget d’agression sociale que propose le gouvernement Bayrou. Notons par exemple :
La suppression de deux jours fériés sans compensation, dont le 8 mai, commémorant s’il fallait le rappeler au Premier Ministre la capitulation du régime nazi ;
L’allongement du délai de carence en cas d’arrêt maladie, alors même que les conséquences sanitaires de la pandémie de coronavirus restent trop faiblement étudiées, mais tout-à-faittangibles (voir même ce que disent des think tank libéraux sur le sujet) ;
N’oublions pas non plus que le défaut de soins est excessivement lié à des séquelles plus graves : il s’agit non seulement d’un recul de droits, mais aussi d’une vraie attaque sur la santé des travailleureuses ;
De nouvelles attaques sur le régime d’assurance-chômage, le seul but du gouvernement restant de radier des personnes des listes pour ne plus payer d’indemnités et ne plus avoir à les inclure dans les chiffres officiels, pas de résoudre ce supposé « problème » ;
La volonté d’une « année blanche » pour le budget de l’État, soit un gel des budgets et aides sociales, se traduisant par :
Une baisse des moyens de notre système de santé, déjà saigné à vif ;
Une baisse du budget pour l’éducation, déjà brutalisée par quantités de gouvernements successifs ;
Un recul sur la culture, sur l’environnement, sur toutes les allocations nécessaires au maintien d’une vie pour toustes ;
Mais évidemment, un effort tourné purement vers les budgets militaires (seul horizon d’avenir pour un gouvernement aux abois ?).
Qui dit agression dit agresseurs et agressé·es. Ici, la cible est claire, ce sont les prolétaires : les personnes handicapées, les immigrant·es avec ou sans papiers et les travailleureuses salariées ou non. Ces personnes qui produisent pourtant la valeur réelle dans l’économie, à l’inverse de la classe oisive : les grands actionnaires qui héritent majoritairement leur position et ne savent rien faire d’autre que faire croître leur fortune, pour assurer une longueur d’avance à leur progéniture et lâcher quelques miettes à leurs exécutant·es.
Nos gouvernants choisissent de faire la chasse aux pauvres, aux chômeureuses et aux personnes malades – de maladies que l’État laisse proliférer. Mais plus généralement, « les français·es » sont accusé·es d’être responsables de la dette… pendant que les riches oisifs sont suspicieusement absents de ces efforts demandés au reste de la population, et gâtés des 211 milliards d’euros aux entreprises, pour beaucoup sans contreparties réelles ou vérifiables…
Et dans le jeu vidéo ?
Notre secteur n’est pas isolé du reste de l’économie. Nous sommes nous aussi des prolétaires, et nous contribuons à une économie qui nous reverse chaque année un peu moins de la valeur que nous créons. Les travailleureuses du jeu vidéo se sont massivement mobilisé·es cette année lors de la grève générale du jeu vidéo, lors de laquelle nous décrivions déjà comment notre industrie est conduite à la ruine par des directions plus intéressées par les profits à court terme et à tout prix que par la santé des travailleureuses et la juste répartition des richesses créées.
En guise de remerciements pour leurs efforts, les travailleureuses sont licencié·es. Nous avons également dû accompagner nos camarades au studio Don’t Nod face à un plan social inédit dans l’industrie vidéoludique française. Dans tant d’autres entreprises, le « dialogue social » se résume à un monologue glacial, comme par exemple à Virtuos, où le conflit est ouvert dans une entreprise qui rencontre de grands succès, mais s’arroge le droit de licencier.
Quant aux aides aux entreprises, le secteur n’est pas en reste, puisque non content de se servir au pot magique du Crédit d’impôt recherche (CIR), le jeu vidéo a son propre dispositif, le Crédit d’impôt jeu vidéo (CIJV). Ce dernier était d’ailleurs à peu près tout ce que les patrons de l’industrie avaient aux lèvres lors de leur audition à l’Assemblée nationale en mars dernier.
Que faire ?
Face à l’incurie de ces prétendus responsables, qui ne souhaitent retenir de ce terme que le pouvoir sur les autres, gouvernement comme patronat, il s’agit de montrer que nous nous élevons, pas seulement face à des mesures injustes comme ce budget indécent, pas seulement pour la défense des conquis sociaux que sont la sécurité sociale et plus largement le modèle de protection français, mais aussi pour la conquête de nouveaux droits et d’une vie digne.
Le modèle actuel est à bout de souffle et, dans un dernier râle, il souhaite tout nous prendre. À nous toustes de prendre ce qui nous a toujours appartenu : le contrôle de nos destinées.
À ce titre, le STJV appelle non seulement à se joindre aux journées de mobilisation, dont les dates du 10 septembre, née de l’initiative citoyenne à laquelle nous nous joignons avec enthousiasme, et du 18 septembre prévue par l’intersyndicale, mais aussi aux actions multiples qui vont avoir lieu entre temps et après. Ainsi, le Syndicat des Travailleureuses du Jeu Vidéo appelle à la grève dans le jeu vidéo du 10 au 18 septembre.
Nous rappelons que cet appel couvre le champ d’action du STJV dans le secteur privé, et concerne donc toute personne employée par une société d’édition, distribution, services et/ou création pour le jeu vidéo quel que soit son poste ou son statut et quel que soit le domaine d’activité de sa société (jeux, consoles, mobile, serious games, VR/AR, moteurs de jeu, services marketing, streaming, produits dérivés, esport, création de contenu en ligne, etc.), ainsi que tous·tes les enseignants·es travaillant dans des écoles privées dans des cursus en lien avec le jeu vidéo. Puisqu’il s’agit d’un appel national à la grève, aucune démarche n’est nécessaire pour se mettre en grève : il suffit de ne pas venir travailler.
Cette communication est un communiqué de notre section syndicale à Spiders.
Le 17 juillet dernier, la directrice opérationnelle de Spiders a annoncé un projet de licenciement collectif. Présenté au CSE la veille, ce projet prévoyait de licencier 9 personnes, soit pile le nombre qui permet en théorie d’éviter de devoir négocier avec les syndicats un « Plan de Sauvegarde de l’Emploi ».
Au 18 août, après des changements et discussions avec les représentant·es du personnel, le plan de licenciements à Spiders prévoit 7 licenciements et la suppression totale de 25 postes, soit vacants à date de la suppression, soit par des départs volontaires. Ces licenciements et suppressions incluent le seul poste de designer UX/UI, la moitié des postes de lead dans les équipes Art et Design, le poste de direction administrative et financière, quasiment la moitié des artistes environnement et des animateurs… Ces suppressions de poste viennent s’ajouter aux nombreux départs de ces 12 derniers mois.
Ce projet de licenciements a été préparé en secret et reste injustifié. Il y a encore quelques mois, Anne Devouassoux assurait pourtant, droit dans les yeux des salarié·es, qu’il ne fallait pas s’inquiéter, alors même que ce plan de licenciements semblait déjà en préparation. Au sein de l’entreprise, personne, y compris les managers, n’a connu plus de quelques jours à l’avances l’existence de ce plan de licenciement. L’entreprise refuse encore aujourd’hui de communiquer les détails de ce plan, pourtant en cours, y compris aux salariés qui risquent le licenciement !
Le 24 juillet, plus de la moitié des travailleureuses de Spiders ont participé à des réunions pour discuter de l’avenir de Spiders, organisées dans le cadre d’une grève pour demander l’annulation de ces licenciements. Ces discussions ont prouvées, une fois de plus, que tout le monde a conscience des problèmes à Spiders et envie de faire changer les choses, et ce depuis des années. Malheureusement, l’opportunité de le faire nous est toujours refusée, et les travailleureuses continuent à subir les erreurs de gestion de Spiders et Nacon.
La richesse d’une entreprise repose sur ses travailleureuses, qui produisent effectivement les jeux. S’en séparer est inacceptable et une démarche, compte tenu des défauts de gestion, contre laquelle nous nous opposons fermement. Les salarié·es de Spiders ne doivent pas souffrir des décisions mal éclairées de sa directrice opérationnelle et du groupe Nacon. Des revendications sur les licenciements annoncés et les défauts d’organisation du studio, issues de la grève du 24 juillet mais similaires à celles des années précédentes, ont été envoyées dès le lendemain à la direction mais sont toujours en attente d’une vraie réponse de l’entreprise.
Malgré une production de GreedFall 2 éprouvante et l’annulation d’un projet prometteur qui apportait enfin des changements nécessaires, les travailleureuses de Spiders ont confiance en leur capacité à produire de bons jeux à Spiders. Nous espérons que la direction opérationnelle de Spiders et le groupe Nacon partagent leur envie de pérenniser l’entreprise et d’améliorer les productions. Ce n’est pas en continuant à traiter de la sorte les travailleureuses de Spiders, en les licenciant et en dégradant leurs conditions de travail qu’ils le prouveront, mais en arrêtant de créer des obstacles à leur travail.
Dans l’immédiat, vous pouvez aider les travailleureuses de Spiders en leur exprimant votre soutien, et en envoyant des mots d’encouragement à . Nous vous demandons de rester courtois et de ne pas insulter, harceler ou menacer qui que ce soit, ni chez Nacon, ni chez Spiders, le travail de nos collègues community managers est déjà suffisamment difficile.
Cette lettre est adressée à notre direction à Arkane Studios, ainsi qu’aux entitées parentes : les directions de Zenimax, de Microsoft Gaming et du groupe Microsoft. Elle fait suite à l’appel au boycott des produits Xbox, publié par BDS le 10 avril 2025 et également suite à la pétition IOF Off Azure. L’objectif de cette lettre est de mettre en lumière comment cette situation peut affecter notre réputation et notre travail, et demander à Microsoft de prendre les mesures nécessaires.
Le génocide à Gaza et BDS
BDS (Boycott, Désinvestissement et Sanction) est un mouvement palestinien lancé en 2005 pour soutenir les droits des palestinien·ne·s. La politique d’oppression, d’occupation et de colonisation du régime israélien leur ont interdit de jouir de leurs droits à vivre normalement, pourtant universels. La situation n’a fait qu’empirer puisque depuis octobre 2024, l’oppression s’est changée en génocide.
Au moment où nous écrivons cette lettre, plus de 60 000 personnes sont déjà mortes selon l’UNICEF, dont au moins 74% seraient des civil·e·s ; les chiffres réels sont sans doute bien au-dessus des estimations. 217 journalistes ont été tué·e·s par l’armée israélienne, faisant déjà de ce conflit le plus meurtrier du 21e siècle pour la profession. À l’heure où les Gazaoui·e·s meurent de faim, par manque de soin et d’aide, Israël continue de refuser l’entrée de l’aide humanitaire internationale dans la bande de Gaza. Depuis plusieurs mois en effet, Israël tente de s’accaparer le contrôle sur les ressources humanitaires et leur distribution, allant à l’encontre toutes les lois et traités internationaux. Globalement, par la politique qu’il a mis en place ainsi que les actions perpétrées à Gaza, le régime israélien cherche à installer en Palestine un régime de terreur fondé sur la torture, la déportation et la destruction, violant répétitivement tous les droits les plus élémentaires du droit international.
Depuis 2014, et afin de soutenir le peuple palestinien, le mouvement BDS a lancé de nombreuses campagnes de boycott et d’information. Ces dernières ont pour but d’attirer l’attention du grand public sur les gouvernements et entreprises qui continuent de soutenir le gouvernement israélien malgré ses violations répétées des droits de l’homme. La pression que ces boycotts internationaux ont ainsi créée s’est à chaque fois révélée massive, forçant plusieurs groupes à changer leurs pratiques. Microsoft lui-même a déjà fait l’objet d’un boycott de BDS par le passé, en 2020, conduisant au retrait de Microsoft de sa participation à AnyVision, une entreprise de tech israélienne spécialisée dans les algorithmes de reconnaissance faciale, qui étaient utilisés pour surveiller à leur insu les palestinien·ne·s.
L’appel au Boycott des produits Xbox
Le 10 Avril 2025, BDS a lancé une nouvelle campagne de boycott, ciblant les produits Xbox gaming, aussi bien software que hardware.
Cette dernière a pour but de mettre en lumière la manière dont le génocide en cours par l’armée israélienne sur la population palestinienne est grandement facilité par l’utilisation des services et technologies fournis par Microsoft, tel que révélé par le groupe Associated Press. Microsoft a non seulement continué, mais renforcé sa collaboration avec les forces israéliennes ces dernières années, leur fournissant aussi bien des services de stockage en ligne par le biais du service Azure que des outils d’IA pour accélérer et automatiser leurs crimes, notamment en aidant à définir des cibles de bombardements. Dans un billet de blog, Microsoft a même avoué ne pas pouvoir garantir comment sont utilisés ses produits sur les propres serveurs et appareils de l’armée israélienne. Pour toutes ces raisons, et bien d’autres, BDS a fait le choix de lancer un boycott massif sur l’ensemble des produits Microsoft tant que ce dernier n’arrêtera pas son soutien à la force d’occupation israélienne dans sa campagne d’annihilation de la Palestine.
Soutien à la pétition de IOF Off Azure
En plus de cet appel au boycott, depuis mai 2024, plus de 2000 travailleur·euses des entreprises Microsoft ont signé la pétition “No Azure for Apartheid”, qui demande à Microsoft de mettre un terme à ses contrats avec l’armée israélienne, ainsi que la réalisation d’un audit indépendant réalisé par une tierce partie de nos contrats, services et produits, afin de s’assurer qu’aucun n’est utilisé dans le cadre de violation des droits de l’homme, à Gaza ou ailleurs. Malgré cela, Microsoft fait la sourde oreille aux demandes de ses propres employé·e·s. Pour ne rien arranger, plusieurs employé·e·s, tentant de mettre en lumière la situation catastrophique à Gaza et la responsabilité de Microsoft dans cette dernière, ont été purement et simplement licencié·e·s.
Si les employé·e·s ont une responsabilité envers Microsoft, la réciproque doit tout autant se vérifier. Tout comme il est inscrit dans la déclaration mondiale des droits de l’homme de Microsoft, et comme il est régulièrement rappelé dans les éléments de langage Microsoft : “nous nous engageons à développer des technologies et des services qui enrichissent les expériences individuelles”. Mais à notre connaissance, à ce jour, Microsoft dénigre son engagement moral, auprès du public comme de ses employé·e·s, en étant activement complice de l’invasion de la Palestine et des crimes de guerre qui s’y déroulent. Si ces “valeurs” sont plus que de simples arguments de vente pour toujours plus pousser à l’achat, il est temps que Microsoft les applique réellement.
Nous demandons à Microsoft de prendre ses responsabilités et mettre un terme à cette collaboration.
La section STJV d’Arkane Studios se joint à BDS et au mouvement No Azure for Apartheid pour demander à Microsoft l’arrêt de sa collaboration avec le régime israélien. Nous considérons que Microsoft, dont nous sommes les employé·e·s, ne devrait pas être impliqué dans des crimes génocidaires. Nous, travailleur·euses, refusons que l’entreprise qui nous emploie et donc nous représente prenne part au sinistre projet du gouvernement israélien pour la Palestine. Nous sommes convaincu·e·s qu’il est de notre responsabilité, en tant qu’employé·e·s de la tech, de tirer la sonnette d’alarme quand nous réalisons que les nouvelles technologies, plutôt que d’être utilisées pour aider la voix des opprimé·e·s à se faire entendre, sont utilisées pour faciliter et renforcer l’oppression qu’iels subissent. Enfin, nous considérons également que la situation nous affecte directement, bien que dans une bien moindre mesure, en réduisant l’audience de nos jeux. Le Boycott résultant de la politique de Microsoft compromet directement les ventes des produits Xbox, et donc sur le long terme, pourrait précariser nos emplois.
Afin d’assurer un futur pour la Palestine, nous rejoignons les demandes de No Azure for Apartheid :
Résiliation de tous les contrats, présents ou futurs avec les forces d’occupation israélienne.
Appel à un cessez-le-feu immédiat et permanent dans la bande de Gaza.
Garantir la liberté d’expression et assurer la protection des prises de paroles propalestiniennes et des employé·e·s la portant, ainsi que de toute action de soutien, levée de fonds ou autre, sur les plateformes internes à l’entreprise.
Avec la pression des éditeurs qui poussent vers toujours plus de « jeux live services » / Game as a Service (des jeux ayant une forte composante en ligne qui poussent à la consommation régulière sous diverses formes monétisables), de plus en plus de joueureuses ont pu connaître la déception de voir l’un de leurs jeux devenir injouable d’une façon ou d’une autre. Nous parlerions même de « services d’exploitation » pour désigner ces pratiques si nous ne craignions pas que l’on nous accuse d’exagérer.
C’est une « évolution » assez dommageable au sens où pendant longtemps, ce qui disparaissait relevait plutôt de modes multijoueurs, potentiellement très appréciés mais secondaires par rapport à l’expérience principale vendue (on peut penser à Metal Gear Online, par exemple). Plus récemment, on a vu la dégradation de plus en plus rapide du service pour des jeux où la composante multijoueur est prépondérante (par exemple, les dégradations du service sur des versions de Call of Duty (🇬🇧) quand l’éditeur du jeu continue à engranger un profit sur d’éventuelles ventes de contenu).
Mais de plus en plus, même du contenu pensé pour le jeu solo et ne bénéficiant que partiellement voire pas du tout de fonctionnalités en ligne se retrouve à la merci de fins de services arbitraires, avec un exemple récent sur le jeu The Crew qui a été un révélateur pour beaucoup sur cette tendance que nous décrivons.
C’est dans ce contexte que s’est montée l’initiative Stop Killing Games, qui souhaite mettre fin à cette pratique. Le STJV apporte son soutien à l’initiative, à la fois parce qu’elle nous semble réalisable et parce qu’elle nous semble répondre à des attentes raisonnables pour la préservation des jeux et le respect de celleux qui y jouent.
En particulier, nous invitons toute personne vivant dans l’Union Européenne à signer la pétition auprès de la Commission européenne afin de promouvoir l’initiative et d’exiger sa codification au niveau de l’UE.
Quant aux raisons qui nous poussent à soutenir cette initiative, voilà notre raisonnement :
Les exigences de l’initiative sont réalisables
L’initiative telle que décrite notamment dans la pétition européenne décrit une règle simple : un projet doit avoir prévu une « solution de sortie » en cas de fin d’exploitation du service. Un studio produit un jeu solo sans composante en ligne ? Bravo, il n’y a rien à changer. Le jeu contient du contenu en ligne ? Il y a une multitude de possibilités à explorer – des solutions qui ont pour beaucoup d’entre elles déjà été éprouvées sur des prédécesseurs, parfois déjà vus comme des classiques. On peut en lister certaines :
Continuer à faire tourner des serveurs relativement peu coûteux (mais nous ne voudrions pas trop faire baisser le bonus du PDG d’Electronic Arts (🇬🇧), le pauvre !)
Prévoir que le contenu ne dépendant pas d’une connexion internet reste jouable après la fermeture des serveurs (comme Ubisoft a promis de le faire pour les jeux suivants de la licence The Crew)
La mise à disposition du code nécessaire à reproduire les serveurs au sein de la communauté, permettant aux personnes souhaitant jouer en ligne de le faire de leur propre initiative (à ce sujet, voir l’encart sur City of Heroes plus bas)
Ce ne sont ici que des suggestions, et le but de l’initiative n’est pas de rendre l’une ou l’autre obligatoire, mais bien, rappelons-le, d’imposer d’avoir prévu une solution. Décortiquons à ce sujet la réponse à côté de la plaque (🇬🇧) de Video Games Europe, lobby européen des entreprises vendeuses de jeux vidéo :
the industry ensures that players are given fair notice of the prospective changes in compliance with local consumer protection laws l’industrie s’assure que les joueureuses reçoivent un préavis raisonnable sur les changements prévus dans le respect des lois locales de protection des consommateurices
Nous remercions ces gracieuses personnes de bien vouloir respecter la loi, voilà qui est tout à leur honneur. Cela tombe bien, l’idée de l’initiative est de faire évoluer la réglementation. Il n’y aura qu’à s’adapter !
Private servers are not always a viable alternative option Les serveurs privés ne sont pas toujours une alternative viable
C’est bien pour ça qu’il n’est pas question d’imposer cette solution uniquement.
In addition, many titles are designed from the ground-up to be online-only; in effect, these proposals would curtail developer choice by making these video games prohibitively expensive to create. De plus, beaucoup de jeux sont conçus dès le départ pour être uniquement en ligne ; ces propositions auraient pour effet de réduire les choix de développement en rendant ces jeux trop chers à créer.
On nage dans le délire ici. Cette argumentation, reprise par des commentateurs peu scrupuleux, est au mieux mal avisée et au pire mensongère : si la réglementation change, il faudra concevoir différemment. L’industrie s’adapte en permanence à des évolutions juridiques ou techniques, pourquoi en irait-il autrement ici ?
On le voit, la posture des éditeurs est absolument intenable. Les demandes ne sont pas révolutionnaires, et s’il venait à l’idée de ces dirigeants d’entreprises aux titres ronflants de consulter leurs équipes de développement, la réponse serait que rien n’est impossible et que les solutions sont tout-à-fait trouvables et implémentables.
Cette demande est logique et légitime
Tout d’abord, reconnaissons que cette pratique d’abandon de jeux est singulière. C’est une forme d’obsolescence programmée particulièrement agressive, où un produit parfaitement fonctionnel est comme détruit à distance par l’entreprise productrice. Si on peut voir des similarités par exemple avec le monde de l’électronique où les mises à jour finissent par s’arrêter par exemple pour les smartphones, au moins l’objet lui-même est laissé en état de fonctionner.
Sous couvert d’une économie numérique qui s’affranchirait des règles les plus élémentaires du commerce au prétexte qu’elle est différente, il s’agit une fois encore d’un mépris affiché des éditeurs envers le public et leur clientèle. Nous qui développons les jeux ne demandons qu’à ce qu’ils restent jouables, mais par mesures d’économies de bouts de chandelles ou par incurie, les projet se retrouvent jetés au rebut alors même que des joueureuses ne demanderaient qu’à continuer à jouer à un jeu pour lequel ils ont payé. Imagine-t-on un studio de cinéma s’introduire dans notre logement pour y brûler les Blu-Ray de ses films ?
La campagne Stop Killing Games a aussi fait revenir au goût du jour les discussions sur la préservation des jeux vidéo. En France, l’un des acteurs de la préservation est la BnF via le dépôt légal des jeux vidéo. Néanmoins, là encore, à quoi bon conserver une galette de jeu vidéo si l’éditeur peut la rendre inopérante en coupant l’accès aux serveurs nécessaires à son fonctionnement ? Un travail de fourmi est effectué en silence par des dizaines de bénévoles au sein d’associations pour préserver des jeux anciens qui nécessitent un matériel tout aussi vieillot, mais le défi actuel est bien d’empêcher cette nouvelle vague de dégradations. Au tournant du millénaire, la forme préférée du jeu en ligne était d’utiliser des serveurs communautaires, ce qui permit de continuer à les faire fonctionner une fois que l’éditeur se désistait. Un quart de siècle plus tard, c’est finalement d’un retour aux bonnes pratiques dont on parle ici !
Encart : l’exemple de la « solution de sortie » de City of Heroes
Un exemple probant de ce que permettrait une législation concernant la fin de vie des jeux est celui de City of Heroes Homecoming.
City of Heroes, un MMORPG populaire a en effet vu la disparition de son équipe de développement et la clôture de ses serveurs fin 2012, alors que le jeu était rentable et se portait bien, un peu plus d’un an après son passage à un modèle hybride de financement pour coller au modèle free to play, alors en plein explosion, et l’annonce de nouveau contenu à venir.
Le 31 août 2012, le studio Paragon Studios (qui avait repris le flambeau après le départ de Cryptic Studios, studio créateur du jeu), annonce sa fermeture, et que les serveurs du jeu seront fermés 3 mois plus tard, le 30 novembre 2012, sur décision de l’éditeur, et sans recours possible.
Devant l’incompréhension de la décision brutale de l’éditeur NCSoft (maison mère d’entre autre Arena Net, le studio de la série Guild Wars), la communauté c’est immédiatement mobilisé pour demander à NCSoft de céder la licence et les droits d’exploitation, ainsi que le code source du jeu et des serveurs, afin de permettre aux développeurs de continuer à travailler sur le jeu. Une proposition soutenue par les développeurs eux même, qui, on le sait maintenant, étaient en discussion avec NCSoft pour obtenir leur indépendance et les droits d’exploitation du jeu.
NCSoft fit la sourde oreille pendant de longues années, refusant de signer la vente de la licence aux développeurs au dernier moment lors d’un effort pour faire revivre le jeu en 2014, et ne répondant jamais à aucune sollicitation de la communauté ou de la presse, et laissant le jeu et la licence morts pendant de longues années.
Le 15 Avril 2019, l’information circula qu’un serveur « privé » faisant fonctionner la dernière version du jeu existait depuis 6 ans. 3 jours plus tard, le code source du serveur fuita, et la communauté se mobilisa alors immédiatement pour créer de nouveaux serveurs du jeu, alors que NCSoft menaçait les créateurices de ces serveurs de menaces légales.
La communauté ignora les menaces, et parmi tous les serveurs qui sont apparus, l’un d’entre eux, Homecoming, pu restaurer non seulement tout le contenu du jeu, mais également les mises à jour voulues par le studio original, et qui n’avait pas pu être déployées à l’époque.
Le 4 janvier 2024, après presque 5 ans de menaces et tractations de la part de NCSoft, l’éditeur fini par accorder une licence d’exploitation officielle (mais limitée) à l’équipe du serveur City of Heroes Homecoming.
Il aura donc fallu plus de 11 ans entre la clôture des serveurs du jeu, et l’officialisation d’un serveur « privé » pour jouer à un jeu dont la communauté n’a jamais cessé d’espérer un retour.
Ceci illustre bien qu’il soit possible, avec une communauté de fans motivés, de garder en vie des jeux demandant pourtant une infrastructure complexe, mais surtout, le constat est que si à l’époque il avait existé une législation concernant la fin de vie du jeu, qui aurait obligé l’éditeur non pas à maintenir le jeu indéfiniment en ligne, mais simplement à laisser à la communauté les outils permettant au jeu d’exister, il est fort probable que ce ne soit pas 11 ans qu’il aurait fallu attendre, mais tout au plus quelques mois, pour que les fans du jeu puisse continuer à y jouer.
Du 2 au 5 juin dernier a eu lieu le procès de trois ex-cadres d’Ubisoft. Serge Hascoët, Thomas « Tommy » François et Guillaume Patrux comparaissaient au tribunal judiciaire de Bobigny pour des faits de harcèlement sexuel et moral, complicité de harcèlement sexuel et moral, ou tentative d’agression sexuelle.
Le STJV s’est constitué partie civile dans ce procès pour défendre les droits des travailleureuses, et en soutien aux victimes qui demandent justice et au syndicat Solidaires Informatique.
Nous exposons ici notre position, en reprenant notamment des éléments de la plaidoirie de Me Sophie Clocher, avocate qui représentait le STJV au procès.
Tout d’abord, rappelons que ce procès existe dans une réalité où énormément de victimes s’arrêtent bien avant le tribunal. Combien de victimes des agissements à Ubisoft étaient absentes du tribunal à ce procès ? Impossible de donner un chiffre, mais il est assurément très élevé. Par manque de moyens, par découragement, parce qu’écrasées par la société… de nombreuses personnes ne se défendent pas, en entreprise ou au tribunal.
Il y a une réelle discrimination sexiste par voie de harcèlement sexuel dans l’industrie. Il était notamment très parlant d’entendre que, pour les prévenus, voir un homme se frotter à un autre homme était un problème, mais que quand c’était avec une femme ils ne se rendaient même pas compte du souci. C’est une vraie grille de lecture de domination patriarcale qui se révèle, de leur propre bouche.
L’industrie du jeu vidéo a toujours été et est encore très hostile aux femmes. En 2024, elles représentent à peine 20% de l’industrie, chiffre en forte baisse par rapport à 2022 de l’aveu même du patronat, et qui est encore plus faible dans les studios de production. Chez Ubisoft, passé 40 ans les femmes disparaissent complètement. De même pour les postes à haute visibilité ou responsabilité : très peu de femmes se voient confier la direction créative d’un projet, par exemple.
L’excuse d’une « culture créative » brandie par les prévenus est absurde. C’est plutôt une culture viriliste et puérile qui prévalait. Une culture qui, Serge Hascoët l’a reconnu lui-même devant le tribunal, ne contribuait pas à favoriser la créativité de toute façon ! Mais les jeux se vendaient donc toute remise en cause était balayée, et elle reste à faire encore aujourd’hui. Serge Hascoët et son service éditorial étaient vus comme les sources de la réussite d’Ubisoft, d’une manière similaire à un culte du cargo : ils étaient là au bon endroit au bon moment, et l’entreprise ne cherchait pas à comprendre les réels tenants et aboutissants de la production et du succès (ou de l’échec) des jeux vidéo.
Le service éditorial d’Ubisoft n’est qu’une loupe sur un mal répandu dans toute l’industrie, une distorsion de la norme où « les créatifs » ont tous les droits, où les insultes ne sont pas des insultes (« Quand je traitais quelqu’un de con ou de nul, ce n’était pas pour dire qu’il était con ou nul » a osé Guillaume Patrux). Une victime a comparé ce service, de manière malheureusement très juste, à la série Severance : une forme de dissociation pesait sur les victimes de ces « créatifs » plus occupés à inventer de nouvelles formes de brimades plutôt qu’à contribuer à la bonne marche de l’entreprise. De ce témoignage, nous retenons également cette phrase glaçante : « j’avais l’impression que la loi s’arrêtait aux portes d’Ubisoft ».
Ce procès démontre bien le désintérêt assumé et revendiqué pour le droit, en particulier du travail. « C’est le rôle des RH » peut-on entendre de la part de Serge Hascoët, numéro 2 d’une multinationale de plus de 20 000 employé·es, qui prétend également ne pas avoir un rôle de manager. S’il ne s’y connaissait pas, il avait amplement les moyens de s’intéresser à ces problématiques et de se former. Qu’il ait choisi de ne pas le faire, à l’instar de l’ensemble du patronat, est révélateur.
Ubisoft, l’éléphant au milieu du tribunal
Si on a pu noter la présence de son avocate, venue prendre des notes extensives tout au long des 4 jours d’audience, le groupe Ubisoft était le grand absent du banc des prévenus. Jusqu’à l’explosion de témoignages en 2020, relayés dans la presse, il n’existait pas à Ubisoft de systèmes d’alerte, en-dehors du minimum légal spécifique au signalement de faits de corruption, prévu par la loi Sapin II.
Les témoignages ont bien étayé à quel point la direction d’Ubisoft était, au mieux, volontairement ignorante de ce qui se passait à l’étage juste en-dessous du bureau du PDG. Yves Guillemot a même eu l’occasion de consoler une victime en pleurs : comment peut-il oser continuer de faire semblant de ne pas avoir été au courant ?
Depuis 2020, le système spécifique aux faits de corruption a été étendu aux remontées de harcèlement mais, malgré les demandes régulières des représentant·es du personnel, l’opacité continue de régner à Ubisoft, écrasant toujours autant les travailleureuses. Notre article de 2021 est malheureusement toujours d’actualité : Harcèlement : Ubisoft préfère jouer la montre et faire de la comm’ que protéger les employé·es – STJV
Devant ces faits « sidérants », devant ce dossier « indescriptible » comme l’ont très bien décrit les avocat·es des parties civiles, il nous semble crucial que les responsabilités de toutes et tous soient reconnues : Ubisoft a mis en danger ses employé·es. Un·e élu·e du personnel s’est fait harceler, placardiser, et pousser dehors. De nombreuses victimes ont aujourd’hui encore des problèmes à travailler en entreprise, à cause de ce qu’iels ont vécu à Ubisoft. Nous ne l’oublierons pas !
Rappelons quand même que, contrairement à ce que leurs avocats ont tenté de plaider, la responsabilité d’Ubisoft ne retire aucunement leur responsabilité personnelle aux prévenus. Personne n’a forcé Serge Hascoët, Thomas « Tommy » François ou Guillaume Patrux à insulter, harceler ou agresser leurs collègues.
Nous espérons que justice sera rendue.
À toutes les victimes, à toutes les personnes qui souffrent en entreprise pour quelque raison que ce soit, nous vous répétons notre soutien indéfectible, et nous vous invitons à nous contacter par quelque moyen que ce soit : ensemble, nous avons le pouvoir de mettre fin à ces actes !
En France, alors que la population générale se montre de plus en plus acceptante des personnes LGBTQIA+, le système politique et les media dominants s’enfoncent dans une spirale haineuse et mortifère de paniques morales pour justifier leurs idées abjectes et leur projet de société cis-hetéro-normatif (1).
Les LGBTQIAphobies tuent. En 2024, sur les 186 cas d’agressions violentes recensés par SOS Homophobie en France, 5 sont des meurtres, et il ne s’agit là que des cas recensés. Ces attaquent combinent souvent plusieurs autres discriminations telles que le racisme, le validisme, le classisme, la putophobie ou la sérophobie.
L’offensive réactionnaire bat son plein à l’échelle mondiale, avec notamment une décision anti-trans grave, tout particulièrement contre les femmes trans, sur l’accès aux espaces genrés au Royaume-Uni et l’annihilation du self-id sous Trump aux USA. Être trans est toujours criminalisé, et peut entraîner des peines allant jusqu’à la peine de mort, dans plusieurs pays. Il est intéressant de noter que, pendant que nos droits sont attaqués, leurs assaillants se posent en protecteurs pour justifier des génocides, notamment celui des palestinien·nes commis par Israël, en dépeignant leurs victimes comme des homophobes.
Au milieu de tout cela, le mois des fiertés sera encore une fois l’occasion pour les entreprises, les gouvernements, les génocidaires et plus généralement pour tout l’appareil de domination capitaliste, de se laver les mains. Quand on a les mains rouges de sang, les frotter quelques secondes suffirait apparemment à les rendre rose.
Et dans le jeu vidéo ?
Bien que certains groupes réactionnaires, inspirés de près ou de loin par le « gamergate »(2) trouvent les jeux vidéo trop « woke », appellent au boycott des jeux qu’ils imaginent touchés par le spectre du « DEI »(3) et harcèlent les travailleureuses du secteur, la réalité ne pourrait pas se situer plus loin de leurs affabulations complotistes.
En effet, les personnes LGBTQIA+ n’ont jamais autant servi de caution pour la machine capitaliste : nos histoires et nos vies, quand elles ne sont pas portées uniquement sur nos épaules, sont largement maltraitées par des directions créatives ignorantes ou carrément mal intentionnées, quand elles ne sont pas purement abandonnées après nos départs des entreprises qui nous (re)mettent au placard dès qu’on fait trop de bruit.
Les entreprises comme Don’t Nod, Quantic Dream, Ubisoft, Blizzard… affichent un logo arc-en-ciel 30 jours dans l’année, mais favorisent structurellement et protègent les comportements LGBTQIAphobes, comme peuvent en témoigner bon nombre de travailleureuses.
Les patron‧nes ne sont pas nos allié‧es dans cette lutte pour nos droits et, s’iels nous donnent parfois la parole, c’est uniquement quand iels peuvent en tirer un bénéfice.
Pour les joueureuses, le constat n’est pas plus reluisant. La faible modération des espaces multijoueurs laisse place à des violences communes, et les communautés doivent s’organiser entre elles et bénévolement pour proposer des espaces moins violents. L’obstination des directions créatives à représenter nos souffrances plus que nos joies, car c’est tout ce qu’elles connaissent de nos vies en nous les faisant subir, dépeint une image bien sombre dans beaucoup de nos jeux.
On bombe le torse et on se retrousse les manches
La seule réponse efficace aux attaques dirigées contre nous est une solidarité de classe sans faille, partout, tout le temps. Les personnes LGBTQIA+ sont aussi des travailleureuses, et donc la libération des travailleureuses ne peut pas se faire sans la libération des personnes LGBTQIA+. Les syndicats se doivent d’être un refuge et un lieu de lutte pour porter nos combats collectivement.
À cet effet, nous mettons la main à la pâte toute l’année. Si vous êtes victime ou témoin de violences LGBTQIAphobes, contactez vos sections syndicales ou prenez contact via . Nous défendons toute personne, adhérente ou non.
Nous appelons aussi à participer à toutes les luttes, pas uniquement les luttes LGBTQIA+. Si les oppressions convergent, alors les luttes le doivent également : antiracisme, antivalidisme, antifascisme et féminisme sont nécessaires à notre libération collective.
Nous mettrons en avant pendant ce mois de juin diverses organisations et mobilisations luttant pour notre libération et nous vous invitons à rejoindre ces luttes. Nous fournirons également témoignages et analyses permettant de mettre en lumière ce que l’industrie du jeu vidéo fait réellement subir aux personnes LGBTQIA+ quand le vernis craque.
Nos revendications sont la suite logique de ces actions et nous continuerons à lutter pour les faire advenir au sein des entreprises :
la fin des recours aux CDD pour lutter contre la précarisation des personnes marginalisées ;
l’imposition de grilles salariales publiques dans les entreprises, pour mettre fin aux discriminations salariales qui touchent de manière disproportionnée les minorités ;
le remboursement à 100 % de toute consultation ou acte médical par les mutuelles d’entreprise, y compris les parcours de transition pour les personnes transgenres ;
l’utilisation des prénoms et noms d’usage au travail sur simple demande, sans poser de questions ni demander de justificatifs ;
l’imposition de congés parentaux égaux et obligatoires, y compris en cas d’adoption, pour tous les couples ;
l’intégration des représentant‧es du personnel et des syndicats dans les processus d’alerte et de gestion des discriminations et violences en entreprise, pour pouvoir y faire entendre la voix des personnes concerné‧es ;
l’intégration de toustes les travailleureuses dans les processus décisionnels et créatifs, et leur transparence totale, pour que chaque personne concernée puisse être consultée et agir sur les choix de l’entreprise.
Ces revendications ne seront pas acquises en faisant appel à la bonne volonté de nos oppresseurs mais conquises par la solidarité, l’action collective, la grève et le rapport de force.
Lexique
(1) cis-hétéro-normatif : qui impose une vision de la société hétérosexuelle et cisgenre, en opposition aux luttes LGBTQIA+ (2) gamergate : mouvement d’extrême-droite ayant pris racine dans les années 2010 en s’opposant à la présence des femmes, des personnes racisées ou encore des personnes LGBTQIA+ dans le studios et dans les jeux eux-mêmes (3) DEI : Diversity, Equality and Inclusion, nom donné aux différents programmes qui favorisent l’inclusivité et la diversité au sein des entreprises et des productions
La commission Accompagnement et Soutien Juridique du STJV a le plaisir d’annoncer une victoire majeure dans un dossier où elle accompagnait une salariée. Il en a résulté une condamnation à plus de 34 000 € bruts en sa faveur, et une reconnaissance par le tribunal que l’une de nos revendications récurrentes, le statut cadre comme positionnement logique de toute personne travaillant dans le jeu vidéo, s’appliquait bien en l’espèce.
Voilà les détails de cette affaire :
Résumé du litige
La salariée a été engagée le 25 novembre 2020 en qualité d’Artiste Environnement 3D, Statut ETAM, position 2.2 coefficient 310, contre une rémunération brute mensuelle de 1 900 euros.
Par avenant du 30 Octobre 2021, elle a évolué vers des fonctions d’encadrement d’une équipe de 4 personnes (« Lead Level Art ») à compter du 1er novembre 2021, assortie d’une augmentation de salaire à hauteur de 2 300 euros bruts.
En réalité, la salariée occupait, de fait, des fonctions de Lead dès mai 2021, suite au départ de sa supérieure hiérarchique directe (Lead).
Le Conseil de prud’hommes a été saisi notamment d’une demande de reclassification conventionnelle
en statut Cadre dès l’embauche, position 2.1 du fait de son niveau de diplôme : RNCP 6 (bac + 3 ou 4)
position 3.2 coefficient 210 à compter du passage au poste de Lead
et du rappel de salaire subséquent.
Décision du Conseil
Le Conseil de prud’hommes nous a donné raison et a jugé que la requérante aurait dû bénéficier des positions
2.1 coefficient 100 du 24 novembre 2020 au 24 mai 2021
2.1 coefficient 115 du 25 mai 2021 au 31 octobre 2021
3.2 coefficient 210 du 1er novembre 2021 au 07 août 2022 (fin du préavis)
(Le classement au coefficient 115 en mai 2021 n’est pas expliqué par le Conseil, qui a certainement jugé en équité et non en droit sur ce point).
Cela signifie qu’elle aurait dû être rémunérée, au minimum :
2 186€ bruts mensuels du 24 novembre 2020 au 24 mai 2021
2 394€ bruts mensuels du 25 mai 2021 au 31 octobre 2021
4 311€ bruts mensuels du 1er novembre 2021 au 07 août 2022
Pour le Conseil de prud’hommes,
dans le cadre de ses fonctions de Lead, la salariée avait une fonction de gestion d’équipe, ce qui englobait le commandement de celle-ci : elle assistait aux réunions des managers, elle effectuait des évaluations des membres de son équipe, elle était en charge du recrutement, elle contrôlait et organisait le travail de son équipe, tous ces éléments démontrant qu’elle relevait de la position 3.2 coefficient 210.
Il s’agit d’une juste application des dispositions de la convention collective :
C’est bien le niveau de diplôme qui détermine le statut de cadre, dès lors qu’on possède un BAC +3, +4 ou +5 et que le poste met en application les enseignements du diplôme,
Dès lors qu’un poste implique un commandement sur des salariés de toute nature, la position 3.2 doit être attribuée.
Pour rappel, la SYNTEC prévoit :
Position 3.2 : Ingénieurs ou cadres ayant à prendre, dans l’accomplissement de leurs fonctions, les initiatives et les responsabilités qui en découlent, en suscitant, orientant et contrôlant le travail de leurs subordonnés. Cette position implique un commandement sur des collaborateurs et cadres de toute nature.
Condamnation de la société
La Société a été condamnée à plus de 34 000 euros bruts de rappel de salaire (pour 1 an et 9 mois d’ancienneté), sans compter les intérêts de retard (plus de 4500 euros).
Cette décision est devenue définitive car la société n’en a pas fait appel.
Victoire d’étape
Nous le disons depuis notre création : la convention collective SYNTEC (majoritaire dans les studios de Jeu Vidéo) est non seulement choisie par les entreprises car peu avantageuse pour les travailleurs-euses, mais est en plus volontairement mal appliquée pour tirer nos salaires et conditions de travail vers le bas.
C’est une de nos revendications principales : l’application universelle du statut Cadre. Tous les métiers exercés dans l’industrie du Jeu Vidéo nécessitent des formations longues, de l’autonomie et des connaissances étendues. Cela place donc l’intégralité des postes que nous occupons sous le statut Cadre, du moins pour SYNTEC.
Grâce à nos luttes cette revendication commence à être appliquée concrètement, puisque cela s’est négocié chez Amplitude Studios lors des Négociations Annuelles Obligatoires de 2024, et dans les conditions de départ lors du plan de licenciement à Don’t Nod en 2025.
Loin d’être un détail, avoir le statut Cadre plutôt qu’ETAM amène des améliorations bien concrètes et il suffit de regarder les minima de salaire associés pour s’en convaincre. L’écart est encore plus important lorsque, comme dans ce jugement, la classification (3.2) est correcte et adaptée.
Bien souvent, les entreprises ne daignent attribuer le statut Cadre qu’aux postes de programmation et d’encadrement, prétextant des raisons floues et fausses sur la possession ou non d’un diplôme d’ingénieur.
Ce jugement affirme avec force qu’étant donné le niveau d’étude (ultra majoritairement bac + 3 à bac + 5), les compétences et l’autonomie demandées dans nos métiers, le statut Cadre est une évidence. Pour les programmeureuses, mais aussi pour les artistes, les designers, les QA…
Il démontre également que classifier des postes en 3.1 ou 3.2 n’est pas farfelu : nous avons les compétences et les responsabilités associées, le statut et la paie doivent venir avec, comme de juste. Y compris dans les « petites » entreprises comme ici (moins de 50 salarié-es).
La quantité de salaire que les entreprises nous volent depuis des années est gargantuesque.
Conclusion
Le STJV va continuer d’œuvrer pour une application légitime et honnête des conventions collectives, en particulier SYNTEC.
C’est une piste majeure pour l’amélioration de nos conditions de travail et la justice sociale. Nous invitons toute personne se sentant lésée par son employeur à nous contacter afin de discuter de ce qu’on peut mettre en place.