GWU : A propos des licenciements chez Telltale

Cet article est une traduction du billet publié par Game Workers Unite : https://www.gameworkersunite.org/blog/statement-on-the-telltale-layoffs

Game Workers Unite est une organisation qui vise à mettre en contact les activistes pro-syndicalisation, les travailleurs et travailleuses exploité·e·s et leur allié·e·s de toutes disciplines, toutes classes et tous pays au nom de la création d’une industrie du jeu vidéo syndiquée.

Retrouvez-les :


 

Comme beaucoup d’entre vous le savent, Telltale a récemment licencié approximativement 250 travailleurs et travailleuses, ne gardant que 25 personnes pour “remplir les obligations de l’entreprise vis à vis du conseil d’administration et des partenaires”. La situation est triste, mais familière – c’est un problème endémique à l’industrie. Des centaines de travailleurs et travailleuses se voient refuser salaire ou couverture santé sans préavis, laissé·e·s vulnérables dans une région où le coût de la vie est extrêmement élevé. Certaines de ces personnes venaient juste d’être embauchées.

Soyons honnêtes. La direction de Telltale est incompétente. Ce sont des exploiteurs. Ils connaissaient la situation et ont échoué en ne prévenant personne. Nous savons que le management méprise ses travailleurs et travailleuses. Plusieurs sources ont continuellement mis en lumière les conditions de travail à Telltale, démontrant que depuis la création du studio, il s’agit plus de prioriser la direction et les actionnaires – toujours au détriment de leurs employé·e·s.

Aux travailleurs et travailleuses qui ont été touché·e·s : nous vous voyons. Nous sommes vous. Nous sommes debout avec vous. Nous sommes là pour parler, pour écouter, pour offrir tout le support que nous pourrons. Prenez le temps qu’il faut pour vous reposer et récupérer, mais sachez que nous serons là pour vous quand vous aurez besoin de soutien. En tant que travailleurs et travailleuses, nous pouvons construire une meilleure industrie, aux conditions de travail durable, équitable et dignes. Une industrie qui offre des filets de sécurité et qui force la responsabilité de nos entreprises. Une industrie où personne ne vit dans la peur d’être exploité·e par la direction d’une entreprise.

Aux fans de Telltale, aux joueurs et aux joueuses : apprenez à voir la différence entre les entreprises et les personnes qui font les jeux. Percez à jour les mensonges du top management et sachez que les équipes sont exploitées et méprisées. Nous sommes aussi contrarié·e·s que vous quand un jeu est annulé. Dirigez votre colère contre les actionnaires qui traînent notre medium dans la boue pour le profit.

Ce problème n’est pas spécifique à Telltale ou à la direction de ce studio – c’est un problème que nous voyons encore et toujours dans notre industrie ; et nous continuerons à le voir tant que le management sera en position d’exploiter les travailleurs et travailleuses. Sur les 6 derniers mois, nous avons assisté à la fermeture de trois grands studios. La façon de créer des jeux est viciée, et cela amènera dans le futur à la chute d’autres studios que nous aimons.

La syndicalisation ne peut pas résoudre le problème chez Telltale après coup, mais elle aurait pu éviter tellement de dommages à un nombre incalculable de salarié·e·s en assurant des indemnités de rupture et une couverture santé qui dure d’un emploi à l’autre. Nous ne pouvons plus continuer à juste réagir à ces événements, c’est perdre une bataille. Nous ne pouvons pas juste envoyer nos propositions de poste après chaque fermeture de studio. Nous devons faire preuve d’initiative. Nous devons nous syndiquer avant que ces désastres ne partent trop loin. S’il vous plaît, impliquez-vous, commencez à vous organiser avec vos collègues et contactez-nous pour de l’aide et du soutien.

Tant que les équipes seront isolées quand elles se lèvent contre l’exploitation des entreprises, nous souffrirons en tant qu’industrie. Nous sommes là pour unifier les travailleurs et travailleuses – pour utiliser notre force collective et ainsi faire une différence dans l’industrie. Nous nous tenons aux côtés de l’équipe qui a été jetée par la direction de Telltale et nous sommes là pour aider de quelque manière que ce soit.

Vous pouvez nous écrire à ou via Twitter – nous voulons entendre votre histoire.

Solidairement,

Game Workers Unite

6 semaines de lutte chez Eugen Systems

Nous relayons une nouvelle fois un communiqué rédigé par nos collègues grévistes du studio parisien Eugen Systems. Vous pouvez les soutenir via leur caisse de grève, toutes les participations sont bienvenues : https://www.lepotcommun.fr/pot/kfy5g3ta

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Escalation

Après 6 semaines de grève et un manque de volonté évident à faire évoluer la situation, la direction d’Eugen Systems avance enfin à visage découvert et ne cache plus qu’elle n’a aucune intention de négocier.
La dernière rencontre du vendredi 23 mars n’a duré en tout et pour tout qu’une quinzaine de minutes. Et pour cause, face aux refus systématiques de la direction, il a été demandé si elle accepterait de négocier quoi que ce soit. Sa réponse est aussi claire que concise : non.

La précédente rencontre avait eu lieu le 21 mars.
La direction avait rédigé unilatéralement un projet d’accord de fin de grève. Toutes nos revendications y étaient refusées ou ignorées, déclarant au passage que la grève était inutile et que le dialogue avait toujours été ouvert. Plutôt osé après avoir ignoré les grévistes pendant 2 semaines et la majorité des remarques remontées par les délégués du personnel pendant plus d’un an.

Dans ce projet d’accord la direction met en avant les efforts qu’elle consent à faire envers nous qui justifieraient l’arrêt de la grève.
Parmi ces engagements on trouve en réalité une majorité d’obligations légales qui auraient dues être remplies sans que nous n’ayons à les demander.

  • Nous apporter la preuve que la médecine du travail sera bien payée l’an prochain. L’adhésion à la médecine du travail est une obligation légale, nous ne devrions pas avoir besoin d’un tel engagement pour être certains que ce soit fait.
  • Mettre en place une salle de pause à chaque étage des locaux pour pouvoir accueillir suffisamment de monde. C’est encore une obligation légale qui n’avait d’ailleurs pas été réclamée dans le cadre de la grève.
  • La promesse d’un futur accord d’entreprise sur les classifications. Une discussion sur ce point était déjà prévue. De plus, avant de discuter de nouvelles classifications peut-être faudrait-il commencer par respecter celles qui nous sont dues ?
  • Détailler le calcul des quelques rattrapages de salaires et primes de vacances sur 3 ans. Il s’agit de la durée de prescription légale qu’imposerait un tribunal en plus de dommages et intérêts. Sachant que la prime n’a jamais été versée, qu’en est-il des années précédentes ?
  • Comptabilisation des heures de négociation comme des heures travaillées pour les 4 membres de la délégation. Il s’agit une fois de plus d’une obligation légale.

La grève a été déclenchée en raison du non-respect de la loi, faire passer son application partielle pour un geste gracieux de leur part ne nous trompe pas.

Toutes nos propositions ont été refusées en bloc, même celles n’engendrant aucun coût pour l’employeur.
Il nous a par exemple été refusé un étalement des retenues de salaire des jours de grève sur plusieurs mois, un compromis courant qui permettrait de nous laisser de quoi vivre chaque mois.
Pour justifier ce refus, il nous a été répondu que ce n’était pas une question d’argent.

De plus, suite à notre insistance, la direction avait signé le 5 mars un accord écrit à payer la cotisation obligatoire à la médecine du travail et à nous en apporter immédiatement la preuve une fois le paiement effectué. Le paiement date du 12 mars, et la direction n’a daigné en partager la preuve que lors de la rencontre du 21. 9 jours donc après le paiement. La direction parait avoir quelques difficultés à respecter un accord signé.

Puisque ni la discussion ni la grève ne semblent affecter nos employeurs et qu’exiger le respect de la loi semble être une demande exagérée à leurs yeux, nous estimons qu’il est temps d’affermir nos méthodes.
Une quinzaine d’anciens et actuels employés d’Eugen Systems ont entamé une procédure aux prud’hommes. Cela ne concerne cependant que les contentieux passés et ne permettra donc pas de régler les problèmes de fond en termes de conditions de travail et de respect pour le travail fourni.

Ces 6 semaines de grève n’ont toutefois pas été totalement infructueuses : nous avons pu nous concerter, créer des liens avec divers organismes et personnes. Notre situation n’est pas unique et d’autres entreprises profitent de la passion des employés pour mettre en place des conditions de travail illégales.
Nous invitons toutes les personnes, groupes et associations qui voient en notre lutte un combat juste à nous aider, que ce soit : médiatiquement en partageant les articles décrivant notre situation, financièrement via la caisse de grève, moralement par vos messages de soutien et en témoignant de la légitimité de cette lutte sur les réseaux, par vos conseils, appuis, etc. Toute aide que vous pourrez apporter sera la bienvenue.

Distribution de la caisse de grève

Nous avons procédé à une première répartition de la caisse après un mois de grève (mi-mars). A ce moment-là, le montant de la caisse était de 8070€ provenant de 182 participants, ainsi que 550€ de dons directs. Pour une complète transparence nous vous indiquons notre méthode de distribution qui a été la suivante :

  • compensation intégrale du coût de la grève aux personnes qui en avaient strictement besoin. Ces personnes ont pu temporairement apporter un soutien actif au mouvement malgré leurs difficultés financières, entièrement grâce à vous.
  • comptabilisation du nombre de journées de grève auxquelles a participé chacun, pour arriver à un total de 292 journées.
  • chaque gréviste non remboursé a pu indiquer le pourcentage de ses parts qu’il souhaite recevoir. Cela permet aux personnes qui jugent pouvoir se le permettre, si elles le souhaitent, de laisser une partie de leur compensation pour les autres. C’est bien entendu une action volontaire, chacun recevant l’intégralité de sa compensation par défaut. Cela fait un total de 261 parts.
  • compensation individuelle équivalant au nombre de parts multiplié par la valeur d’une part. Au final cela représente, pour une personne ayant fait grève pendant tout le mois et n’ayant pas redistribué ses parts, un montant d’à peu près 630 €.

Merci à tous et à toutes pour vos messages de soutien et vos dons. Ils nous aident à tenir le coup, et nous rappellent que notre cause est juste et notre action nécessaire.

 

Les employés grévistes d’Eugen Systems

Déjà plus de 3 semaines de grève chez Eugen Systems

Nous relayons une nouvelle fois un communiqué rédigé par nos collègues grévistes du studio parisien Eugen Systems. Vous pouvez les soutenir via leur caisse de grève, toutes les participations sont bienvenues : https://www.lepotcommun.fr/pot/kfy5g3ta

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Weeks of Conflict

Nous avons débuté notre grève le 14 février, voilà plus de 3 semaines. 16 mois de contestation déjà.

Mercredi 28 février, après deux semaines de grève, la direction s’est enfin adressée directement à nous en proposant de rencontrer une délégation de grévistes afin de discuter.
Nous nous sommes rendus disponibles dès le lendemain matin, pourtant il aura fallu attendre le lundi 5 mars pour qu’ait lieu la première rencontre avec la direction, celle-ci ayant refusé les propositions de dates précédentes. Encore une fois, nous ne pouvons que remarquer l’absence de considération pour l’urgence de la situation.

Notre délégation s’est donc réunie avec la direction le matin du lundi 5 mars, en présence de M. l’inspecteur du travail en tant que médiateur.
Nous abordons la réunion en mentionnant que notre employeur n’a pas cotisé pour l’année 2018 à la médecine du travail, ce qui est bien entendu obligatoire.
Ce qui est décrit comme un oubli suite à une facture non reçue est extrêmement problématique : certains de nos collègues sont en plein burnout et dépression, et le non-paiement des cotisations empêche par exemple la médecine du travail de planifier des visites médicales de prévention pour les autres salariés. La direction nous assure qu’elle a demandé à recevoir à nouveau la facture, et s’est engagée à la régler dès que possible. A l’heure où nous écrivons ce communiqué, le 9 mars, cela n’est toujours pas régularisé.

Concernant nos réclamations et nos revendications, la réponse de la direction est simple : non. Les irrégularités actuelles et passées sont toujours niées, et aucune des propositions que nous avons apportées n’est ne serait-ce que considérée.
La direction a indiqué à de nombreuses reprises qu’elle considère que certains contrats sont anciens ou erronés, et qu’elle n’a par conséquent pas à les respecter. Elle considère par exemple que les métiers créatifs (game designers, graphistes, level builders…) n’ont pas besoin de formation et que ces salariés seraient surqualifiés par leurs formations spécifiques, souvent de niveau Bac +5.
La réunion est reconduite au lendemain matin, pour que la direction prenne le temps d’établir une proposition de grille de classifications concernant les postes de l’entreprise.

Le mardi 6, nous recevons donc cette proposition sous l’état de brouillon, incomplète (il n’est fait mention que des métiers de programmation) et remplie d’erreurs. Nous considérons que cette proposition faite par la direction n’est pas sérieuse, mais pire encore, elle contient des éléments nettement moins avantageux que ce qui se pratique actuellement dans l’entreprise. Drôle de façon de négocier.
Étant donné qu’elle n’est qu’à l’état de projet, nous ne publions pas de détails, mais faisons part de notre méfiance à son sujet. Le fait que la grille ne concerne que certains métiers et qu’elle soit encore à l’état de brouillon nous laisse penser que la direction tente encore de gagner du temps.

A plusieurs reprises au cours de ces réunions, il nous a été reproché de diffuser des mensonges par nos communiqués et de ne pas contrôler les publications des journalistes et utilisateurs des réseaux sociaux : la direction semble ignorer que nous ne contrôlons pas l’opinion publique, alors même qu’elle refuse le droit de réponse que lui accordent les journalistes.
Nous avons demandé à ce qu’on nous désigne précisément quels propos de nos communiqués étaient contestés, mais n’avons obtenu aucune réponse concrète.

Nous n’avons depuis pas eu d’autre proposition de rencontre, et la direction a refusé la nôtre pour ce vendredi 9 mars, sans se donner la peine d’en expliquer les raisons.

Nous attendons toujours que la direction prenne conscience de la gravité des problèmes soulevés et montre sa volonté à résoudre le conflit. Il est impensable de continuer à nier les irrégularités et de tenter en parallèle d’abaisser encore nos conditions de travail.

Nous vous remercions une nouvelle fois pour les messages de soutien et les donations qui nous aident énormément !

Les employés grévistes d’Eugen Systems

Les grévistes d’Eugen Systems tiennent le coup

Nous relayons une nouvelle fois un communiqué rédigé par nos collègues grévistes du studio parisien Eugen Systems. Vous pouvez les soutenir via leur caisse de grève, toutes les participations sont bienvenues : https://www.lepotcommun.fr/pot/kfy5g3ta

Ils nous ont confirmé la reconduite de leur grève jeudi 22 février.

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Still Division

Voici désormais une semaine que nous sommes en grève.

Chaque jour nous recevons des messages de soutien de joueurs et de personnes travaillant dans l’industrie, de France et d’ailleurs. Ces derniers nous rappellent que les problèmes sur lesquels nous attirons actuellement l’attention ne sont pas restreints à notre entreprise mais sont bien plus répandus, même si les symptômes peuvent différer. Nous sommes très touchés par ces messages qui donnent un sens à la lutte que nous sommes contraints de mener aujourd’hui. Nous n’oublions pas non plus les personnes qui vivent actuellement des situations similaires dans d’autres industries ou dans la fonction publique.

Nos revendications concernent l’application de la loi, en particulier en ce qui touche à nos salaires. Mais les problèmes auxquels nous sommes confrontés semblent trouver leurs racines dans un phénomène plus profond : un manque de valorisation du travail que nous réalisons chaque jour. Nous ne serions tous et toutes qu’autant d’outils parfaitement remplaçables. Nos savoirfaire, notre expérience, nos qualités et qualifications diverses ne sont pas des paramètres qu’il convient de prendre en compte.

Pourtant qui conçoit les jeux, les fabrique, les enrichit en contenu, et s’assure de leur bon fonctionnement ?

À l’heure qu’il est, nous n’avons toujours reçu aucune forme de réponse ou proposition de la part de la direction d’Eugen Systems.
Nous regrettons qu’elle continue à se voiler la face après quinze mois durant lesquels nous avons désespérément tenté d’attirer l’attention sur la gravité des problèmes auxquels nous sommes confrontés et sur la nécessité de trouver une solution qui tienne compte des intérêts des salariés, et non pas uniquement de ceux de la direction. Quand ces solutions passent par une réduction unilatérale du salaire, une remise en cause des grades et qualifications des employés, ou par la négation des éléments essentiels de leurs contrats de travail, elles sont naturellement inacceptables.

Comme nous l’avons fait savoir à la direction de notre studio en début de semaine, nous ne tirons aucune satisfaction du sinistre qui a eu lieu dans l’immeuble qui abrite les locaux de l’entreprise et qui a conduit à un arrêt temporaire de la production. Notre mouvement de grève se poursuit malgré tout et nous attendons toujours la satisfaction de nos exigences, qui rappelons-le ne représentent rien d’extraordinaire : la juste valorisation de notre travail et la prise en considération de nos droits.

 

Les employés grévistes d’Eugen Systems

Les grévistes d’Eugen Systems répondent au communiqué de leur direction

Nous relayons encore une fois un communiqué de nos camarades grévistes d’Eugen Systems.

 

Le communiqué publié hier par Eugen Systems sur tous ses réseaux nous semble être une démonstration publique des raisons nous ayant menés à cette grève.

À l’heure actuelle la direction n’est toujours pas revenue vers nous, et préfère publier un démenti, lequel consiste, encore une fois, à nier certains faits, en ignorer d’autres, prétexter des erreurs et faire de creuses promesses.

 

Cela ne nous étonne pas, puisque la négation du problème est la réponse systématique de la direction depuis le début de nos tentatives de discussions.

 

On nous demande, une fois de plus, de faire confiance, et de bien vouloir attendre un peu pour régler les problèmes soulevés. Nous avons perdu confiance en notre employeur et en son cabinet de RH pour faire valoir nos intérêts, tous deux ayant démontré leur objectif à plusieurs reprises : ne pas avoir à appliquer nos droits, ne pas avoir à payer les salaires selon les règles en vigueur, diviser les salariés et réprimer toute contestation.

Tous les délais que nos interlocuteurs réclament depuis le début des discussions il y a quinze mois visent à gagner du temps, car si proposition il y a, il s’agira d’une explication permettant de ne pas avoir à payer ce qui nous est dû.

 

Le dernier argument en date, à savoir l’erreur de bonne foi, est tout bonnement inaudible, s’agissant de problèmes soulevés il y a plus d’un an de façon officielle, et qui sont présents dans l’entreprise depuis aussi longtemps que nous pouvons nous en souvenir. Ces problèmes étaient déjà présents tandis que l’entreprise n’avait aucun délégué du personnel pour les soulever.

 

La direction prétend faire un effort particulier dans la communication avec les représentants du personnel. Pourtant, il a fallu une lettre signée par la vaste majorité des employés au mois de novembre 2017 pour lui faire prendre en compte les remarques que ces délégués transmettent.

 

Les derniers entretiens individuels en date se sont déroulés sans trace écrite et ont été l’occasion de faire pression sur des salariés pour qui les minimas conventionnels n’étaient pas respectés afin qu’ils signent des avenants à leur désavantage. Par conséquent l’annonce de ces prochains entretiens ne nous rassure absolument pas.

 

Nous rappelons présentement les revendications pour lesquelles nous sommes entrés en grève. Nous réclamons une régularisation immédiate des points suivants :

  • Minima conventionnels non appliqués
  • Classifications (grades et coefficients) dues et non attribuées
  • Primes de vacances non versées depuis de nombreuses années
  • Non-respect des lois en vigueur sur le temps de travail
  • Baisse de nos salaires bruts au moins de Janvier 2018 pour y intégrer les heures supplémentaires auparavant non déclarées, en tentant de faire passer cette action pour une rectification d’erreur de comptabilité alors que le problème a été signalé au printemps 2017 — cette baisse faisant au passage tomber certains salaires sous les minima conventionnels
  • Rémunération intégrale de la période de grève

En outre, nous exigeons immédiatement que cessent les convocations en réunions individuelles d’employés grévistes pour les interroger sur ce sujet. Il s’agit d’une remise en cause du droit de grève, ce qui est intolérable.

De la même façon, la direction qui a explicitement fait savoir à certains collègues qu’elle identifiait les employés syndiqués comme ennemis avérés de l’entreprise assume par ce fait une position claire : la négation du droit des travailleurs à se syndiquer.

Enfin, nous tenons à remercier du fond du cœur les personnes qui participent à la caisse de grève organisée par le STJV, ainsi que celles et ceux qui font parvenir leurs messages de soutien par mail, twitter, facebook, forums, parole… Votre solidarité n’est pas passée inaperçue. Merci.

 

Les employés grévistes d’Eugen Systems

Des employés d’Eugen Systems en grève

Nous relayons ci-dessous le communiqué rédigé par nos collègues grévistes du studio parisien Eugen Systems.

EDIT : une caisse de grève a été mise en place, toutes les participations sont les bienvenues : https://www.lepotcommun.fr/pot/kfy5g3ta

Act of Grève

En ce 14 février 2018, nous, 21 employés d’Eugen Systems, avons décidé de nous mettre en grève. En cette date on pourrait être tenté de se dire que nous avons préféré flatter l’être aimé au lieu de nous rendre, comme il se doit, sur notre lieu de travail. Il n’en n’est rien, même si nous sommes animés d’une certaine passion qui elle en revanche est teintée de fureur.

Cela fait maintenant près de quinze mois que nous discutons avec la direction de graves atteintes à nos droits. Comme n’importe qui à notre place, nous sommes partis du principe que le dialogue, les arguments et la raison seraient plus efficaces qu’une confrontation directe. Après tout un employeur devrait être capable de comprendre que la loi est ce qu’elle est, et qu’il est légitime que ses employés exigent qu’elle soit appliquée, y compris à leur avantage. Devant le mur qui nous a été opposé durant les six premiers mois de négociation, nous avons été contraints de faire appel à un avocat pour rappeler la loi à notre employeur. Rappeler que les minima de salaires ne sont pas sujets à négociation et que ni notre qualification, ni notre contrat de travail ni la loi ne le sont davantage. Des demandes qui se situent bien loin de l’inacceptable. Pour toute réponse nous avons eu des promesses, « tout sera réglé » nous disait-on. Naïfs que nous sommes nous y avons cru.

Plus naïfs encore, nous avons continué à y croire encore de nombreux mois, mais au matin de ce 14 février nous nous sommes rendus à une évidence qui désormais n’échappait plus à grand monde : trop c’est trop.

En arrivant au bureau, chacun d’entre nous a pu découvrir plusieurs mails sur sa boîte professionnelle : tout d’abord un mail collectif nous indiquant que nos heures supplémentaires, non rémunérées jusqu’alors, un sujet de contentieux depuis le début, n’auraient été absentes de nos fiches de paie que par la faute de nos deux gestionnaires de paie successifs. En somme, ce que nous présentions comme une atteinte à nos droits nous est maintenant présenté comme une erreur administrative. Ainsi, notre salaire brut a diminué pour pouvoir justifier nos heures supplémentaires sans nous régulariser d’un centime. Alors même que ces nouveaux salaires bruts passent pour plusieurs salariés en-dessous des minima légaux.

Par ailleurs, un certain nombre d’employés se sont vus annoncer dans un autre mail que les conditions spécifiquement mentionnées dans leur contrat de travail, ainsi que dans la convention collective, n’étaient pas reconnues comme légitimes par la direction. Cette dernière justifiant à ce titre de ne pas leur attribuer les grades, salaires et avantages associés. Quelle joie par exemple pour un développeur bac +4 avec plusieurs années d’expérience et un poste d’ingénieur, que d’arriver un matin et de voir qu’il a désormais le statut et le grade de technicien, avec un salaire qui va de pair.

Cette nouvelle fuite en avant de la direction a mis le feu aux poudres : devant le refus de nous payer comme la loi l’exige, et face à l’absence manifeste de considération pour la valeur de notre travail, nous en sommes arrivés à la conclusion que, pour nous faire entendre, nous n’avions plus d’autre option que de nous mettre en grève.

Nous n’avons pas voulu le conflit, et nous étions même prêts à accepter un certain nombre de compromis. Mais face à un tel manque de respect, il ne nous reste plus qu’à faire usage de nos droits les plus fondamentaux qui, à défaut de résoudre la totalité des problèmes auxquels nous sommes confrontés, aura, espéronsle, le mérite d’attirer l’attention des joueurs, de l’opinion publique ou des élus sur la situation catastrophique de l’industrie pour laquelle nous travaillons.

 

Les employés grévistes d’Eugen Systems, qui, s’il est nécessaire de le rappeler, ne sont pas des PNJ

L’Assemblée Nationale crée un groupe d’études sur le jeu vidéo

Le syndicat des travailleurs et travailleuses du jeu vidéo a suivi la création du groupe d’étude Jeu Vidéo par l’Assemblée Nationale, et pris connaissance du compte rendu qu’en fait le Monde (en ligne via le blog Pixels de lemonde.fr). Nous regrettons évidemment que ce groupe d’étude ne considère pas nos conditions de travail comme un sujet digne d’intérêt. L’Assemblée clame que nous sommes une industrie de pointe, une fierté nationale dont il faut brandir les chiffres et s’enorgueillir, tout en fermant les yeux sur les entorses aux droits des femmes et des hommes qui la font vivre.

Lorsqu’il déclare pour Le Monde : « dans ce secteur, il y a plus d’offres que de demandes, libre à chacun d’aller où bon lui semble », Denis Masseglia montre sa méconnaissance des conditions de recrutement de notre industrie, et son mépris face à ce que vivent les travailleurs et les travailleuses, tous secteurs professionnels confondus. Si dans certains domaines (comme l’ingénierie) il est relativement facile d’être mobile, de rebondir et de changer d’entreprise, c’est tout simplement faux pour la plupart des métiers de notre industrie. En outre, de nombreuses personnes n’ont pas les moyens, le temps ou l’énergie nécessaires pour repartir sur un marché du travail à ce point concurrentiel, par exemple du fait de leur situation familiale, financière ou de santé.

Nous saluons au contraire l’initiative de Danielle Simonnet, qui a présenté au conseil municipal de Paris un vœu invitant la ville a être plus vigilante avec les conditions de travail des entreprises du secteur utilisant de l’argent public pour leurs productions. C’est vers cette reconnaissance, cette attention, que le STJV souhaite voir se diriger notre gouvernement. Nous continuerons à pousser les discussions en ce sens. Nous invitons les responsables politiques, ainsi que celles et ceux qui font notre industrie, à échanger avec nous, à ouvrir un dialogue constructif pour que nous puissions tous exercer nos métiers dans de bonnes conditions, respectueuses des lois et des personnes.

Au sujet du récent scandale à Quantic Dream

Voyant une partie des réactions que cette affaire a provoquées, il nous semble nécessaire d’intervenir et d’exposer clairement notre point de vue en tant que syndicat des travailleurs et travailleuses.

Le STJV a été sollicité par certaines des personnes qui ont été amenées à témoigner. Nous leur avons prodigué conseil et soutien et sommes restés discrets au sujet des litiges qui les opposaient à leur employeur. Par conséquent nous étions informés de plusieurs de ces éléments depuis quelques temps. Travaillant nous-mêmes dans l’industrie, et connaissant bien le respect tout relatif du code du travail qui y règne, il nous a immédiatement paru très clair qu’il fallait prendre ces accusations au sérieux.

Les questions de sexisme ont été largement traitées, nous ajouterons simplement que dans un milieu où l’on estime à 17% la part de femmes, aucune légèreté de traitement n’est acceptable.

Il nous semble important de rappeler qu’en matière de protection des employés, l’employeur a une obligation de résultat. Autrement dit, son obligation n’est pas d’essayer de protéger ses employés face aux risques physiques ou mentaux, mais d’y parvenir.

Par ailleurs nous déplorons la façon dont ont pu être traités certains des employés au vu de ces témoignages. La façon dont y sont décrits le crunch, les méthodes de licenciement et la pression exercée sur les employés nous semble inquiétante.

La société Quantic Dream affirme que toutes les accusations dont elle fait l’objet sont sans fondement.
De notre côté, nous sommes en mesure d’estimer combien il est compliqué de témoigner de nos difficultés. Celles et ceux qui le font ne se retrouvent pas dans cette situation de gaité de cœur. Les menaces de blacklisting et de sabotage de carrière sont en effet courantes, quand nous ne les intériorisons pas, sans même qu’elles aient besoin d’être prononcées. Par conséquent nous pensons que ces témoignages méritent une attention sérieuse.

Certains studios sont plus vertueux que d’autres, nous le savons, mais force est de constater qu’un nombre conséquent d’entre nous a à se plaindre de ses conditions de travail.

Dans notre industrie, nous sommes souvent considérés comme une variable d’ajustement sous le prétexte de notre passion. La pratique quasi systématique du crunch en est l’un des aspects les plus patents, mais ce n’est pas le seul. Le harcèlement sexuel, les salaires au rabais, la mise au placard si ce n’est le harcèlement moral pour les contestataires sont autant de symptômes qui, s’ils ne sont peut-être pas généralisés, sont au moins récurrents.

Nous n’avons pas pour l’instant de chiffres précis à avancer, mais nous y travaillons (voir notre enquête: https://framaforms.org/enquete-stjv-novembre-2017-1508581061). Nous pouvons simplement affirmer que ces problèmes existent. La fin de l’omerta en vigueur dans notre industrie est la condition sine qua non pour que ce problème puisse être estimé et résolu.

Une chose est certaine : ce n’est pas en écrasant par la force brute celles et ceux qui prennent la parole, ni en s’enterrant la tête dans le sable, en ignorant les problèmes, que la situation pourra s’améliorer de façon globale.

Pour notre part, c’est également notre passion pour ce métier qui nous guide dans la démarche de la défense des travailleurs et travailleuses de notre industrie, car nous sommes persuadés que de mauvaises conditions de fabrication n’apportent en fin de compte que des expériences vidéoludiques de moindre qualité.

Un studio de jeu vidéo, une entreprise, et Quantic Dream n’y fait pas exception, n’est pas une entité floue et homogène, mais un collectif humain, composé de personnes qui travaillent ensemble. Ce n’est pas un dirigeant génial éclipsant des petites mains. Refuser d’écouter la parole des travailleurs et travailleuses, voire la discréditer, c’est donc attaquer le studio et c’est attaquer ses productions par la même occasion.

Si nous voulons améliorer la qualité des jeux que nous fabriquons, il va nous falloir être capables de regarder les problèmes en face quand ils sont soulevés. Ce “nous”, ce sont tous les acteurs du milieu, des studios aux joueurs, des éditeurs aux journalistes.

STJV.fr est en ligne

STJV.fr est enfin en ligne et accessible à tous !

Notre site a vocation à répondre, dans un premier temps, aux principales questions qui nous ont été posées depuis la création du syndicat. Dans cette optique, n’hésitez pas à consulter notre F.A.Q. ou à nous contacter pour toute information complémentaire.

Dans un futur proche, nous prévoyons également de partager des ressources utiles aux travailleur·euse·s (liens utiles, fiches pratiques) ainsi que des portraits et témoignages destinés à mettre en évidence la diversité des profils et des situations que nous représentons.

Enfin, le contenu de ce site est amené à évoluer grâce aux contributions de nos membres, vous êtes donc invité·e·s à nous rejoindre en nombre pour faire entendre votre voix !