SYNTEC – Quels sont vos droits, et combien vous doit votre employeur ?

Cette note concerne les personnes sous convention collective SYNTEC, qui est en vigueur dans la moitié des studios français, d’après le SNJV (syndicat patronal). Néanmoins, si vous n’êtes pas sous SYNTEC et avez des questions, contactez-nous, nous soutenons tous les travailleurs et toutes les travailleuses, ayant adhéré ou non.

La dernière mise à jour de cette fiche date du 25/02/2024.

Qu’est-ce qu’une convention collective ?

La convention collective est un texte qui complète le droit du travail pour une branche d’activité donnée. Il est négocié nationalement entre des représentant·es du patronat d’une branche professionnelle et des représentant·es syndicaux.

Dans le droit français, il y a plusieurs niveaux de textes régissant l’emploi :

  1. le droit du travail
  2. la convention collective (ou accord de branche)
  3. les accords d’entreprise

Historiquement, ces textes s’appliquaient en suivant une priorité précise qu’on appelle la hiérarchie des normes.
Une convention collective ne pouvait être que plus avantageuse que le droit du travail, et un accord d’entreprise ne pouvait être que plus avantageux que la convention collective.
Mais cette hiérarchie est progressivement remise en question et détruite méthodiquement par le patronat et les politique néolibérales, notamment depuis la Loi Travail de 2016.

Comment connaître ma convention collective ?

Une entreprise est obligée de souscrire à une convention collective, du moment qu’elle dépend d’une branche. En revanche, si le secteur d’activité qu’elle déclare à sa création n’appartient pas à une branche existante, elle n’aura pas de convention collective et dépendra uniquement du droit du travail.
Les patron·nes déclarent parfois des activités… Originales, pour des studios de jeu vidéo, comme « jeux et jouets » ou encore « films d’animation ».

Néanmoins, la plus courante (une grosse moitié des entreprises recensées par le SNJV) reste SYNTEC.
Elle est notamment réputée pour être globalement très peu avantageuse pour les salarié·es.
A titre d’exemple, ses salaires minimum les plus bas passent régulièrement en dessous du SMIC, ne présentant donc absolument aucun intérêt.

Mais si votre entreprise applique bien une convention collective, elle doit être mentionnée :

  • dans votre contrat de travail
  • sur votre bulletin de salaire

Une liste des conventions collectives est disponible sur le site du gouvernement.
Pour SYNTEC, il doit être indiqué « Bureaux d’études techniques, cabinets d’ingénieurs conseils, sociétés de conseils », qui est son nom réel (abrégé BETIC). Néanmoins, l’usage courant est de l’appeler SYNTEC et c’est ce que nous suivrons dans cet article.
Son texte complet est disponible sur légifrance et sur le site de syntec.

Comment connaître les accords d’entreprise qui me concernent ?

Vous pouvez demander à les consulter aux RH ou aux instances représentatives du personnel de votre entreprise.

De plus, depuis 2017, tous les accords d’entreprise sont déposés sur légifrance.

Rémunération des stages

Une gratification est obligatoire dès que le stage dure plus de deux mois (ou 309h si le stage n’est pas effectué en continu). La gratification minimale est fixée à 15% du plafond horaire de la Sécurité Sociale, soit (en 2024) 4.35 € par heure de stage actuellement (soit 609 € pour 20 jours de stage sur un mois). Une convention collective peut lister des minima plus élevés pour les stagiaires, mais SYNTEC ne le fait pas.

Quoi qu’il en soit, l’entreprise où vous effectuez un stage peut tout à fait vous verser plus que la gratification minimale prévue par la loi.
Certains studios gratifient le stage au niveau du SMIC, par exemple.

Rémunération en alternance

De même, la loi prévoit un salaire minimum en alternance, qui est fonction de l’année d’études en cours et de votre âge (et calculé en fonction du SMIC).

Moins de 18 ansDe 18 à moins de 21 ans21 ans et plus
Niveau de formationNiveaux préparés II et IIINiveaux préparés INiveaux préparés II et IIINiveaux préparés I
Année 1583.08 €759.78 €848.12 €971.81 €1,148.50 €
Année 2759.78 €936.47 €1,024.81 €1,148.50 €1,325.19 €
Année 31,024.81 €1,201.51 €1,236.84 €1,413.54 €1,413.54 €

Dans le cas d’un contrat de professionnalisation, la grille est fournie par l’OPCO-ATLAS dans ce document.

Fonctionnement de SYNTEC

Classification

Les employé·es d’une entreprise sous SYNTEC appartiennent forcément à l’une des deux catégories (« collèges ») suivantes :

  1. ETAM : employé·es, technicien·nes et agent·es de maîtrise.
  2. IC : ingénieur·es et cadres

ETAM ou IC?

L’appartenance à un collège se base uniquement sur les prérequis du poste que vous occupez.

A ce titre, l’intention de la convention est de séparer les postes entre ceux qui seraient « peu intellectuels, sans autonomie ni besoin de formation avancée » (ETAM) et ceux qui demanderaient de longues études supérieures, ainsi qu’une « capacité d’autonomie et d’adaptation plus importante » (IC).

Par exemple, la convention prévoit que le collège ETAM s’applique à des postes ne nécessitant aucune formation jusqu’à ceux requérant un BEP.
Le collège IC part du principe que les bénéficiaires auront un diplôme d’ingénieur ou équivalent (BAC+5).
Nous reviendrons à cela juste après.

Car c’est quelque chose qu’on entend et lit souvent, il nous semble important de tuer le mythe :

IL N’EST PAS NÉCESSAIRE DE DIRIGER UNE ÉQUIPE POUR ÊTRE CADRE

Il est aussi bon de noter que le collège IC apporte des avantages matériels non-négligeables, notamment:

  • une meilleure indemnité de licenciement: 33% de mois de salaire par année de présence pour les IC, contre 25% pour les ETAM entre 2 et 20 ans de présence, et 30% après
  • une meilleure indemnisation en cas d’arrêt maladie: 100% du salaire pendant 3 mois pour les IC, tandis que les ETAM ont 1 à 2 mois (selon l’ancienneté) de salaire maintenu à 100%, puis seulement 80% de leur salaire.
  • de meilleures cotisations de retraite
  • une meilleure grille de salaire (détaillée plus bas)
  • un accompagnement de retour dans l’emploi privilégié financé par des cotisations spécifiques (via l’Apec)

De manière générale, le STJV considère qu’aucun des métiers du jeu vidéo ne correspond à une position d’ETAM selon les définitions de la SYNTEC.
Pourtant, une pratique très répandue consiste à placer tous les métiers plus précaires (design, art, QA, …) en ETAM. Nous vous y trompez pas, il s’agit uniquement d’une manière de tirer les salaires vers le bas, car être classifié·e ETAM n’apporte que des désavantages.

Position

Les collèges ETAM et IC sont subdivisés en différentes positions.
Grosso modo, les positions « X.Y » définissent une hiérarchie dans les employé·es en fonction de leur poste, de leurs responsabilités et de leur expérience.
Une position est liée à un poste de travail, non à une personne. C’est l’emploi et le travail demandé qui définit la position, pas votre formation ou vos compétences. En d’autres termes, il est possible d’être « surqualifié » par rapport à sa position.

Coefficient

Chaque position possède un coefficient associé, il s’agit d’un nombre utilisé pour calculer son salaire minimum. Il est impossible d’être payé en dessous de ce salaire brut, à équivalent temps plein.

Votre collège, position et coefficient doivent être indiqués sur vos bulletins de salaire. Ces trois données forment ce qu’on appelle la « classification », qui définit un salaire minimum associé (voir plus bas).

Temps de travail

Une fois que l’on connaît sa classification, il reste encore à traiter une subtilité mais pas des moindres, qui est l’organisation et la durée du travail. Tout d’abord, rappelons la base actuelle du droit français à ce sujet : le contrat de travail prévoit les horaires hebdomadaires, et le défaut est de 35H.
Si votre contrat prévoit plus de 35H par semaines, il doit également prévoir de compenser cette durée supplémentaire, par exemple en attribuant des jours de RTT (Réduction du Temps de Travail). Toute heure effectuée au-delà de la durée prévue dans le contrat de travail est une heure supplémentaire.

La loi stipule également qu’on ne peut pas dépasser 48h de travail hebdomadaire, et qu’un·e salarié·e doit bénéficier d’au moins 11h de repos entre chaque jour de travail.
Plus de précisions sur la durée légale de temps de travail.

Les modalités de gestion des horaires

Cependant, les 35H strictes ne plaisent pas au patronat qui a fait en sorte d’insérer de nombreuses dérogations pour augmenter la durée de travail hebdomadaire, sans pour autant recourir à la compensation classique des heures supplémentaires.

SYNTEC définit trois modalités de gestion du temps de travail :

  • Modalité 1 – Standard : c’est le droit commun qui s’applique. Le temps de travail est de 35H par semaine. Les heures supplémentaires jusqu’à 8H par semaine sont majorées de 25%, de 50% au-delà.
  • Modalité 2 – Forfait heure ou « réalisation de missions » : le temps de travail hebdomadaire est de 35H avec une variation de plus ou moins 10%. C’est-à-dire que vous pouvez travailler 38H30 par semaine sans que l’employeur ne vous doive d’heure supplémentaires.
  • Modalité 3 – Forfait jour ou « réalisation de missions avec autonomie complète » : Le temps de travail est décompté en jours sur l’année. Les heures supplémentaires ne sont pas décomptées.

En ETAM

C’est le cas le plus simple (« modalité 1 ») : par défaut les salarié·es classifié·es en ETAM travaillent aux 35h hebdomadaires, comme c’est la disposition par défaut du droit du travail français.

En Ingénieur-Cadre

Les modalités peuvent être plus variées, mais des rémunérations minimales sont applicables (cf paragraphe « Forfait jour ou forfait heures abusifs »).

Prime de vacances

Explicitée à l’article 31 (lien vers l’article dans sa rédaction actuelle), son montant doit être au minimum égal à 10% des indemnités de congés payés des employé·es (environ 1% de la masse salariale globale).
Chaque employé·e doit en toucher une entre Mai et Novembre. Elle est généralement répartie équitablement ou proportionnellement au salaire de chaque employé·e, à la discrétion de l’employeur.
Elle ne peut pas être incluse dans le salaire de base.

Les problèmes constatés

Nous avons relevé différents types d’abus dans les entreprises, et, bien que les patrons sachent faire preuve de créativité, il y a des classiques :

Horaires de travail illégaux

L’articulation entre modalité de temps de travail et durée hebdomadaire peut être complexe à comprendre, et en effet nous constatons régulièrement des contrats prévoyant des horaires abusifs. Si vous êtes en modalité 1, vos horaires doivent être de 35H hebdomadaires, ou doivent vous accorder des jours de RTT si la durée hebdomadaire du travail est supérieure à 35H pour rattraper la totalité des heures supplémentaires.

De même, en modalité 2, l’horaire hebdomadaire doit également être mentionné dans votre contrat. S’il n’y a pas de précisions de la modalité, le défaut reste les 35H hebdomadaires.

Non-respect des salaires minimum conventionnels

La première chose que vous pouvez vérifier est que vous recevez bien le salaire minimum correspondant à votre grade, ce qui est loin d’être toujours respecté. Votre classification doit être indiquée sur votre fiche de paie et les salaires minimums sont les suivants :

ETAM

PositionCoefficientSalaire min. mensuel brut
1.12401 715 €
1.22501 745 €
2.12751 775 €
2.23101 831 €
2.33551 971 €
3.14002 111 €
3.24502 266 €
3.35002 415 €

IC

PositionCoefficientSalaire min. mensuel brut
1.1952 033 €
1.21002 140 €
2.1
(moins de 26 ans)
1052 241 €
2.1
(26 ans ou plus)
1152 454 €
2.21302 774 €
2.31503 201 €
3.11703 577 €
3.22104 419 €
3.32705 681 €

Contrats ETAM pour des ingénieurs ou assimilés

Une majorité des salariés de nos studios ont au moins un diplôme niveau Bac +5.
Or, selon la convention collective, le statut ETAM s’arrête à Bac + 2. Si vous êtes ETAM, sachez que les positions ETAM correspondent aux niveaux d’étude suivants :

PositionSalaire min. mensuel brutNiveau d’étude demandé par la C.C.
1.*1 558,80 €BEP / CAP / Brevet Professionnel / Brevet de Maîtrise
2.*1 683,75 €Bac / Brevet de Technicien
3.*2 059,80 €BTS

Source : annexe 1, page 50

Bien que ce soit légal si les qualifications requises pour le poste que vous occupez correspondent effectivement à la grille ci-dessus, sachez que si vous embauchez à 1750 € bruts après avoir payé plusieurs milliers d’euros un Bac + 5 dans une école privée, il ne vous est pas interdit de considérer que soit votre employeur, soit votre école se moque de vous.

Toute la question est donc de déterminer : mon travail réel correspond-il à la description associée à ma classification ? Par exemple, quels étaient les prérequis de formation dans l’offre d’emploi ? Si elle mentionnait des études supérieures longues, alors on ne peut pas sérieusement défendre que le poste relève du collège ETAM.

Forfait jour ou forfait heures abusifs

L’application des modalités 2 & 3 de gestion du temps de travail évoquées plus haut sont soumises à des conditions précises stipulées au chapitre 2 de cette annexe.

  • Modalité 2 (Réalisation de missions) : « Tous les Ingénieurs et Cadres sont a priori concernés à condition que leur rémunération soit au moins égale au plafond de la sécurité sociale » ainsi que « Le personnel ainsi autorisé à dépasser l’horaire habituel dans la limite de 10 % doit bénéficier d’une rémunération annuelle au moins égale à 115 % du minimum conventionnel de sa catégorie. » L’interprétation de la jurisprudence pour cette modalité (voir cette décision ainsi que celle-ci), c’est qu’il faut toucher au minimum le Plafond de la Sécurité Sociale mais aussi au minimum 115% du salaire minimum correspondant à son grade.
  • Modalité 3 (Réalisation de missions avec autonomie complète) : « relèvent au minimum de la position 2.3 de la grille de classification des cadres de la convention collective nationale ou bénéficient d’une rémunération annuelle supérieure à deux (2) fois le plafond annuel de la sécurité sociale » et « Le personnel ainsi concerné doit bénéficier d’une rémunération annuelle au moins égale à 120 % du minimum conventionnel de sa catégorie. » Le minimum est donc 120% du salaire minimum pour la position 3.1, ou bien de deux fois le PSS si vous n’êtes pas en position 3.
ModalitéPositionSalaire brut mensuel doit être supérieur àEt supérieur à
2Toutes3864 €115% du salaire minimum correspondant à la position
3Cadre 2.33905.22 €-
3Cadre 3.14292.4 €-
3Cadre 3.25302.8 €-
3Cadre 3.36817.2 €-
3Autres positions7728 € (2x le PMSS)120% du salaire minimum correspondant à la position

Dans les deux cas vous devez être ingénieur-cadre. Pour proposer une modalité 2 ou 3 à des salarié·es ETAM, il faut nécessairement qu’un accord d’entreprise stipule cette possibilité. Au moindre doute, demandez donc à voir l’accord en question.

Comment faire valoir vos droits ?

En cas de litige sur des sujets de rémunération et de temps de travail, si l’employeur est en faute, alors il est tenu de régulariser la situation immédiatement. Il doit également réparer le préjudice de manière rétroactive sur 3 ans, si applicable, c’est à dire vous verser tous les impayés.
Si vous êtes au forfait heure ou jour sans toucher la paie minimum, il doit vous payer les heures supplémentaires que vous avez effectuées, rétroactivement sur 3 ans.

En revanche, si vous avez signé un contrat correspondant à un niveau d’étude plus bas, il faudra prouver que le poste que vous occupez correspond à un niveau d’étude plus haut, c’est plus compliqué. Nous sommes également en train de travailler sur la question.

Que faire ?

Contactez-nous à si vous êtes dans ces cas, nous sommes là pour vous aider. Même si vous ne tenez pas à engager une action pour faire régulariser votre situation, il nous intéresse de savoir où et dans quelle mesure la C.C. SYNTEC est mal appliquée. Nous menons régulièrement des actions (juridiques si nécessaires) pour faire respecter la loi.

Comptes
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