À Spiders, des licenciements en guise de remerciements pour le travail accompli

Sur un fond rouge et noir, en haut de l’image le titre « SPIDERS » en majuscules. À droite, un dessin d’Aegis, protagoniste du jeu Steelrising du studio Spiders. Au centre, le texte « Les travailleureuses remercié·es par des licenciements ». En bas de l’image, le logo du STJV.

Cette communication est un communiqué de notre section syndicale à Spiders.

Le 17 juillet dernier, la directrice opérationnelle de Spiders a annoncé un projet de licenciement collectif. Présenté au CSE la veille, ce projet prévoyait de licencier 9 personnes, soit pile le nombre qui permet en théorie d’éviter de devoir négocier avec les syndicats un « Plan de Sauvegarde de l’Emploi ».

Au 18 août, après des changements et discussions avec les représentant·es du personnel, le plan de licenciements à Spiders prévoit 7 licenciements et la suppression totale de 25 postes, soit vacants à date de la suppression, soit par des départs volontaires. Ces licenciements et suppressions incluent le seul poste de designer UX/UI, la moitié des postes de lead dans les équipes Art et Design, le poste de direction administrative et financière, quasiment la moitié des artistes environnement et des animateurs… Ces suppressions de poste viennent s’ajouter aux nombreux départs de ces 12 derniers mois.

Ce projet de licenciements a été préparé en secret et reste injustifié. Il y a encore quelques mois, Anne Devouassoux assurait pourtant, droit dans les yeux des salarié·es, qu’il ne fallait pas s’inquiéter, alors même que ce plan de licenciements semblait déjà en préparation. Au sein de l’entreprise, personne, y compris les managers, n’a connu plus de quelques jours à l’avances l’existence de ce plan de licenciement. L’entreprise refuse encore aujourd’hui de communiquer les détails de ce plan, pourtant en cours, y compris aux salariés qui risquent le licenciement !

Le 24 juillet, plus de la moitié des travailleureuses de Spiders ont participé à des réunions pour discuter de l’avenir de Spiders, organisées dans le cadre d’une grève pour demander l’annulation de ces licenciements. Ces discussions ont prouvées, une fois de plus, que tout le monde a conscience des problèmes à Spiders et envie de faire changer les choses, et ce depuis des années. Malheureusement, l’opportunité de le faire nous est toujours refusée, et les travailleureuses continuent à subir les erreurs de gestion de Spiders et Nacon.

La richesse d’une entreprise repose sur ses travailleureuses, qui produisent effectivement les jeux. S’en séparer est inacceptable et une démarche, compte tenu des défauts de gestion, contre laquelle nous nous opposons fermement. Les salarié·es de Spiders ne doivent pas souffrir des décisions mal éclairées de sa directrice opérationnelle et du groupe Nacon. Des revendications sur les licenciements annoncés et les défauts d’organisation du studio, issues de la grève du 24 juillet mais similaires à celles des années précédentes, ont été envoyées dès le lendemain à la direction mais sont toujours en attente d’une vraie réponse de l’entreprise.

Malgré une production de GreedFall 2 éprouvante et l’annulation d’un projet prometteur qui apportait enfin des changements nécessaires, les travailleureuses de Spiders ont confiance en leur capacité à produire de bons jeux à Spiders. Nous espérons que la direction opérationnelle de Spiders et le groupe Nacon partagent leur envie de pérenniser l’entreprise et d’améliorer les productions. Ce n’est pas en continuant à traiter de la sorte les travailleureuses de Spiders, en les licenciant et en dégradant leurs conditions de travail qu’ils le prouveront, mais en arrêtant de créer des obstacles à leur travail.

Dans l’immédiat, vous pouvez aider les travailleureuses de Spiders en leur exprimant votre soutien, et en envoyant des mots d’encouragement à . Nous vous demandons de rester courtois et de ne pas insulter, harceler ou menacer qui que ce soit, ni chez Nacon, ni chez Spiders, le travail de nos collègues community managers est déjà suffisamment difficile.

Lettre ouverte de la section Arkane Studios à la direction de Microsoft et de ses filiales

Sur fond noir traversé d'un encart rouge, en haut de l'image "Lettre ouverte". En-dessous, "à la direction d'Arkane Studio". À droite de l'image, le personnage de Juliana tenant d'une main un mégaphone, de l'autre le drapeau palestinien, le pied droit sur une Xbox.

Introduction

Cette lettre est adressée à notre direction à Arkane Studios, ainsi qu’aux entitées parentes : les directions de Zenimax, de Microsoft Gaming et du groupe Microsoft. Elle fait suite à l’appel au boycott des produits Xbox, publié par BDS le 10 avril 2025 et également suite à la pétition IOF Off Azure. L’objectif de cette lettre est de mettre en lumière comment cette situation peut affecter notre réputation et notre travail, et demander à Microsoft de prendre les mesures nécessaires.

Le génocide à Gaza et BDS

BDS (Boycott, Désinvestissement et Sanction) est un mouvement palestinien lancé en 2005 pour soutenir les droits des palestinien·ne·s.
La politique d’oppression, d’occupation et de colonisation du régime israélien leur ont interdit de jouir de leurs droits à vivre normalement, pourtant universels. La situation n’a fait qu’empirer puisque depuis octobre 2024, l’oppression s’est changée en génocide.

Au moment où nous écrivons cette lettre, plus de 60 000 personnes sont déjà mortes selon l’UNICEF, dont au moins 74% seraient des civil·e·s ; les chiffres réels sont sans doute bien au-dessus des estimations. 217 journalistes ont été tué·e·s par l’armée israélienne, faisant déjà de ce conflit le plus meurtrier du 21e siècle pour la profession. À l’heure où les Gazaoui·e·s meurent de faim, par manque de soin et d’aide, Israël continue de refuser l’entrée de l’aide humanitaire internationale dans la bande de Gaza. Depuis plusieurs mois en effet, Israël tente de s’accaparer le contrôle sur les ressources humanitaires et leur distribution, allant à l’encontre toutes les lois et traités internationaux.
Globalement, par la politique qu’il a mis en place ainsi que les actions perpétrées à Gaza, le régime israélien cherche à installer en Palestine un régime de terreur fondé sur la torture, la déportation et la destruction, violant répétitivement tous les droits les plus élémentaires du droit international.

Depuis 2014, et afin de soutenir le peuple palestinien, le mouvement BDS a lancé de nombreuses campagnes de boycott et d’information. Ces dernières ont pour but d’attirer l’attention du grand public sur les gouvernements et entreprises qui continuent de soutenir le gouvernement israélien malgré ses violations répétées des droits de l’homme. La pression que ces boycotts internationaux ont ainsi créée s’est à chaque fois révélée massive, forçant plusieurs groupes à changer leurs pratiques. Microsoft lui-même a déjà fait l’objet d’un boycott de BDS par le passé, en 2020, conduisant au retrait de Microsoft de sa participation à AnyVision, une entreprise de tech israélienne spécialisée dans les algorithmes de reconnaissance faciale, qui étaient utilisés pour surveiller à leur insu les palestinien·ne·s.

L’appel au Boycott des produits Xbox

Le 10 Avril 2025, BDS a lancé une nouvelle campagne de boycott, ciblant les produits Xbox gaming, aussi bien software que hardware.

Cette dernière a pour but de mettre en lumière la manière dont le génocide en cours par l’armée israélienne sur la population palestinienne est grandement facilité par l’utilisation des services et technologies fournis par Microsoft, tel que révélé par le groupe Associated Press. Microsoft a non seulement continué, mais renforcé sa collaboration avec les forces israéliennes ces dernières années, leur fournissant aussi bien des services de stockage en ligne par le biais du service Azure que des outils d’IA pour accélérer et automatiser leurs crimes, notamment en aidant à définir des cibles de bombardements. Dans un billet de blog, Microsoft a même avoué ne pas pouvoir garantir comment sont utilisés ses produits sur les propres serveurs et appareils de l’armée israélienne. Pour toutes ces raisons, et bien d’autres, BDS a fait le choix de lancer un boycott massif sur l’ensemble des produits Microsoft tant que ce dernier n’arrêtera pas son soutien à la force d’occupation israélienne dans sa campagne d’annihilation de la Palestine.

Soutien à la pétition de IOF Off Azure

En plus de cet appel au boycott, depuis mai 2024, plus de 2000 travailleur·euses des entreprises Microsoft ont signé la pétition “No Azure for Apartheid”, qui demande à Microsoft de mettre un terme à ses contrats avec l’armée israélienne, ainsi que la réalisation d’un audit indépendant réalisé par une tierce partie de nos contrats, services et produits, afin de s’assurer qu’aucun n’est utilisé dans le cadre de violation des droits de l’homme, à Gaza ou ailleurs. Malgré cela, Microsoft fait la sourde oreille aux demandes de ses propres employé·e·s. Pour ne rien arranger, plusieurs employé·e·s, tentant de mettre en lumière la situation catastrophique à Gaza et la responsabilité de Microsoft dans cette dernière, ont été purement et simplement licencié·e·s.

Si les employé·e·s ont une responsabilité envers Microsoft, la réciproque doit tout autant se vérifier. Tout comme il est inscrit dans la déclaration mondiale des droits de l’homme de Microsoft, et comme il est régulièrement rappelé dans les éléments de langage Microsoft : “nous nous engageons à développer des technologies et des services qui enrichissent les expériences individuelles”. Mais à notre connaissance, à ce jour, Microsoft dénigre son engagement moral, auprès du public comme de ses employé·e·s, en étant activement complice de l’invasion de la Palestine et des crimes de guerre qui s’y déroulent. Si ces “valeurs” sont plus que de simples arguments de vente pour toujours plus pousser à l’achat, il est temps que Microsoft les applique réellement.

Nous demandons à Microsoft de prendre ses responsabilités et mettre un terme à cette collaboration.

La section STJV d’Arkane Studios se joint à BDS et au mouvement No Azure for Apartheid pour demander à Microsoft l’arrêt de sa collaboration avec le régime israélien. Nous considérons que Microsoft, dont nous sommes les employé·e·s, ne devrait pas être impliqué dans des crimes génocidaires. Nous, travailleur·euses, refusons que l’entreprise qui nous emploie et donc nous représente prenne part au sinistre projet du gouvernement israélien pour la Palestine. Nous sommes convaincu·e·s qu’il est de notre responsabilité, en tant qu’employé·e·s de la tech, de tirer la sonnette d’alarme quand nous réalisons que les nouvelles technologies, plutôt que d’être utilisées pour aider la voix des opprimé·e·s à se faire entendre, sont utilisées pour faciliter et renforcer l’oppression qu’iels subissent.
Enfin, nous considérons également que la situation nous affecte directement, bien que dans une bien moindre mesure, en réduisant l’audience de nos jeux. Le Boycott résultant de la politique de Microsoft compromet directement les ventes des produits Xbox, et donc sur le long terme, pourrait précariser nos emplois.

Afin d’assurer un futur pour la Palestine, nous rejoignons les demandes de No Azure for Apartheid :

Stop Killing Games : préservons les fruits de notre labeur !

Skg stjv

Avec la pression des éditeurs qui poussent vers toujours plus de « jeux live services » / Game as a Service (des jeux ayant une forte composante en ligne qui poussent à la consommation régulière sous diverses formes monétisables), de plus en plus de joueureuses ont pu connaître la déception de voir l’un de leurs jeux devenir injouable d’une façon ou d’une autre. Nous parlerions même de « services d’exploitation » pour désigner ces pratiques si nous ne craignions pas que l’on nous accuse d’exagérer.

C’est une « évolution » assez dommageable au sens où pendant longtemps, ce qui disparaissait relevait plutôt de modes multijoueurs, potentiellement très appréciés mais secondaires par rapport à l’expérience principale vendue (on peut penser à Metal Gear Online, par exemple). Plus récemment, on a vu la dégradation de plus en plus rapide du service pour des jeux où la composante multijoueur est prépondérante (par exemple, les dégradations du service sur des versions de Call of Duty (🇬🇧) quand l’éditeur du jeu continue à engranger un profit sur d’éventuelles ventes de contenu).

Mais de plus en plus, même du contenu pensé pour le jeu solo et ne bénéficiant que partiellement voire pas du tout de fonctionnalités en ligne se retrouve à la merci de fins de services arbitraires, avec un exemple récent sur le jeu The Crew qui a été un révélateur pour beaucoup sur cette tendance que nous décrivons.

C’est dans ce contexte que s’est montée l’initiative Stop Killing Games, qui souhaite mettre fin à cette pratique. Le STJV apporte son soutien à l’initiative, à la fois parce qu’elle nous semble réalisable et parce qu’elle nous semble répondre à des attentes raisonnables pour la préservation des jeux et le respect de celleux qui y jouent.

En particulier, nous invitons toute personne vivant dans l’Union Européenne à signer la pétition auprès de la Commission européenne afin de promouvoir l’initiative et d’exiger sa codification au niveau de l’UE.

Quant aux raisons qui nous poussent à soutenir cette initiative, voilà notre raisonnement :

Les exigences de l’initiative sont réalisables

L’initiative telle que décrite notamment dans la pétition européenne décrit une règle simple : un projet doit avoir prévu une « solution de sortie » en cas de fin d’exploitation du service. Un studio produit un jeu solo sans composante en ligne ? Bravo, il n’y a rien à changer. Le jeu contient du contenu en ligne ? Il y a une multitude de possibilités à explorer – des solutions qui ont pour beaucoup d’entre elles déjà été éprouvées sur des prédécesseurs, parfois déjà vus comme des classiques. On peut en lister certaines :

  • Continuer à faire tourner des serveurs relativement peu coûteux (mais nous ne voudrions pas trop faire baisser le bonus du PDG d’Electronic Arts (🇬🇧), le pauvre !)
  • Prévoir que le contenu ne dépendant pas d’une connexion internet reste jouable après la fermeture des serveurs (comme Ubisoft a promis de le faire pour les jeux suivants de la licence The Crew)
  • La mise à disposition du code nécessaire à reproduire les serveurs au sein de la communauté, permettant aux personnes souhaitant jouer en ligne de le faire de leur propre initiative (à ce sujet, voir l’encart sur City of Heroes plus bas)

Ce ne sont ici que des suggestions, et le but de l’initiative n’est pas de rendre l’une ou l’autre obligatoire, mais bien, rappelons-le, d’imposer d’avoir prévu une solution. Décortiquons à ce sujet la réponse à côté de la plaque (🇬🇧) de Video Games Europe, lobby européen des entreprises vendeuses de jeux vidéo :

the industry ensures that players are given fair notice of the prospective changes in compliance with local consumer protection laws
:fr: l’industrie s’assure que les joueureuses reçoivent un préavis raisonnable sur les changements prévus dans le respect des lois locales de protection des consommateurices

Nous remercions ces gracieuses personnes de bien vouloir respecter la loi, voilà qui est tout à leur honneur. Cela tombe bien, l’idée de l’initiative est de faire évoluer la réglementation. Il n’y aura qu’à s’adapter !

Private servers are not always a viable alternative option
:fr: Les serveurs privés ne sont pas toujours une alternative viable

C’est bien pour ça qu’il n’est pas question d’imposer cette solution uniquement.

In addition, many titles are designed from the ground-up to be online-only; in effect, these proposals would curtail developer choice by making these video games prohibitively expensive to create.
:fr: De plus, beaucoup de jeux sont conçus dès le départ pour être uniquement en ligne ; ces propositions auraient pour effet de réduire les choix de développement en rendant ces jeux trop chers à créer.

On nage dans le délire ici. Cette argumentation, reprise par des commentateurs peu scrupuleux, est au mieux mal avisée et au pire mensongère : si la réglementation change, il faudra concevoir différemment. L’industrie s’adapte en permanence à des évolutions juridiques ou techniques, pourquoi en irait-il autrement ici ?

On le voit, la posture des éditeurs est absolument intenable. Les demandes ne sont pas révolutionnaires, et s’il venait à l’idée de ces dirigeants d’entreprises aux titres ronflants de consulter leurs équipes de développement, la réponse serait que rien n’est impossible et que les solutions sont tout-à-fait trouvables et implémentables.

Cette demande est logique et légitime

Tout d’abord, reconnaissons que cette pratique d’abandon de jeux est singulière. C’est une forme d’obsolescence programmée particulièrement agressive, où un produit parfaitement fonctionnel est comme détruit à distance par l’entreprise productrice. Si on peut voir des similarités par exemple avec le monde de l’électronique où les mises à jour finissent par s’arrêter par exemple pour les smartphones, au moins l’objet lui-même est laissé en état de fonctionner.

Sous couvert d’une économie numérique qui s’affranchirait des règles les plus élémentaires du commerce au prétexte qu’elle est différente, il s’agit une fois encore d’un mépris affiché des éditeurs envers le public et leur clientèle. Nous qui développons les jeux ne demandons qu’à ce qu’ils restent jouables, mais par mesures d’économies de bouts de chandelles ou par incurie, les projet se retrouvent jetés au rebut alors même que des joueureuses ne demanderaient qu’à continuer à jouer à un jeu pour lequel ils ont payé. Imagine-t-on un studio de cinéma s’introduire dans notre logement pour y brûler les Blu-Ray de ses films ?

La campagne Stop Killing Games a aussi fait revenir au goût du jour les discussions sur la préservation des jeux vidéo. En France, l’un des acteurs de la préservation est la BnF via le dépôt légal des jeux vidéo. Néanmoins, là encore, à quoi bon conserver une galette de jeu vidéo si l’éditeur peut la rendre inopérante en coupant l’accès aux serveurs nécessaires à son fonctionnement ? Un travail de fourmi est effectué en silence par des dizaines de bénévoles au sein d’associations pour préserver des jeux anciens qui nécessitent un matériel tout aussi vieillot, mais le défi actuel est bien d’empêcher cette nouvelle vague de dégradations. Au tournant du millénaire, la forme préférée du jeu en ligne était d’utiliser des serveurs communautaires, ce qui permit de continuer à les faire fonctionner une fois que l’éditeur se désistait. Un quart de siècle plus tard, c’est finalement d’un retour aux bonnes pratiques dont on parle ici !


Encart : l’exemple de la « solution de sortie » de City of Heroes


Un exemple probant de ce que permettrait une législation concernant la fin de vie des jeux est celui de City of Heroes Homecoming.


City of Heroes, un MMORPG populaire a en effet vu la disparition de son équipe de développement et la clôture de ses serveurs fin 2012, alors que le jeu était rentable et se portait bien, un peu plus d’un an après son passage à un modèle hybride de financement pour coller au modèle free to play, alors en plein explosion, et l’annonce de nouveau contenu à venir.

Le 31 août 2012, le studio Paragon Studios (qui avait repris le flambeau après le départ de Cryptic Studios, studio créateur du jeu), annonce sa fermeture, et que les serveurs du jeu seront fermés 3 mois plus tard, le 30 novembre 2012, sur décision de l’éditeur, et sans recours possible.

Devant l’incompréhension de la décision brutale de l’éditeur NCSoft (maison mère d’entre autre Arena Net, le studio de la série Guild Wars), la communauté c’est immédiatement mobilisé pour demander à NCSoft de céder la licence et les droits d’exploitation, ainsi que le code source du jeu et des serveurs, afin de permettre aux développeurs de continuer à travailler sur le jeu. Une proposition soutenue par les développeurs eux même, qui, on le sait maintenant, étaient en discussion avec NCSoft pour obtenir leur indépendance et les droits d’exploitation du jeu.

NCSoft fit la sourde oreille pendant de longues années, refusant de signer la vente de la licence aux développeurs au dernier moment lors d’un effort pour faire revivre le jeu en 2014, et ne répondant jamais à aucune sollicitation de la communauté ou de la presse, et laissant le jeu et la licence morts pendant de longues années.

Le 15 Avril 2019, l’information circula qu’un serveur « privé » faisant fonctionner la dernière version du jeu existait depuis 6 ans. 3 jours plus tard, le code source du serveur fuita, et la communauté se mobilisa alors immédiatement pour créer de nouveaux serveurs du jeu, alors que NCSoft menaçait les créateurices de ces serveurs de menaces légales.

La communauté ignora les menaces, et parmi tous les serveurs qui sont apparus, l’un d’entre eux, Homecoming, pu restaurer non seulement tout le contenu du jeu, mais également les mises à jour voulues par le studio original, et qui n’avait pas pu être déployées à l’époque.

Le 4 janvier 2024, après presque 5 ans de menaces et tractations de la part de NCSoft, l’éditeur fini par accorder une licence d’exploitation officielle (mais limitée) à l’équipe du serveur City of Heroes Homecoming.

Il aura donc fallu plus de 11 ans entre la clôture des serveurs du jeu, et l’officialisation d’un serveur « privé » pour jouer à un jeu dont la communauté n’a jamais cessé d’espérer un retour.

Ceci illustre bien qu’il soit possible, avec une communauté de fans motivés, de garder en vie des jeux demandant pourtant une infrastructure complexe, mais surtout, le constat est que si à l’époque il avait existé une législation concernant la fin de vie du jeu, qui aurait obligé l’éditeur non pas à maintenir le jeu indéfiniment en ligne, mais simplement à laisser à la communauté les outils permettant au jeu d’exister, il est fort probable que ce ne soit pas 11 ans qu’il aurait fallu attendre, mais tout au plus quelques mois, pour que les fans du jeu puisse continuer à y jouer.

Procès des ex-cadres d’Ubisoft : derrière les excuses, les responsabilités

Bluesky mastodon justice

Du 2 au 5 juin dernier a eu lieu le procès de trois ex-cadres d’Ubisoft. Serge Hascoët, Thomas « Tommy » François et Guillaume Patrux comparaissaient au tribunal judiciaire de Bobigny pour des faits de harcèlement sexuel et moral, complicité de harcèlement sexuel et moral, ou tentative d’agression sexuelle.

Le STJV s’est constitué partie civile dans ce procès pour défendre les droits des travailleureuses, et en soutien aux victimes qui demandent justice et au syndicat Solidaires Informatique.

Nous exposons ici notre position, en reprenant notamment des éléments de la plaidoirie de Me Sophie Clocher, avocate qui représentait le STJV au procès.


Tout d’abord, rappelons que ce procès existe dans une réalité où énormément de victimes s’arrêtent bien avant le tribunal. Combien de victimes des agissements à Ubisoft étaient absentes du tribunal à ce procès ? Impossible de donner un chiffre, mais il est assurément très élevé. Par manque de moyens, par découragement, parce qu’écrasées par la société… de nombreuses personnes ne se défendent pas, en entreprise ou au tribunal.

Il y a une réelle discrimination sexiste par voie de harcèlement sexuel dans l’industrie. Il était notamment très parlant d’entendre que, pour les prévenus, voir un homme se frotter à un autre homme était un problème, mais que quand c’était avec une femme ils ne se rendaient même pas compte du souci. C’est une vraie grille de lecture de domination patriarcale qui se révèle, de leur propre bouche.

L’industrie du jeu vidéo a toujours été et est encore très hostile aux femmes. En 2024, elles représentent à peine 20% de l’industrie, chiffre en forte baisse par rapport à 2022 de l’aveu même du patronat, et qui est encore plus faible dans les studios de production. Chez Ubisoft, passé 40 ans les femmes disparaissent complètement. De même pour les postes à haute visibilité ou responsabilité : très peu de femmes se voient confier la direction créative d’un projet, par exemple.

L’excuse d’une « culture créative » brandie par les prévenus est absurde. C’est plutôt une culture viriliste et puérile qui prévalait. Une culture qui, Serge Hascoët l’a reconnu lui-même devant le tribunal, ne contribuait pas à favoriser la créativité de toute façon ! Mais les jeux se vendaient donc toute remise en cause était balayée, et elle reste à faire encore aujourd’hui. Serge Hascoët et son service éditorial étaient vus comme les sources de la réussite d’Ubisoft, d’une manière similaire à un culte du cargo : ils étaient là au bon endroit au bon moment, et l’entreprise ne cherchait pas à comprendre les réels tenants et aboutissants de la production et du succès (ou de l’échec) des jeux vidéo.

Le service éditorial d’Ubisoft n’est qu’une loupe sur un mal répandu dans toute l’industrie, une distorsion de la norme où « les créatifs » ont tous les droits, où les insultes ne sont pas des insultes (« Quand je traitais quelqu’un de con ou de nul, ce n’était pas pour dire qu’il était con ou nul » a osé Guillaume Patrux). Une victime a comparé ce service, de manière malheureusement très juste, à la série Severance : une forme de dissociation pesait sur les victimes de ces « créatifs » plus occupés à inventer de nouvelles formes de brimades plutôt qu’à contribuer à la bonne marche de l’entreprise. De ce témoignage, nous retenons également cette phrase glaçante : « j’avais l’impression que la loi s’arrêtait aux portes d’Ubisoft ».

Ce procès démontre bien le désintérêt assumé et revendiqué pour le droit, en particulier du travail. « C’est le rôle des RH » peut-on entendre de la part de Serge Hascoët, numéro 2 d’une multinationale de plus de 20 000 employé·es, qui prétend également ne pas avoir un rôle de manager. S’il ne s’y connaissait pas, il avait amplement les moyens de s’intéresser à ces problématiques et de se former. Qu’il ait choisi de ne pas le faire, à l’instar de l’ensemble du patronat, est révélateur.

Ubisoft, l’éléphant au milieu du tribunal

Si on a pu noter la présence de son avocate, venue prendre des notes extensives tout au long des 4 jours d’audience, le groupe Ubisoft était le grand absent du banc des prévenus. Jusqu’à l’explosion de témoignages en 2020, relayés dans la presse, il n’existait pas à Ubisoft de systèmes d’alerte, en-dehors du minimum légal spécifique au signalement de faits de corruption, prévu par la loi Sapin II.

Les témoignages ont bien étayé à quel point la direction d’Ubisoft était, au mieux, volontairement ignorante de ce qui se passait à l’étage juste en-dessous du bureau du PDG. Yves Guillemot a même eu l’occasion de consoler une victime en pleurs : comment peut-il oser continuer de faire semblant de ne pas avoir été au courant ?

Depuis 2020, le système spécifique aux faits de corruption a été étendu aux remontées de harcèlement mais, malgré les demandes régulières des représentant·es du personnel, l’opacité continue de régner à Ubisoft, écrasant toujours autant les travailleureuses. Notre article de 2021 est malheureusement toujours d’actualité : Harcèlement : Ubisoft préfère jouer la montre et faire de la comm’ que protéger les employé·es – STJV

Devant ces faits « sidérants », devant ce dossier « indescriptible » comme l’ont très bien décrit les avocat·es des parties civiles, il nous semble crucial que les responsabilités de toutes et tous soient reconnues : Ubisoft a mis en danger ses employé·es. Un·e élu·e du personnel s’est fait harceler, placardiser, et pousser dehors. De nombreuses victimes ont aujourd’hui encore des problèmes à travailler en entreprise, à cause de ce qu’iels ont vécu à Ubisoft. Nous ne l’oublierons pas !

Rappelons quand même que, contrairement à ce que leurs avocats ont tenté de plaider, la responsabilité d’Ubisoft ne retire aucunement leur responsabilité personnelle aux prévenus. Personne n’a forcé Serge Hascoët, Thomas « Tommy » François ou Guillaume Patrux à insulter, harceler ou agresser leurs collègues.

Nous espérons que justice sera rendue.

À toutes les victimes, à toutes les personnes qui souffrent en entreprise pour quelque raison que ce soit, nous vous répétons notre soutien indéfectible, et nous vous invitons à nous contacter par quelque moyen que ce soit : ensemble, nous avons le pouvoir de mettre fin à ces actes !

LGBTQIA+ : Fièr·es, déter’ et à bout de nerfs

Sur un fond bordeaux foncé, un personnage représentant la communauté LGBTQIA+ tient une épée aux couleurs du drapeaux LGTBQIA+. Par dessus, un cartouche dit "Mois des fiertés, défense unitaire et solidaire". En bas, le logo du STJV.

Le recul des droits en France et dans le monde

En France, alors que la population générale se montre de plus en plus acceptante des personnes LGBTQIA+, le système politique et les media dominants s’enfoncent dans une spirale haineuse et mortifère de paniques morales pour justifier leurs idées abjectes et leur projet de société cis-hetéro-normatif (1).

Pendant que le Sénat adopte une proposition de loi qui limite l’accès aux transitions pour les mineur·es, Emmanuel Macron déclare qu’il serait « ubuesque de changer de sexe en mairie ». La moitié des personnes LGBTQIA+ déclarent subir un rejet général ; un tiers déclare avoir subi des insultes ; et plus d’une personne sur 10 a été victime d’agression physique en raison de son identité, genre et/ou orientation sexuelle.

Les LGBTQIAphobies tuent. En 2024, sur les 186 cas d’agressions violentes recensés par SOS Homophobie en France, 5 sont des meurtres, et il ne s’agit là que des cas recensés. Ces attaquent combinent souvent plusieurs autres discriminations telles que le racisme, le validisme, le classisme, la putophobie ou la sérophobie.

L’offensive réactionnaire bat son plein à l’échelle mondiale, avec notamment une décision anti-trans grave, tout particulièrement contre les femmes trans, sur l’accès aux espaces genrés au Royaume-Uni et l’annihilation du self-id sous Trump aux USA. Être trans est toujours criminalisé, et peut entraîner des peines allant jusqu’à la peine de mort, dans plusieurs pays. Il est intéressant de noter que, pendant que nos droits sont attaqués, leurs assaillants se posent en protecteurs pour justifier des génocides, notamment celui des palestinien·nes commis par Israël, en dépeignant leurs victimes comme des homophobes.

Au milieu de tout cela, le mois des fiertés sera encore une fois l’occasion pour les entreprises, les gouvernements, les génocidaires et plus généralement pour tout l’appareil de domination capitaliste, de se laver les mains. Quand on a les mains rouges de sang, les frotter quelques secondes suffirait apparemment à les rendre rose.

Et dans le jeu vidéo ?

Bien que certains groupes réactionnaires, inspirés de près ou de loin par le « gamergate »(2) trouvent les jeux vidéo trop « woke », appellent au boycott des jeux qu’ils imaginent touchés par le spectre du « DEI »(3) et harcèlent les travailleureuses du secteur, la réalité ne pourrait pas se situer plus loin de leurs affabulations complotistes.

En effet, les personnes LGBTQIA+ n’ont jamais autant servi de caution pour la machine capitaliste : nos histoires et nos vies, quand elles ne sont pas portées uniquement sur nos épaules, sont largement maltraitées par des directions créatives ignorantes ou carrément mal intentionnées, quand elles ne sont pas purement abandonnées après nos départs des entreprises qui nous (re)mettent au placard dès qu’on fait trop de bruit.

Les écoles, qui cherchent à produire à la chaîne des travailleureuses dociles, habituent les étudiant‧es au déluge de violences qu’iels subiront en entreprise.

Les entreprises comme Don’t Nod, Quantic Dream, Ubisoft, Blizzard… affichent un logo arc-en-ciel 30 jours dans l’année, mais favorisent structurellement et protègent les comportements LGBTQIAphobes, comme peuvent en témoigner bon nombre de travailleureuses.

Les patron‧nes ne sont pas nos allié‧es dans cette lutte pour nos droits et, s’iels nous donnent parfois la parole, c’est uniquement quand iels peuvent en tirer un bénéfice.

Pour les joueureuses, le constat n’est pas plus reluisant. La faible modération des espaces multijoueurs laisse place à des violences communes, et les communautés doivent s’organiser entre elles et bénévolement pour proposer des espaces moins violents. L’obstination des directions créatives à représenter nos souffrances plus que nos joies, car c’est tout ce qu’elles connaissent de nos vies en nous les faisant subir, dépeint une image bien sombre dans beaucoup de nos jeux.

On bombe le torse et on se retrousse les manches

La seule réponse efficace aux attaques dirigées contre nous est une solidarité de classe sans faille, partout, tout le temps. Les personnes LGBTQIA+ sont aussi des travailleureuses, et donc la libération des travailleureuses ne peut pas se faire sans la libération des personnes LGBTQIA+. Les syndicats se doivent d’être un refuge et un lieu de lutte pour porter nos combats collectivement.

À cet effet, nous mettons la main à la pâte toute l’année. Si vous êtes victime ou témoin de violences LGBTQIAphobes, contactez vos sections syndicales ou prenez contact via . Nous défendons toute personne, adhérente ou non.

Nous appelons aussi à participer à toutes les luttes, pas uniquement les luttes LGBTQIA+. Si les oppressions convergent, alors les luttes le doivent également : antiracisme, antivalidisme, antifascisme et féminisme sont nécessaires à notre libération collective.

Nous mettrons en avant pendant ce mois de juin diverses organisations et mobilisations luttant pour notre libération et nous vous invitons à rejoindre ces luttes. Nous fournirons également témoignages et analyses permettant de mettre en lumière ce que l’industrie du jeu vidéo fait réellement subir aux personnes LGBTQIA+ quand le vernis craque.

Nos revendications sont la suite logique de ces actions et nous continuerons à lutter pour les faire advenir au sein des entreprises :

  • la fin des recours aux CDD pour lutter contre la précarisation des personnes marginalisées ;
  • l’imposition de grilles salariales publiques dans les entreprises, pour mettre fin aux discriminations salariales qui touchent de manière disproportionnée les minorités ;
  • le remboursement à 100 % de toute consultation ou acte médical par les mutuelles d’entreprise, y compris les parcours de transition pour les personnes transgenres ;
  • l’utilisation des prénoms et noms d’usage au travail sur simple demande, sans poser de questions ni demander de justificatifs ;
  • l’imposition de congés parentaux égaux et obligatoires, y compris en cas d’adoption, pour tous les couples ;
  • l’intégration des représentant‧es du personnel et des syndicats dans les processus d’alerte et de gestion des discriminations et violences en entreprise, pour pouvoir y faire entendre la voix des personnes concerné‧es ;
  • l’intégration de toustes les travailleureuses dans les processus décisionnels et créatifs, et leur transparence totale, pour que chaque personne concernée puisse être consultée et agir sur les choix de l’entreprise.

Ces revendications ne seront pas acquises en faisant appel à la bonne volonté de nos oppresseurs mais conquises par la solidarité, l’action collective, la grève et le rapport de force.

Sur un fond bordeaux foncé, divers personnages représentant la communauté LGBTQIA+ tiennent des épées aux couleurs du drapeaux LGTBQIA+. Par dessus, un cartouche dit "Mois des fiertés, défense unitaire et solidaire". En bas, un QR code redirigeant vers le site du STJV, le logo du STJV et les liens des réseaux sociaux du STJV.

Lexique

(1) cis-hétéro-normatif : qui impose une vision de la société hétérosexuelle et cisgenre, en opposition aux luttes LGBTQIA+
(2) gamergate : mouvement d’extrême-droite ayant pris racine dans les années 2010 en s’opposant à la présence des femmes, des personnes racisées ou encore des personnes LGBTQIA+ dans le studios et dans les jeux eux-mêmes
(3) DEI : Diversity, Equality and Inclusion, nom donné aux différents programmes qui favorisent l’inclusivité et la diversité au sein des entreprises et des productions

Classification SYNTEC : Le Conseil de Prud’Hommes de Lyon donne raison au STJV

Sur fond rouge et noir, à gauche de l'image, Phoenix Wright de la série Ace Attorney dans une posture triomphale, pointant du doigt vers l'avant de l'image. À droite, le texte "Victoire !" dans une fonte stylisée rappelant celle des interjections d'Ace Attorney. En bas de l'image, le logo STJV.

La commission Accompagnement et Soutien Juridique du STJV a le plaisir d’annoncer une victoire majeure dans un dossier où elle accompagnait une salariée. Il en a résulté une condamnation à plus de 34 000 € bruts en sa faveur, et une reconnaissance par le tribunal que l’une de nos revendications récurrentes, le statut cadre comme positionnement logique de toute personne travaillant dans le jeu vidéo, s’appliquait bien en l’espèce.

Voilà les détails de cette affaire :

Résumé du litige

La salariée a été engagée le 25 novembre 2020 en qualité d’Artiste Environnement 3D, Statut ETAM, position 2.2 coefficient 310, contre une rémunération brute mensuelle de 1 900 euros.

Par avenant du 30 Octobre 2021, elle a évolué vers des fonctions d’encadrement d’une équipe de 4 personnes (« Lead Level Art ») à compter du 1er novembre 2021, assortie d’une augmentation de salaire à hauteur de 2 300 euros bruts.

En réalité, la salariée occupait, de fait, des fonctions de Lead dès mai 2021, suite au départ de sa supérieure hiérarchique directe (Lead).

Le Conseil de prud’hommes a été saisi notamment d’une demande de reclassification conventionnelle

  • en statut Cadre dès l’embauche, position 2.1 du fait de son niveau de diplôme : RNCP 6 (bac + 3 ou 4)
  • position 3.2 coefficient 210 à compter du passage au poste de Lead

et du rappel de salaire subséquent.

Décision du Conseil

Le Conseil de prud’hommes nous a donné raison et a jugé que la requérante aurait dû bénéficier des positions

  • 2.1 coefficient 100 du 24 novembre 2020 au 24 mai 2021
  • 2.1 coefficient 115 du 25 mai 2021 au 31 octobre 2021
  • 3.2 coefficient 210 du 1er novembre 2021 au 07 août 2022 (fin du préavis)

(Le classement au coefficient 115 en mai 2021 n’est pas expliqué par le Conseil, qui a certainement jugé en équité et non en droit sur ce point).

Cela signifie qu’elle aurait dû être rémunérée, au minimum :

  • 2 186€ bruts mensuels du 24 novembre 2020 au 24 mai 2021
  • 2 394€ bruts mensuels du 25 mai 2021 au 31 octobre 2021
  • 4 311€ bruts mensuels du 1er novembre 2021 au 07 août 2022

Pour le Conseil de prud’hommes,

dans le cadre de ses fonctions de Lead, la salariée avait une fonction de gestion d’équipe, ce qui englobait le commandement de celle-ci : elle assistait aux réunions des managers, elle effectuait des évaluations des membres de son équipe, elle était en charge du recrutement, elle contrôlait et organisait le travail de son équipe, tous ces éléments démontrant qu’elle relevait de la position 3.2 coefficient 210.

Il s’agit d’une juste application des dispositions de la convention collective :

  • C’est bien le niveau de diplôme qui détermine le statut de cadre, dès lors qu’on possède un BAC +3, +4 ou +5 et que le poste met en application les enseignements du diplôme,
  • Dès lors qu’un poste implique un commandement sur des salariés de toute nature, la position 3.2 doit être attribuée.

Pour rappel, la SYNTEC prévoit :

Position 3.2 : Ingénieurs ou cadres ayant à prendre, dans l’accomplissement de leurs fonctions, les initiatives et les responsabilités qui en découlent, en suscitant, orientant et
contrôlant le travail de leurs subordonnés. Cette position implique un commandement sur des collaborateurs et cadres de toute nature.

Condamnation de la société

La Société a été condamnée à plus de 34 000 euros bruts de rappel de salaire (pour 1 an et 9 mois d’ancienneté), sans compter les intérêts de retard (plus de 4500 euros).

Cette décision est devenue définitive car la société n’en a pas fait appel.

Victoire d’étape

Nous le disons depuis notre création : la convention collective SYNTEC (majoritaire dans les studios de Jeu Vidéo) est non seulement choisie par les entreprises car peu avantageuse pour les travailleurs-euses, mais est en plus volontairement mal appliquée pour tirer nos salaires et conditions de travail vers le bas.

C’est une de nos revendications principales : l’application universelle du statut Cadre. Tous les métiers exercés dans l’industrie du Jeu Vidéo nécessitent des formations longues, de l’autonomie et des connaissances étendues. Cela place donc l’intégralité des postes que nous occupons sous le statut Cadre, du moins pour SYNTEC.

Grâce à nos luttes cette revendication commence à être appliquée concrètement, puisque cela s’est négocié chez Amplitude Studios lors des Négociations Annuelles Obligatoires de 2024, et dans les conditions de départ lors du plan de licenciement à Don’t Nod en 2025.

Loin d’être un détail, avoir le statut Cadre plutôt qu’ETAM amène des améliorations bien concrètes et il suffit de regarder les minima de salaire associés pour s’en convaincre. L’écart est encore plus important lorsque, comme dans ce jugement, la classification (3.2) est correcte et adaptée.

Bien souvent, les entreprises ne daignent attribuer le statut Cadre qu’aux postes de programmation et d’encadrement, prétextant des raisons floues et fausses sur la possession ou non d’un diplôme d’ingénieur.

Ce jugement affirme avec force qu’étant donné le niveau d’étude (ultra majoritairement bac + 3 à bac + 5), les compétences et l’autonomie demandées dans nos métiers, le statut Cadre est une évidence. Pour les programmeureuses, mais aussi pour les artistes, les designers, les QA…

Il démontre également que classifier des postes en 3.1 ou 3.2 n’est pas farfelu : nous avons les compétences et les responsabilités associées, le statut et la paie doivent venir avec, comme de juste. Y compris dans les « petites » entreprises comme ici (moins de 50 salarié-es).

La quantité de salaire que les entreprises nous volent depuis des années est gargantuesque.

Conclusion

Le STJV va continuer d’œuvrer pour une application légitime et honnête des conventions collectives, en particulier SYNTEC.

C’est une piste majeure pour l’amélioration de nos conditions de travail et la justice sociale.
Nous invitons toute personne se sentant lésée par son employeur à nous contacter afin de discuter de ce qu’on peut mettre en place.

Le jugement anonymisé :

Traduction du post-mortem de nos camarades du CSVI-CGT sur la fermeture

Logos du CSVI-CGT, syndicat de travailleurs et travailleuses du jeu vidéo en Espagne, ainsi que celui du studio Tequila Works. En fond, le titre "Post Mortem ERE"

Cet article est une traduction de la publication de nos camarades d’Espagne, trouvée ici : https://bsky.app/profile/csvi-cgt.bsky.social/post/3lpj6bigdms27, et avec leur accord.
Notre but est de continuer à partager l’information, comme nous avons pu le faire en faisant notre propre Bilan de la lutte contre le PSE à Don’t Nod.


Logos du CSVI-CGT, syndicat de travailleurs et travailleuses du jeu vidéo en Espagne, ainsi que celui du studio Tequila Works. En fond, le titre "Post Mortem ERE"

Les ex-travailleur·euses de Tequila Works affilié·es à la CGT voulons publier notre expérience avec l’ERE (« Expediente de Regulacion del Empleo =~ plan de licenciements), exposant les mauvaises pratiques qui ont mené nos collègues à perdre des droits. L’ERE a duré des mois pendant lesquels nous avons toujours été en situation d’incertitude et d’instabilité.

En 2022, Tencent acquiert 70% de Tequila Works, pour cesser de le financer en 2024 car « il n’atteignait pas les attentes de rentabilité », chose imprévisible car la communication a toujours été positive. Là commence le processus dont vous pouvez voir le déroulement dans l’image ci-jointe :

Chronologie de l’ERE

- 8 octobre: Un projet est annulé et 11 travailleur·euses sont licencié·es, soi-disant pour centrer les efforts du personnel autour d’un seul jeu.
- 12 novembre: L’entreprise annonce sa banqueroute et faillite, et communique au personnel la démission des PDG. La cause: Tencent nous avait retiré du financement.
- 3 décembre: L’assemblée des travailleur·euses est constituée, et choisit ses représentants.
- 16 janvier: Après plusieurs retards, la période de consultations entre les représentants des travailleur·euses et l’entreprise commence.
- 27 janvier: Le délai de négociations se termine, l’administratrice judiciaire est assignée et prend contrôle de l’entreprise
- 14 mars: l’ERE prend effet, licenciant 101 travailleur·euses. Durant tout ce processus, plus de 15 personnes seront forcées à se retirer, perdant ainsi leurs droits avant la fin de l’ERE.

Chronologie de l’ERE

  • 8 octobre: Un projet est annulé et 11 travailleur·euses sont licencié·es, soi-disant pour centrer les efforts du personnel autour d’un seul jeu.
  • 12 novembre: L’entreprise annonce sa banqueroute et faillite, et communique au personnel la démission des PDG. La cause: Tencent nous avait retiré du financement.
  • 3 décembre: L’assemblée des travailleur·euses est constituée, et choisit ses représentants.
  • 16 janvier: Après plusieurs retards, la période de consultations entre les représentants des travailleur·euses et l’entreprise commence.
  • 27 janvier: Le délai de négociations se termine, l’administratrice judiciaire est assignée et prend contrôle de l’entreprise
  • 14 mars: l’ERE prend effet, licenciant 101 travailleur·euses. Durant tout ce processus, plus de 15 personnes seront forcées à se retirer, perdant ainsi leurs droits avant la fin de l’ERE.

Sans garanties de paiement, une situation difficile se présente : endurer jusqu’à la fermeture (sans date connue) tout en vivant sur nos économies, ou chercher un autre emploi. 16 personnes (sur environ 130) ont dû choisir cette voie, renonçant à leurs indemnisations, certaines avec plus de 10 ans d’ancienneté.

Sur les 130 personnes dans les effectifs :

Licencié·es avant l’ERE, sans avoir perçu l’intégralité de leur indemnité : 11 personnes

Affecté·es par l’ERE : 101 personnes

Obligé·es à chercher un autre emploi : 16 personnes

Sur les 130 personnes dans les effectifs :

  • Licencié·es avant l’ERE, sans avoir perçu l’intégralité de leur indemnité : 11 personnes
  • Affecté·es par l’ERE : 101 personnes
  • Obligé·es à chercher un autre emploi : 16 personnes

Nous signalons le conseil d’administration pour avoir caché l’état de l’entreprise, s’être déchargés de leurs devoirs (10 des 11 licencié·es n’ont pas encore reçu la totalité de leurs indemnités), et avoir porté atteinte à nos droits en laissant les délais s’écouler et en forçant le recours à l’administrateur judiciaire.

Le soutien de CGT Artes Gráficas Madrid et du CSVI, que nous remercions pour leur travail, a été vital pour négocier avec l’entreprise, dans une industrie sans organisation cohésive entre travailleur·euses. Sur cette image sont indiqués les résultats de 5 mois de travail et formation accélérée :

INDEMNISATION :

- 12 novembre : la banqueroute est annoncée, sans garantir les futurs versements de salaires.
- 22 février : le salaire de janvier est versé.
- 1er avril : Le salaire de février et les indemnisations sont versées. Le salaire de mars est encore en attente.

Proposition initiale :
Il n’y a pas d’argent : maximum 20 jours par année de travail, seulement si un prêt extérieur garantit de pouvoir payer.

Résultat final :
- Versement des salaires retardés jusqu’à février 2025 inclus.
- 25 jours par année de travail jusqu’à 12 mensualités.

INDEMNISATION :

  • 12 novembre : la banqueroute est annoncée, sans garantir les futurs versements de salaires.
  • 22 février : le salaire de janvier est versé.
  • 1er avril : Le salaire de février et les indemnisations sont versées. Le salaire de mars est encore en attente.

Proposition initiale :
Il n’y a pas d’argent : maximum 20 jours par année de travail, seulement si un prêt extérieur garantit de pouvoir payer.

Résultat final :

  • Versement des salaires retardés jusqu’à février 2025 inclus.
  • 25 jours par année de travail jusqu’à 12 mensualités.

Faisant face à une entreprise insolvable, nous sommes fiers des résultats. L’organisation de travailleur·euses remporte des victoires, et nous voulons que ce soit un exemple pour celleux qui se retrouvent dans une situation similaire, car elle aurait été moins traumatique si les changements avaient précédé la perspective.

L’organisation de la classe ouvrière ne doit pas seulement être une réponse à la crise. Ce doit être un travail continu qui prévient les abus et nous éduque dans la défense constante et collective de nos droits, aujourd’hui plus que jamais, au vu de la situation de l’industrie.

Bilan de la lutte contre le PSE à Don’t Nod

Bilan lutte PSE à Don't Nod

La lutte à Don’t Nod approche du dénouement. Avec le cœur serré de voir partir nos collègues, nous tenions tout de même à conclure ces mois de lutte intense par une analyse de ce que nous en retirons pour la suite.

Pourquoi c’est important

Nous partions d’un plan de licenciement où l’employeur comptait licencier sans compensation (autre que le minimum légal) 69 personnes, soit près d’un tiers des effectifs. Ce plan incluait un découpage en catégories professionnelles tellement précises qu’il ciblait individuellement une trentaine de personnes.

Par la mobilisation, par la grève, nous sommes parvenu‧es à imposer un cadre et des conditions qui atténuent, certes pas assez, mais grandement, la violence de ce plan de licenciement.

Nous souhaitons insister sur quelques points particuliers de ces conditions de départ.

Ouverture des départs volontaire

Au cours des négociations sur les modalités de ce PSE, nous avions obtenu que 23 départs volontaires soient ouverts à des catégories professionnelles non menacées par le plan, pour sauver autant de collègues d’un licenciement.

Nous avons le plaisir d’annoncer que ces départs ont permis de sauver 23 travailleur‧ses d’un licenciement contraint.

Au lieu des 69 licenciements initialement prévus, il y a eu 46 départs volontaires et 1 licenciement. Nous avons quasiment atteint notre objectif de « 0 départ forcé ».

À cela s’ajoutent 8 personnes ayant reçu une modification de poste, qu’une poignée a refusée, menant donc à leur licenciement économique avec les mêmes compensations de départ.

Indemnités de cadre pour tout le monde

Nous avons demandé et obtenu l’application de la méthode de calcul des indemnités de licenciement des cadres pour tout le monde. C’est avantageux pour les salarié·es au niveau financier, et fait écho à une revendication générale du STJV : tous les métiers de la production de jeux vidéo relèvent du statut Cadre.

Il ne s’agit pas d’une mesure symbolique mais d’une reconnaissance de nos métiers, de notre expertise, de l’autonomie qui nous est demandée. Cela représente également une amélioration concrète de nos conditions de travail.

Les entreprises doivent requalifier en Cadre les statuts de l’ensemble des salarié·es encore sous statut ETAM, comme cela a été négocié récemment à Amplitude.

Remboursement de la grève

Don’t Nod a accédé à notre revendication et a payé les salaires des grévistes pour tous les jours de notre grève reconductible. Ce faisant, l’entreprise reconnaît que cette semaine de grève est de sa responsabilité pleine et entière : pour défendre nos droits, obtenir des négociations puis cet accord, nous n’avions d’autre choix que de nous mobiliser par la grève.

Si cette mesure peut sembler inhabituelle dans notre secteur, elle est en réalité courante dans les accords de fin de conflit. Désormais, un précédent est établi dans l’industrie du Jeu Vidéo également.

Conclusion

Anne Devouassoux, présidente du SNJV, a récemment expliqué devant l’Assemblée Nationale que l’accord trouvé était, selon le SNJV, une preuve de dialogue social.

Dont acte ! Cette victoire prouve que seul le rapport de force permet d’obtenir des avancées, et même la patronne du SNJV le reconnaît. La lutte appartient à tou‧tes les travailleur‧ses, saisissons-nous en pour gagner ensemble.

Compte-rendu d’utilisation de la caisse de grève

Grâce aux 17 000 euros de dons à la caisse de grève de Don’t Nod, nous avons pu utiliser 15 300 euros pour rembourser les 4 jours de grève en novembre/décembre 2024, à hauteur de 100 euros par jour. Le reste va maintenant alimenter la caisse générale du STJV pour les prochaines luttes.

État de l’industrie du jeu vidéo : le patronat toujours sans réponses, même face à l’Assemblée Nationale

Le mercredi 12 Mars dernier à l’Assemblée Nationale, la commission des affaires culturelles et de l’éducation, présidée par la députée Fatiha Keloua-Hachi, et la commission des affaires économiques, présidée par la députée Aurélie Trouvé, ont auditionné des représentant‧es du SNJV et du SELL, lobbies patronaux du secteur, et du CNC, organisme public en charge, entre autres, de l’attribution des subventions publiques du jeu vidéo. Cette audition avait pour but de comprendre la crise que le secteur ultra lucratif du jeu vidéo en France serait en train de subir, ses enjeux économiques et culturels. Cette audition peut être visionnée ici : Lien vers le site de l’Assemblée Nationale

L’industrie du jeu vidéo en France c’est un chiffre d’affaire de plus de 6,1 Milliards d’euros en 2023 (selon le SELL), une industrie en croissance constante depuis des décennies, et plus de 10 000 emplois menacés par l’inconséquence de nos dirigeant‧es. Le STJV et Solidaire Informatique ont été reçus par les présidentes de commission avant l’audition, ce qui nous a permis de discuter de ce que les travailleur‧ses du jeu vidéo vivent au quotidien, des causes structurelles et de gestion de la crise sociale en cours, de nos revendications et de la grève internationale du jeu vidéo qui a eu lieu le 13 février dernier et a mobilisé 1 travailleur‧se sur 5 dans l’industrie du jeu vidéo en France.

Les représentant‧es du patronat ont pu dérouler lors de l’audition leurs arguments mensongers, si éculés que nous avions pu les prédire presque au mot près aux député‧es. De la prétendue jeunesse de l’industrie à la concurrence qui serait « rude » (dans quel marché culturel ne l’est-elle pas ?), nous aurions pu faire un bingo des éléments de langages de ces robots VRP de l’industrie. Iels n’ont également pas manqué d’avouer leur incompétence en cherchant à se réfugier derrière une soi-disant « correction post-covid » que tout le monde était capable d’anticiper et en invoquant une « complexité » fantasmée de la production de jeux vidéos.

Conformément à leur rôle de lobbyiste, les représentant‧es patronaux ont cité le crédit d’impôts jeu vidéo (CIJV) au moins 10 fois pendant l’audition comme solution à quasiment tous les problèmes de l’industrie. Au lieu de régler les problèmes systémiques, dénoncés par les travailleur‧ses depuis des années, iels demandent toujours plus d’argent public pour arroser l’incompétence du patronat.

Malgré les importantes sommes versées, il n’existe pas de réel contrôle sur cette subvention, son utilisation et le respect de ses critères par les entreprises. Et le patronat ne veut pas qu’il y en ai : selon Anne Devouassoux, « il ne faut pas contraindre les entreprises ». On ne sait jamais, peut-être que cela améliorerait les conditions de travail, ce que les syndicats patronaux redoutent ? Il ne faudrait pas non plus, comme le CNC a pu le faire remarquer et qui est une revendication syndicale, que le jeu vidéo finance les subventions publiques du jeu vidéo… Les patron‧nes du jeu vidéo aiment prendre l’argent du cinéma, mais refusent de verser le moindre centime pour financer le CNC.

C’est bien beau de répéter en boucle devant les syndicats, les députés, les investisseurs, les juges… que les patron‧nes « ont conscience » des problèmes, de l’importance des travailleur‧ses, de l’insécurité de l’emploi et des problèmes de parité. Mais derrière tout ces discours, où sont les actions ?

Bien que ces sujets reviennent régulièrement sur le tapis en entreprise et malgré les questions, pourtant prévisibles, des député‧es, les représentant‧es du patronat :

  • n’ont apporté aucune réponse aux problèmes des écoles et aux dérives des formations privées. Il n’ont font que brasser du vent sur une fantasmée « excellence française », bien loin de la réalité vécue par les étudiant‧es et sans un mot pour celleux-ci ;
  • n’ont apporté aucune réponse concrète sur les problèmes omniprésents de sexisme et l’absence de parité dans les écoles et l’industrie ;
  • n’ont apporté aucune réponse aux revendications sur les carrières et l’emploi, ou à la mobilisation des travailleur‧ses salariés et indépendant‧es.

Devant cette incapacité à répondre au moindre problème, que cela soit auprès des représentant‧es des salarié‧es ou des député‧es, il est logique de se demander si les patron‧nes servent à quelque chose. Tout travailleur‧se du jeu vidéo peut facilement constater dans son entreprise qu’iels ne servent effectivement qu’à empocher de grosses rémunérations et à gêner les productions.

Nous regrettons l’absence de représentant‧es des travailleur‧ses à cette audition. En effet, contrairement à leurs dirigeant‧es, les travailleur‧ses fabriquent les jeux et ont donc des réponses concrètes à apporter aux problèmes de notre industrie. Nous espérons pouvoir participer directement aux discussions dans le futur, pour ne pas laisser la parole aux patron‧nes du jeu vidéo.

Le Syndicat des Travailleurs et Travailleuses du Jeu Vidéo & Solidaires Informatique

8 mars : grève féministe pour les droits des femmes et minorités de genre

8 mars 2025

Le 8 mars est la journée internationale de lutte pour les droits des femmes et minorités de genre. Elle célèbre les combats, historiques et actuels, des luttes féministes. Dans le jeu vidéo, milieu où prospèrent les violences sexistes et sexuelles, ces luttes sont nécessaires.

Partout, l’extrême droite prend du pouvoir pour imposer son projet de renforcement des dominations patriarcale, raciste et capitaliste. Partout, elle attaque nos droits : droits reproductifs, droits des femmes, droit des personnes queer, droits des personnes racisées, droit des enfants, droit des travailleur·euses, services publics d’éducation et de santé… La progression fulgurante des idées fascistes dans l’opinion et leur banalisation constante menacent directement nos vies.

Aux État-Unis, le gouvernement Trump supprime les droits des personnes transgenres et crée des camps de concentration pour les sans-papiers. En Italie, le gouvernement Meloni supprime la reconnaissance parentale des couples lesbiens. En Argentine, le gouvernement Milei supprime le sous-secrétariat à la protection contre la violence de genre. En Afghanistan, les femmes sont faites prisonnières dans des pièces sans fenêtres. Au Soudan, le viol est déployé comme arme de guerre. En Palestine, Israël perpétue un génocide contre toute la population. En Allemagne, les hommes votent en grande majorité pour un parti nazi.

L’industrie du jeu vidéo n’est pas étrangère à l’avancée constante de l’extrême-droite dans le monde. Les joueurs sont radicalisés par le biais du gamergate qui tente de se réimposer, en harcelant les joueur‧ses, streameur‧ses ou travailleur‧ses, en particulier quand elles sont des femmes trans. À côté, nos patron·nes ne disent rien contre les idées d’extrême droite, voir même les soutiennent !

Nos patron·nes et nos entreprises jouent un rôle actif dans la promotion et la banalisation des idées fascistes, dans la protection des auteurs de violences sexistes et sexuelles, dans la discrimination et l’exploitation des femmes et des personnes queer. Nous, travailleur·euses du jeu vidéo, sommes concerné·es et nous ne nous laisserons pas faire !

Les demandes des travailleur‧ses de l’industrie du jeu vidéo sont simples, et il est presque hallucinant de devoir les faire en premier lieu :

  • les directions d’entreprises doivent réellement écouter les travailleur‧ses, et donc prendre au sérieux les remontées de leurs représentant‧es et respecter les négociations ;
  • il faut mettre en place des processus concrets de récolte de données et d’informations, pour pouvoir les fournir ensuite aux représentant‧es du personnel ;
  • ce deuxième point doit s’accompagner de la mise à disposition publique des statistiques et données non-personnelles, et en particulier de la mise en place de grilles de salaires ;
  • pour empêcher la réduction au silence des travailleur‧ses, il faut créer de réels processus de remontées, alertes et enquêtes internes qui incluent les instances de représentation du personnel.

En bref et pour être clair‧es : nous exigeons des directeur‧ices d’entreprise qu’iels arrêtent de faire mine de se soucier des personnes de genres marginalisés uniquement pour s’en servir de marchepied pour l’image de leur entreprise, pour leur carrière personnelle ou pour maximiser les profits.

Comme nous l’affirmions dans un article de bilan sur notre industrie et notre rôle, la lutte contre les oppressions de genre passera par le syndicalisme. Cette affirmation est issue du constat que nos droits ne se conquièrent que par la lutte.

Les syndicats sont des espaces de lutte pour les droits des femmes et les personnes de genre marginalisé, qu’il s’agisse de créer des espaces de parole en non-mixité, d’accompagner juridiquement des victimes de violences sexistes et sexuelles dans les entreprises ou dans les lieux d’études, de contraindre les patron‧es à redonner du pouvoir aux salariées, de forcer l’égalité salariale, de stabiliser les carrières des personnes précaires, ou encore à saper l’autorité et le pouvoir des agresseurs et de celleux qui les protègent.

Face au projet ultra-libéral de l’extrême-droite et du gouvernement, nous demandons des vies dignes pour toustes, par la grève générale féministe !

En conséquence, le Syndicat des Travailleurs et Travailleuses du Jeu Vidéo appelle à la grève dans le jeu vidéo le samedi 8 mars 2025. Nous appelons travailleur·ses, chômeur·ses, retraité·es et étudiant·es du jeu vidéo à se mobiliser dans les entreprises et à rejoindre les manifestations qui auront lieu partout en France ce jour-là.

Nous rappelons que cet appel couvre le champ d’action du STJV dans le secteur privé, et concerne donc toute personne employée par une société d’édition, distribution, services et/ou création pour le jeu vidéo quel que soit son poste ou son statut et quel que soit le domaine d’activité de sa société (jeux, consoles, mobile, serious games, VR/AR, moteurs de jeu, services marketing, streaming, produits dérivés, esport, création de contenu en ligne, etc.), ainsi que tout·es les enseignant·es travaillant dans des écoles privées dans des cursus en lien avec le jeu vidéo. Puisqu’il s’agit d’un appel national à la grève, aucune démarche n’est nécessaire pour se mettre en grève : il suffit de ne pas venir travailler.