Procès des ex-cadres d’Ubisoft : derrière les excuses, les responsabilités

Bluesky mastodon justice

Du 2 au 5 juin dernier a eu lieu le procès de trois ex-cadres d’Ubisoft. Serge Hascoët, Thomas « Tommy » François et Guillaume Patrux comparaissaient au tribunal judiciaire de Bobigny pour des faits de harcèlement sexuel et moral, complicité de harcèlement sexuel et moral, ou tentative d’agression sexuelle.

Le STJV s’est constitué partie civile dans ce procès pour défendre les droits des travailleureuses, et en soutien aux victimes qui demandent justice et au syndicat Solidaires Informatique.

Nous exposons ici notre position, en reprenant notamment des éléments de la plaidoirie de Me Sophie Clocher, avocate qui représentait le STJV au procès.


Tout d’abord, rappelons que ce procès existe dans une réalité où énormément de victimes s’arrêtent bien avant le tribunal. Combien de victimes des agissements à Ubisoft étaient absentes du tribunal à ce procès ? Impossible de donner un chiffre, mais il est assurément très élevé. Par manque de moyens, par découragement, parce qu’écrasées par la société… de nombreuses personnes ne se défendent pas, en entreprise ou au tribunal.

Il y a une réelle discrimination sexiste par voie de harcèlement sexuel dans l’industrie. Il était notamment très parlant d’entendre que, pour les prévenus, voir un homme se frotter à un autre homme était un problème, mais que quand c’était avec une femme ils ne se rendaient même pas compte du souci. C’est une vraie grille de lecture de domination patriarcale qui se révèle, de leur propre bouche.

L’industrie du jeu vidéo a toujours été et est encore très hostile aux femmes. En 2024, elles représentent à peine 20% de l’industrie, chiffre en forte baisse par rapport à 2022 de l’aveu même du patronat, et qui est encore plus faible dans les studios de production. Chez Ubisoft, passé 40 ans les femmes disparaissent complètement. De même pour les postes à haute visibilité ou responsabilité : très peu de femmes se voient confier la direction créative d’un projet, par exemple.

L’excuse d’une « culture créative » brandie par les prévenus est absurde. C’est plutôt une culture viriliste et puérile qui prévalait. Une culture qui, Serge Hascoët l’a reconnu lui-même devant le tribunal, ne contribuait pas à favoriser la créativité de toute façon ! Mais les jeux se vendaient donc toute remise en cause était balayée, et elle reste à faire encore aujourd’hui. Serge Hascoët et son service éditorial étaient vus comme les sources de la réussite d’Ubisoft, d’une manière similaire à un culte du cargo : ils étaient là au bon endroit au bon moment, et l’entreprise ne cherchait pas à comprendre les réels tenants et aboutissants de la production et du succès (ou de l’échec) des jeux vidéo.

Le service éditorial d’Ubisoft n’est qu’une loupe sur un mal répandu dans toute l’industrie, une distorsion de la norme où « les créatifs » ont tous les droits, où les insultes ne sont pas des insultes (« Quand je traitais quelqu’un de con ou de nul, ce n’était pas pour dire qu’il était con ou nul » a osé Guillaume Patrux). Une victime a comparé ce service, de manière malheureusement très juste, à la série Severance : une forme de dissociation pesait sur les victimes de ces « créatifs » plus occupés à inventer de nouvelles formes de brimades plutôt qu’à contribuer à la bonne marche de l’entreprise. De ce témoignage, nous retenons également cette phrase glaçante : « j’avais l’impression que la loi s’arrêtait aux portes d’Ubisoft ».

Ce procès démontre bien le désintérêt assumé et revendiqué pour le droit, en particulier du travail. « C’est le rôle des RH » peut-on entendre de la part de Serge Hascoët, numéro 2 d’une multinationale de plus de 20 000 employé·es, qui prétend également ne pas avoir un rôle de manager. S’il ne s’y connaissait pas, il avait amplement les moyens de s’intéresser à ces problématiques et de se former. Qu’il ait choisi de ne pas le faire, à l’instar de l’ensemble du patronat, est révélateur.

Ubisoft, l’éléphant au milieu du tribunal

Si on a pu noter la présence de son avocate, venue prendre des notes extensives tout au long des 4 jours d’audience, le groupe Ubisoft était le grand absent du banc des prévenus. Jusqu’à l’explosion de témoignages en 2020, relayés dans la presse, il n’existait pas à Ubisoft de systèmes d’alerte, en-dehors du minimum légal spécifique au signalement de faits de corruption, prévu par la loi Sapin II.

Les témoignages ont bien étayé à quel point la direction d’Ubisoft était, au mieux, volontairement ignorante de ce qui se passait à l’étage juste en-dessous du bureau du PDG. Yves Guillemot a même eu l’occasion de consoler une victime en pleurs : comment peut-il oser continuer de faire semblant de ne pas avoir été au courant ?

Depuis 2020, le système spécifique aux faits de corruption a été étendu aux remontées de harcèlement mais, malgré les demandes régulières des représentant·es du personnel, l’opacité continue de régner à Ubisoft, écrasant toujours autant les travailleureuses. Notre article de 2021 est malheureusement toujours d’actualité : Harcèlement : Ubisoft préfère jouer la montre et faire de la comm’ que protéger les employé·es – STJV

Devant ces faits « sidérants », devant ce dossier « indescriptible » comme l’ont très bien décrit les avocat·es des parties civiles, il nous semble crucial que les responsabilités de toutes et tous soient reconnues : Ubisoft a mis en danger ses employé·es. Un·e élu·e du personnel s’est fait harceler, placardiser, et pousser dehors. De nombreuses victimes ont aujourd’hui encore des problèmes à travailler en entreprise, à cause de ce qu’iels ont vécu à Ubisoft. Nous ne l’oublierons pas !

Rappelons quand même que, contrairement à ce que leurs avocats ont tenté de plaider, la responsabilité d’Ubisoft ne retire aucunement leur responsabilité personnelle aux prévenus. Personne n’a forcé Serge Hascoët, Thomas « Tommy » François ou Guillaume Patrux à insulter, harceler ou agresser leurs collègues.

Nous espérons que justice sera rendue.

À toutes les victimes, à toutes les personnes qui souffrent en entreprise pour quelque raison que ce soit, nous vous répétons notre soutien indéfectible, et nous vous invitons à nous contacter par quelque moyen que ce soit : ensemble, nous avons le pouvoir de mettre fin à ces actes !

LGBTQIA+ : Fièr·es, déter’ et à bout de nerfs

Sur un fond bordeaux foncé, un personnage représentant la communauté LGBTQIA+ tient une épée aux couleurs du drapeaux LGTBQIA+. Par dessus, un cartouche dit "Mois des fiertés, défense unitaire et solidaire". En bas, le logo du STJV.

Le recul des droits en France et dans le monde

En France, alors que la population générale se montre de plus en plus acceptante des personnes LGBTQIA+, le système politique et les media dominants s’enfoncent dans une spirale haineuse et mortifère de paniques morales pour justifier leurs idées abjectes et leur projet de société cis-hetéro-normatif (1).

Pendant que le Sénat adopte une proposition de loi qui limite l’accès aux transitions pour les mineur·es, Emmanuel Macron déclare qu’il serait « ubuesque de changer de sexe en mairie ». La moitié des personnes LGBTQIA+ déclarent subir un rejet général ; un tiers déclare avoir subi des insultes ; et plus d’une personne sur 10 a été victime d’agression physique en raison de son identité, genre et/ou orientation sexuelle.

Les LGBTQIAphobies tuent. En 2024, sur les 186 cas d’agressions violentes recensés par SOS Homophobie en France, 5 sont des meurtres, et il ne s’agit là que des cas recensés. Ces attaquent combinent souvent plusieurs autres discriminations telles que le racisme, le validisme, le classisme, la putophobie ou la sérophobie.

L’offensive réactionnaire bat son plein à l’échelle mondiale, avec notamment une décision anti-trans grave, tout particulièrement contre les femmes trans, sur l’accès aux espaces genrés au Royaume-Uni et l’annihilation du self-id sous Trump aux USA. Être trans est toujours criminalisé, et peut entraîner des peines allant jusqu’à la peine de mort, dans plusieurs pays. Il est intéressant de noter que, pendant que nos droits sont attaqués, leurs assaillants se posent en protecteurs pour justifier des génocides, notamment celui des palestinien·nes commis par Israël, en dépeignant leurs victimes comme des homophobes.

Au milieu de tout cela, le mois des fiertés sera encore une fois l’occasion pour les entreprises, les gouvernements, les génocidaires et plus généralement pour tout l’appareil de domination capitaliste, de se laver les mains. Quand on a les mains rouges de sang, les frotter quelques secondes suffirait apparemment à les rendre rose.

Et dans le jeu vidéo ?

Bien que certains groupes réactionnaires, inspirés de près ou de loin par le « gamergate »(2) trouvent les jeux vidéo trop « woke », appellent au boycott des jeux qu’ils imaginent touchés par le spectre du « DEI »(3) et harcèlent les travailleureuses du secteur, la réalité ne pourrait pas se situer plus loin de leurs affabulations complotistes.

En effet, les personnes LGBTQIA+ n’ont jamais autant servi de caution pour la machine capitaliste : nos histoires et nos vies, quand elles ne sont pas portées uniquement sur nos épaules, sont largement maltraitées par des directions créatives ignorantes ou carrément mal intentionnées, quand elles ne sont pas purement abandonnées après nos départs des entreprises qui nous (re)mettent au placard dès qu’on fait trop de bruit.

Les écoles, qui cherchent à produire à la chaîne des travailleureuses dociles, habituent les étudiant‧es au déluge de violences qu’iels subiront en entreprise.

Les entreprises comme Don’t Nod, Quantic Dream, Ubisoft, Blizzard… affichent un logo arc-en-ciel 30 jours dans l’année, mais favorisent structurellement et protègent les comportements LGBTQIAphobes, comme peuvent en témoigner bon nombre de travailleureuses.

Les patron‧nes ne sont pas nos allié‧es dans cette lutte pour nos droits et, s’iels nous donnent parfois la parole, c’est uniquement quand iels peuvent en tirer un bénéfice.

Pour les joueureuses, le constat n’est pas plus reluisant. La faible modération des espaces multijoueurs laisse place à des violences communes, et les communautés doivent s’organiser entre elles et bénévolement pour proposer des espaces moins violents. L’obstination des directions créatives à représenter nos souffrances plus que nos joies, car c’est tout ce qu’elles connaissent de nos vies en nous les faisant subir, dépeint une image bien sombre dans beaucoup de nos jeux.

On bombe le torse et on se retrousse les manches

La seule réponse efficace aux attaques dirigées contre nous est une solidarité de classe sans faille, partout, tout le temps. Les personnes LGBTQIA+ sont aussi des travailleureuses, et donc la libération des travailleureuses ne peut pas se faire sans la libération des personnes LGBTQIA+. Les syndicats se doivent d’être un refuge et un lieu de lutte pour porter nos combats collectivement.

À cet effet, nous mettons la main à la pâte toute l’année. Si vous êtes victime ou témoin de violences LGBTQIAphobes, contactez vos sections syndicales ou prenez contact via . Nous défendons toute personne, adhérente ou non.

Nous appelons aussi à participer à toutes les luttes, pas uniquement les luttes LGBTQIA+. Si les oppressions convergent, alors les luttes le doivent également : antiracisme, antivalidisme, antifascisme et féminisme sont nécessaires à notre libération collective.

Nous mettrons en avant pendant ce mois de juin diverses organisations et mobilisations luttant pour notre libération et nous vous invitons à rejoindre ces luttes. Nous fournirons également témoignages et analyses permettant de mettre en lumière ce que l’industrie du jeu vidéo fait réellement subir aux personnes LGBTQIA+ quand le vernis craque.

Nos revendications sont la suite logique de ces actions et nous continuerons à lutter pour les faire advenir au sein des entreprises :

  • la fin des recours aux CDD pour lutter contre la précarisation des personnes marginalisées ;
  • l’imposition de grilles salariales publiques dans les entreprises, pour mettre fin aux discriminations salariales qui touchent de manière disproportionnée les minorités ;
  • le remboursement à 100 % de toute consultation ou acte médical par les mutuelles d’entreprise, y compris les parcours de transition pour les personnes transgenres ;
  • l’utilisation des prénoms et noms d’usage au travail sur simple demande, sans poser de questions ni demander de justificatifs ;
  • l’imposition de congés parentaux égaux et obligatoires, y compris en cas d’adoption, pour tous les couples ;
  • l’intégration des représentant‧es du personnel et des syndicats dans les processus d’alerte et de gestion des discriminations et violences en entreprise, pour pouvoir y faire entendre la voix des personnes concerné‧es ;
  • l’intégration de toustes les travailleureuses dans les processus décisionnels et créatifs, et leur transparence totale, pour que chaque personne concernée puisse être consultée et agir sur les choix de l’entreprise.

Ces revendications ne seront pas acquises en faisant appel à la bonne volonté de nos oppresseurs mais conquises par la solidarité, l’action collective, la grève et le rapport de force.

Sur un fond bordeaux foncé, divers personnages représentant la communauté LGBTQIA+ tiennent des épées aux couleurs du drapeaux LGTBQIA+. Par dessus, un cartouche dit "Mois des fiertés, défense unitaire et solidaire". En bas, un QR code redirigeant vers le site du STJV, le logo du STJV et les liens des réseaux sociaux du STJV.

Lexique

(1) cis-hétéro-normatif : qui impose une vision de la société hétérosexuelle et cisgenre, en opposition aux luttes LGBTQIA+
(2) gamergate : mouvement d’extrême-droite ayant pris racine dans les années 2010 en s’opposant à la présence des femmes, des personnes racisées ou encore des personnes LGBTQIA+ dans le studios et dans les jeux eux-mêmes
(3) DEI : Diversity, Equality and Inclusion, nom donné aux différents programmes qui favorisent l’inclusivité et la diversité au sein des entreprises et des productions

Classification SYNTEC : Le Conseil de Prud’Hommes de Lyon donne raison au STJV

Sur fond rouge et noir, à gauche de l'image, Phoenix Wright de la série Ace Attorney dans une posture triomphale, pointant du doigt vers l'avant de l'image. À droite, le texte "Victoire !" dans une fonte stylisée rappelant celle des interjections d'Ace Attorney. En bas de l'image, le logo STJV.

La commission Accompagnement et Soutien Juridique du STJV a le plaisir d’annoncer une victoire majeure dans un dossier où elle accompagnait une salariée. Il en a résulté une condamnation à plus de 34 000 € bruts en sa faveur, et une reconnaissance par le tribunal que l’une de nos revendications récurrentes, le statut cadre comme positionnement logique de toute personne travaillant dans le jeu vidéo, s’appliquait bien en l’espèce.

Voilà les détails de cette affaire :

Résumé du litige

La salariée a été engagée le 25 novembre 2020 en qualité d’Artiste Environnement 3D, Statut ETAM, position 2.2 coefficient 310, contre une rémunération brute mensuelle de 1 900 euros.

Par avenant du 30 Octobre 2021, elle a évolué vers des fonctions d’encadrement d’une équipe de 4 personnes (« Lead Level Art ») à compter du 1er novembre 2021, assortie d’une augmentation de salaire à hauteur de 2 300 euros bruts.

En réalité, la salariée occupait, de fait, des fonctions de Lead dès mai 2021, suite au départ de sa supérieure hiérarchique directe (Lead).

Le Conseil de prud’hommes a été saisi notamment d’une demande de reclassification conventionnelle

  • en statut Cadre dès l’embauche, position 2.1 du fait de son niveau de diplôme : RNCP 6 (bac + 3 ou 4)
  • position 3.2 coefficient 210 à compter du passage au poste de Lead

et du rappel de salaire subséquent.

Décision du Conseil

Le Conseil de prud’hommes nous a donné raison et a jugé que la requérante aurait dû bénéficier des positions

  • 2.1 coefficient 100 du 24 novembre 2020 au 24 mai 2021
  • 2.1 coefficient 115 du 25 mai 2021 au 31 octobre 2021
  • 3.2 coefficient 210 du 1er novembre 2021 au 07 août 2022 (fin du préavis)

(Le classement au coefficient 115 en mai 2021 n’est pas expliqué par le Conseil, qui a certainement jugé en équité et non en droit sur ce point).

Cela signifie qu’elle aurait dû être rémunérée, au minimum :

  • 2 186€ bruts mensuels du 24 novembre 2020 au 24 mai 2021
  • 2 394€ bruts mensuels du 25 mai 2021 au 31 octobre 2021
  • 4 311€ bruts mensuels du 1er novembre 2021 au 07 août 2022

Pour le Conseil de prud’hommes,

dans le cadre de ses fonctions de Lead, la salariée avait une fonction de gestion d’équipe, ce qui englobait le commandement de celle-ci : elle assistait aux réunions des managers, elle effectuait des évaluations des membres de son équipe, elle était en charge du recrutement, elle contrôlait et organisait le travail de son équipe, tous ces éléments démontrant qu’elle relevait de la position 3.2 coefficient 210.

Il s’agit d’une juste application des dispositions de la convention collective :

  • C’est bien le niveau de diplôme qui détermine le statut de cadre, dès lors qu’on possède un BAC +3, +4 ou +5 et que le poste met en application les enseignements du diplôme,
  • Dès lors qu’un poste implique un commandement sur des salariés de toute nature, la position 3.2 doit être attribuée.

Pour rappel, la SYNTEC prévoit :

Position 3.2 : Ingénieurs ou cadres ayant à prendre, dans l’accomplissement de leurs fonctions, les initiatives et les responsabilités qui en découlent, en suscitant, orientant et
contrôlant le travail de leurs subordonnés. Cette position implique un commandement sur des collaborateurs et cadres de toute nature.

Condamnation de la société

La Société a été condamnée à plus de 34 000 euros bruts de rappel de salaire (pour 1 an et 9 mois d’ancienneté), sans compter les intérêts de retard (plus de 4500 euros).

Cette décision est devenue définitive car la société n’en a pas fait appel.

Victoire d’étape

Nous le disons depuis notre création : la convention collective SYNTEC (majoritaire dans les studios de Jeu Vidéo) est non seulement choisie par les entreprises car peu avantageuse pour les travailleurs-euses, mais est en plus volontairement mal appliquée pour tirer nos salaires et conditions de travail vers le bas.

C’est une de nos revendications principales : l’application universelle du statut Cadre. Tous les métiers exercés dans l’industrie du Jeu Vidéo nécessitent des formations longues, de l’autonomie et des connaissances étendues. Cela place donc l’intégralité des postes que nous occupons sous le statut Cadre, du moins pour SYNTEC.

Grâce à nos luttes cette revendication commence à être appliquée concrètement, puisque cela s’est négocié chez Amplitude Studios lors des Négociations Annuelles Obligatoires de 2024, et dans les conditions de départ lors du plan de licenciement à Don’t Nod en 2025.

Loin d’être un détail, avoir le statut Cadre plutôt qu’ETAM amène des améliorations bien concrètes et il suffit de regarder les minima de salaire associés pour s’en convaincre. L’écart est encore plus important lorsque, comme dans ce jugement, la classification (3.2) est correcte et adaptée.

Bien souvent, les entreprises ne daignent attribuer le statut Cadre qu’aux postes de programmation et d’encadrement, prétextant des raisons floues et fausses sur la possession ou non d’un diplôme d’ingénieur.

Ce jugement affirme avec force qu’étant donné le niveau d’étude (ultra majoritairement bac + 3 à bac + 5), les compétences et l’autonomie demandées dans nos métiers, le statut Cadre est une évidence. Pour les programmeureuses, mais aussi pour les artistes, les designers, les QA…

Il démontre également que classifier des postes en 3.1 ou 3.2 n’est pas farfelu : nous avons les compétences et les responsabilités associées, le statut et la paie doivent venir avec, comme de juste. Y compris dans les « petites » entreprises comme ici (moins de 50 salarié-es).

La quantité de salaire que les entreprises nous volent depuis des années est gargantuesque.

Conclusion

Le STJV va continuer d’œuvrer pour une application légitime et honnête des conventions collectives, en particulier SYNTEC.

C’est une piste majeure pour l’amélioration de nos conditions de travail et la justice sociale.
Nous invitons toute personne se sentant lésée par son employeur à nous contacter afin de discuter de ce qu’on peut mettre en place.

Le jugement anonymisé :

Traduction du post-mortem de nos camarades du CSVI-CGT sur la fermeture

Logos du CSVI-CGT, syndicat de travailleurs et travailleuses du jeu vidéo en Espagne, ainsi que celui du studio Tequila Works. En fond, le titre "Post Mortem ERE"

Cet article est une traduction de la publication de nos camarades d’Espagne, trouvée ici : https://bsky.app/profile/csvi-cgt.bsky.social/post/3lpj6bigdms27, et avec leur accord.
Notre but est de continuer à partager l’information, comme nous avons pu le faire en faisant notre propre Bilan de la lutte contre le PSE à Don’t Nod.


Logos du CSVI-CGT, syndicat de travailleurs et travailleuses du jeu vidéo en Espagne, ainsi que celui du studio Tequila Works. En fond, le titre "Post Mortem ERE"

Les ex-travailleur·euses de Tequila Works affilié·es à la CGT voulons publier notre expérience avec l’ERE (« Expediente de Regulacion del Empleo =~ plan de licenciements), exposant les mauvaises pratiques qui ont mené nos collègues à perdre des droits. L’ERE a duré des mois pendant lesquels nous avons toujours été en situation d’incertitude et d’instabilité.

En 2022, Tencent acquiert 70% de Tequila Works, pour cesser de le financer en 2024 car « il n’atteignait pas les attentes de rentabilité », chose imprévisible car la communication a toujours été positive. Là commence le processus dont vous pouvez voir le déroulement dans l’image ci-jointe :

Chronologie de l’ERE

- 8 octobre: Un projet est annulé et 11 travailleur·euses sont licencié·es, soi-disant pour centrer les efforts du personnel autour d’un seul jeu.
- 12 novembre: L’entreprise annonce sa banqueroute et faillite, et communique au personnel la démission des PDG. La cause: Tencent nous avait retiré du financement.
- 3 décembre: L’assemblée des travailleur·euses est constituée, et choisit ses représentants.
- 16 janvier: Après plusieurs retards, la période de consultations entre les représentants des travailleur·euses et l’entreprise commence.
- 27 janvier: Le délai de négociations se termine, l’administratrice judiciaire est assignée et prend contrôle de l’entreprise
- 14 mars: l’ERE prend effet, licenciant 101 travailleur·euses. Durant tout ce processus, plus de 15 personnes seront forcées à se retirer, perdant ainsi leurs droits avant la fin de l’ERE.

Chronologie de l’ERE

  • 8 octobre: Un projet est annulé et 11 travailleur·euses sont licencié·es, soi-disant pour centrer les efforts du personnel autour d’un seul jeu.
  • 12 novembre: L’entreprise annonce sa banqueroute et faillite, et communique au personnel la démission des PDG. La cause: Tencent nous avait retiré du financement.
  • 3 décembre: L’assemblée des travailleur·euses est constituée, et choisit ses représentants.
  • 16 janvier: Après plusieurs retards, la période de consultations entre les représentants des travailleur·euses et l’entreprise commence.
  • 27 janvier: Le délai de négociations se termine, l’administratrice judiciaire est assignée et prend contrôle de l’entreprise
  • 14 mars: l’ERE prend effet, licenciant 101 travailleur·euses. Durant tout ce processus, plus de 15 personnes seront forcées à se retirer, perdant ainsi leurs droits avant la fin de l’ERE.

Sans garanties de paiement, une situation difficile se présente : endurer jusqu’à la fermeture (sans date connue) tout en vivant sur nos économies, ou chercher un autre emploi. 16 personnes (sur environ 130) ont dû choisir cette voie, renonçant à leurs indemnisations, certaines avec plus de 10 ans d’ancienneté.

Sur les 130 personnes dans les effectifs :

Licencié·es avant l’ERE, sans avoir perçu l’intégralité de leur indemnité : 11 personnes

Affecté·es par l’ERE : 101 personnes

Obligé·es à chercher un autre emploi : 16 personnes

Sur les 130 personnes dans les effectifs :

  • Licencié·es avant l’ERE, sans avoir perçu l’intégralité de leur indemnité : 11 personnes
  • Affecté·es par l’ERE : 101 personnes
  • Obligé·es à chercher un autre emploi : 16 personnes

Nous signalons le conseil d’administration pour avoir caché l’état de l’entreprise, s’être déchargés de leurs devoirs (10 des 11 licencié·es n’ont pas encore reçu la totalité de leurs indemnités), et avoir porté atteinte à nos droits en laissant les délais s’écouler et en forçant le recours à l’administrateur judiciaire.

Le soutien de CGT Artes Gráficas Madrid et du CSVI, que nous remercions pour leur travail, a été vital pour négocier avec l’entreprise, dans une industrie sans organisation cohésive entre travailleur·euses. Sur cette image sont indiqués les résultats de 5 mois de travail et formation accélérée :

INDEMNISATION :

- 12 novembre : la banqueroute est annoncée, sans garantir les futurs versements de salaires.
- 22 février : le salaire de janvier est versé.
- 1er avril : Le salaire de février et les indemnisations sont versées. Le salaire de mars est encore en attente.

Proposition initiale :
Il n’y a pas d’argent : maximum 20 jours par année de travail, seulement si un prêt extérieur garantit de pouvoir payer.

Résultat final :
- Versement des salaires retardés jusqu’à février 2025 inclus.
- 25 jours par année de travail jusqu’à 12 mensualités.

INDEMNISATION :

  • 12 novembre : la banqueroute est annoncée, sans garantir les futurs versements de salaires.
  • 22 février : le salaire de janvier est versé.
  • 1er avril : Le salaire de février et les indemnisations sont versées. Le salaire de mars est encore en attente.

Proposition initiale :
Il n’y a pas d’argent : maximum 20 jours par année de travail, seulement si un prêt extérieur garantit de pouvoir payer.

Résultat final :

  • Versement des salaires retardés jusqu’à février 2025 inclus.
  • 25 jours par année de travail jusqu’à 12 mensualités.

Faisant face à une entreprise insolvable, nous sommes fiers des résultats. L’organisation de travailleur·euses remporte des victoires, et nous voulons que ce soit un exemple pour celleux qui se retrouvent dans une situation similaire, car elle aurait été moins traumatique si les changements avaient précédé la perspective.

L’organisation de la classe ouvrière ne doit pas seulement être une réponse à la crise. Ce doit être un travail continu qui prévient les abus et nous éduque dans la défense constante et collective de nos droits, aujourd’hui plus que jamais, au vu de la situation de l’industrie.

Bilan de la lutte contre le PSE à Don’t Nod

Bilan lutte PSE à Don't Nod

La lutte à Don’t Nod approche du dénouement. Avec le cœur serré de voir partir nos collègues, nous tenions tout de même à conclure ces mois de lutte intense par une analyse de ce que nous en retirons pour la suite.

Pourquoi c’est important

Nous partions d’un plan de licenciement où l’employeur comptait licencier sans compensation (autre que le minimum légal) 69 personnes, soit près d’un tiers des effectifs. Ce plan incluait un découpage en catégories professionnelles tellement précises qu’il ciblait individuellement une trentaine de personnes.

Par la mobilisation, par la grève, nous sommes parvenu‧es à imposer un cadre et des conditions qui atténuent, certes pas assez, mais grandement, la violence de ce plan de licenciement.

Nous souhaitons insister sur quelques points particuliers de ces conditions de départ.

Ouverture des départs volontaire

Au cours des négociations sur les modalités de ce PSE, nous avions obtenu que 23 départs volontaires soient ouverts à des catégories professionnelles non menacées par le plan, pour sauver autant de collègues d’un licenciement.

Nous avons le plaisir d’annoncer que ces départs ont permis de sauver 23 travailleur‧ses d’un licenciement contraint.

Au lieu des 69 licenciements initialement prévus, il y a eu 46 départs volontaires et 1 licenciement. Nous avons quasiment atteint notre objectif de « 0 départ forcé ».

À cela s’ajoutent 8 personnes ayant reçu une modification de poste, qu’une poignée a refusée, menant donc à leur licenciement économique avec les mêmes compensations de départ.

Indemnités de cadre pour tout le monde

Nous avons demandé et obtenu l’application de la méthode de calcul des indemnités de licenciement des cadres pour tout le monde. C’est avantageux pour les salarié·es au niveau financier, et fait écho à une revendication générale du STJV : tous les métiers de la production de jeux vidéo relèvent du statut Cadre.

Il ne s’agit pas d’une mesure symbolique mais d’une reconnaissance de nos métiers, de notre expertise, de l’autonomie qui nous est demandée. Cela représente également une amélioration concrète de nos conditions de travail.

Les entreprises doivent requalifier en Cadre les statuts de l’ensemble des salarié·es encore sous statut ETAM, comme cela a été négocié récemment à Amplitude.

Remboursement de la grève

Don’t Nod a accédé à notre revendication et a payé les salaires des grévistes pour tous les jours de notre grève reconductible. Ce faisant, l’entreprise reconnaît que cette semaine de grève est de sa responsabilité pleine et entière : pour défendre nos droits, obtenir des négociations puis cet accord, nous n’avions d’autre choix que de nous mobiliser par la grève.

Si cette mesure peut sembler inhabituelle dans notre secteur, elle est en réalité courante dans les accords de fin de conflit. Désormais, un précédent est établi dans l’industrie du Jeu Vidéo également.

Conclusion

Anne Devouassoux, présidente du SNJV, a récemment expliqué devant l’Assemblée Nationale que l’accord trouvé était, selon le SNJV, une preuve de dialogue social.

Dont acte ! Cette victoire prouve que seul le rapport de force permet d’obtenir des avancées, et même la patronne du SNJV le reconnaît. La lutte appartient à tou‧tes les travailleur‧ses, saisissons-nous en pour gagner ensemble.

Compte-rendu d’utilisation de la caisse de grève

Grâce aux 17 000 euros de dons à la caisse de grève de Don’t Nod, nous avons pu utiliser 15 300 euros pour rembourser les 4 jours de grève en novembre/décembre 2024, à hauteur de 100 euros par jour. Le reste va maintenant alimenter la caisse générale du STJV pour les prochaines luttes.

Autodéfense en entreprise

guideautodéfenseentreprise

L’une des activités les plus importantes du STJV est de venir en aide aux travailleur·ses quand iels rencontrent un problème lié de près ou de loin au travail.

Nous nous rendons compte que, malheureusement, les demandes d’aide arrivent assez tard, quand les travailleur·ses sont déjà dans une situation très critique. Si se défendre face aux abus des patron·e·s est difficile – à cause de la politique des gouvernements successifs – ce n’est pas une fatalité.

Il nous apparait nécessaire d’adopter certaines habitudes et de mettre en place des protections en amont de tout conflit, et de sensibiliser les travailleur·ses, même lorsque les conditions de travail apparaissent comme bonnes. Nul·le n’est à l’abri d’un revirement de situation.

Notre doctrine d’assistance est de pouvoir se protéger et intervenir au plus tôt afin de ne pas se retrouver dans une situation compliquée en premier lieu. Cela implique que la prévention, la formation et la préparation individuelle en amont sont fondamentales.

Entendons-nous bien : nous avons toutes les raisons de penser qu’au cours de votre carrière (et oui, cela inclut les études), vous allez être confronté·e à une situation de conflit ou d’abus avec votre employeur, hiérarchie, parfois vos collègues… Virtuellement toustes les travailleur·ses ont été ou vont être victimes dans l’environnement professionnel, la question est de savoir quand et avec quel niveau de préparation.

L’objectif de cette fiche est d’éviter que la situation dérape en vous donnant les réflexes de base pour montrer à l’employeur que vous connaissez vos droits et que vous ne serez pas une proie facile. Ces principes visent deux buts :

  • Premièrement : mettre toutes les chances de votre côté pour mettre fin à un abus ;
  • Deuxièmement : préparer le terrain à un possible contentieux en justice si votre employeur devait persévérer dans ses affres.

La justice est biaisée en faveur des entreprises et, pour se défendre, il faut faire les choses dans l’ordre et démontrer qu’on a été un·e bon travailleur·ses. Malheureusement, tarder à prendre des conseils amène à passer à côté d’occasions faciles de renforcer son dossier.

Cette fiche pratique a donc pour objectif de lister les outils à disposition pour naviguer au mieux dans le monde professionnel avant, pendant et après un litige.

Rappel important :
Le STJV apporte son aide inconditionnellement dans la mesure de ses moyens (humains et financiers), même sans avoir adhéré. Nous ne sommes pas un service mais une expression de solidarité. Si vous pensez être victime d’un préjudice quelconque, contactez-nous via notre formulaire de contact.

1. Les mythes à déconstruire

Se protéger et faire en sorte de travailler dans un environnement sain, c’est d’abord être réaliste et pragmatique sur le milieu professionnel.

Il est donc important de se prémunir contre les mythes qui ont été construits par le patronat dans l’industrie du jeu vidéo (et ailleurs) et de connaître les limites que votre employeur n’a pas le droit de dépasser.

Les mythes à déconstruire

Mythe n°1 : « On est une grande famille / On est cool / On se prend pas la tête »

Un contrat de travail établis un lien par lequel l’employeur exerce son pouvoir de direction sur l’employé·e. C’est une relation de subordination. Il en va de même pour la majorité des « freelance » qui sont en réalité en situation de salariat déguisé.

Les relations d’« amitié » entre patron·e et travailleur·se ne peuvent pas être équilibrées. Cela se constate souvent au moment où lea travailleur·se demande de meilleures conditions de travail.

Pour cette raison, il est préférable de rester sur ses gardes quand la personne pour qui vous travaillez essaye de devenir votre ami·e.

La rhétorique de la famille est universellement utilisée pour atténuer la perception de manquements (travail sans contrat, paiement en retard, heures supplémentaires sans compensation, pression, harcèlement…) de l’employeur par les travailleurs·ses. Il s’agit tout simplement de manipulation.

Il vaut mieux prendre de la distance et demander calmement mais fermement à ce que vos droits soient respectés, conformément au code du travail et aux conventions collectives.

Mythe n°2 : « Vous avez de la chance d’être là »

Les patron·es aiment entretenir l’idée qu’iels font une énorme faveur aux personnes qu’iels emploient en les acceptant dans leur entreprise. C’est une inversion totale de la réalité, malheureusement communément admise. Si faire carrière dans le jeu vidéo n’est pas forcément facile, il est important de rappeler qu’une entreprise ne vaut rien sans les personnes qui y travaillent : les jeux ne se fabriquent pas tout seuls.

Gardez en tête que l’entreprise qui vous emploie ne le fait pas par bonté de cœur mais par intérêt économique et que si elle vous a embauché·e, c’est qu’elle tire un bénéfice de l’exploitation de votre travail.

Vous avez une formation, un métier, des connaissances et de l’expérience. Cela a de la valeur.

Mythe n°3 : « C’est un métier passion »

Au STJV, nous croyons fermement que prendre soin de notre santé est une priorité. C’est se donner la possibilité de profiter de ce qui nous passionne sur la durée.

La passion des travailleurs·ses pour leur métier est un levier dont les entreprises abusent de manière systémique, dans toutes les industries et pour tous les métiers, pour justifier les mauvaises conditions de travail et les infractions généralisés.

Encore une fois, il s’agit de manipulation dans le but d’extraire toujours plus de travail, sans le rémunérer à sa juste valeur ni fournir des conditions de travail dignes.

La « passion » est ainsi invoquée pour réclamer de l’investissement supplémentaire, des heures supplémentaires, des bas salaires, un dévouement au projet et à l’entreprise, une obéissance aveugle, etc.

Ce mythe n’engendre que stress, épuisement professionnel (burnout), turnover, perte de connaissance, désorganisation…

Demandez-vous bien à qui profite votre investissement en temps et en énergie lorsque que vous donnez de votre personne au-delà de ce que stipule votre contrat de travail.

Mythe n°4 : « Les RH sont là pour votre bien »

C’est absolument faux, et le contraire en réalité. Comme nous l’ont montré tous les scandales et enquêtes de ces dernières années, le rôle des départements RH est systématiquement de couvrir et défendre l’entreprise, au mépris des victimes. Cela malgré tous les pink-, green-, et autres washings.

Il ne s’agit pas d’une question de qualité, bienveillance ou compétence des personnes dans les départements RH, mais de structure. La fonction première des Ressources Humaines est d’assurer le fonctionnement économique de l’entreprise, de mettre en place la gestion des travailleurs·ses comme une ressource comme une autre.

La personne RH que vous connaissez peut bien être la plus sympa au monde, cela ne change rien au fait qu’à partir du moment où vous lui remontez un abus de l’employeur, elle sera dans le meilleur des cas face à un conflit de valeurs. Son employeur (dont dépend son emploi, donc sa sécurité financière et plus largement sa vie) n’a pas intérêt à cesser son abus puisqu’il y trouve un bénéfice et va lui ordonner de trouver un moyen en ce sens. Ce n’est donc pas surprenant que les RHs se retrouvent à ignorer, mettre sous le tapis ou atténuer des comportements répréhensibles commis par des personnes en situation de pouvoir dans l’entreprise.

Mythe n°5 : « Le patron va me blacklister si je l’ouvre »

La peur du blacklisting est compréhensible, mais extrêmement exagérée. De notre expérience syndicale depuis 8 ans, les cas avérés doivent se compter sur les doigts d’une main.

Les patron·nes sont certes organisés via le SNJV et le SELL, mais ils ne sont pas ami·es pour autant. Et ils sont loin de tous avoir la même importance en leur sein. Ironiquement, la menace du blacklisting est toujours employée par des petits patrons peu sûrs d’eux, qui n’ont absolument pas la capacité d’appliquer un quelconque blacklisting. En exagérant largement leur influence, ils espèrent asseoir encore plus leur emprise et domination sur les travailleurs·ses.

« Jean-Michel Indé » a peut-être croisé un·e patron·ne de grand studio dans les couloirs de la GDC en 2015, ce n’est pas pour autant qu’il serait écouté par lui/elle.

L’industrie française est certes relativement petite, mais elle est maintenant syndiquée. Au début de l’année 2025, le STJV approche les 10% de syndicalisation. Le mécanisme de l’omerta ne peut plus fonctionner dans cette configuration : maintenant, tout le monde l’ouvre.

2. Les points de vigilance

Les points de vigilance

Point de vigilance n°1 : Protéger sa liberté d’expression au travail

La liberté d’expression en entreprise est protégée par :

  • la liberté d’expression individuelle, un droit fondamental énoncé dans la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen
  • la liberté d’expression directe et collective, dans le Code du Travail

Le code du travail dispose que

Les salariés bénéficient d’un droit à l’expression directe et collective sur le contenu, les conditions d’exercice et l’organisation de leur travail.
L’expression directe et collective des salariés a pour objet de définir les actions à mettre en oeuvre pour améliorer leurs conditions de travail, l’organisation de l’activité et la qualité de la production dans l’unité de travail à laquelle ils appartiennent et dans l’entreprise.
Les opinions que les salariés, quelle que soit leur place dans la hiérarchie professionnelle, émettent dans l’exercice du droit d’expression ne peuvent motiver une sanction ou un licenciement.

Vous ne pouvez donc pas être sanctionné·e de quelque manière que ce soit pour avoir parlé de vos conditions de travail ou de votre salaire. Le patronat fait pression sur les travailleurs·ses en prétextant une « confidentialité » abusive au sein de l’entreprise : c’est absolument faux.

Si vous vous rendez compte que votre employeur vous paie en-dessous des minima conventionnels, nous vous encourageons au contraire à en parler avec vos collègues et à construire une revendication collective à ce sujet.

Point de vigilance n°2 : Créer de la solidarité

Quoi qu’il arrive, et que votre travail se passe bien ou mal, il y a une constante : ensemble on est plus fort. Les patron·nes le savent bien et vont tout faire pour casser ou empêcher de créer des liens de solidarité.

Le regroupement des travailleureuses est un préalable indispensable à l’amélioration des conditions de travail puisqu’elles sont partagées. En conséquence, le patronat joue toujours la même partition : diviser pour mieux régner. Cela peut prendre de nombreuses formes : opposer les unes aux autres, punir pour l’exemple, encourager la docilité de certain·es, individualiser les problèmes collectifs, faire de la rétention d’information, changer de discours suivant l’interlocuteurice…

La parade est toujours la même : discuter, puis agir, collectivement. Méfiez-vous de toute action qui isole les collègues et cultivez un collectif de travail soudé.

Point de vigilance n°3 : Ne rien signer

Parfois de lui-même, mais souvent en réaction à une situation conflictuelle, par exemple face à une demande de régularisation de salaire, l’employeur va tenter de vous faire signer des modifications de contrat, avenants ou autre.

Hors cas très particuliers, vous n’avez aucune obligation de signer un papier juste parce qu’on vous le demande. Dans 99% des cas, l’employeur croit pouvoir vous mettre sous pression afin d’antidater un document ou de modifier le contrat à son avantage pour cacher un manquement de sa part.

Par défaut, on ne signe rien sans en parler au CSE et au syndicat. Demandez à l’employeur sur quels articles de loi il se base pour justifier sa demande. Discutez-en avec vos collègues.

Point de vigilance n°4 : Ne pas se dévaluer

Par défaut, les travailleureuses sont honnêtes. Ce trait de caractère est facilement exploitable par l’employeur, en particulier lors des entretiens professionnels.

Il est humain et compréhensible de croire au bien-fondé de ces entretiens. Mais le plus souvent il s’agit d’une mascarade et les décisions d’augmentations etc., ont déjà été prises en amont. Par contre, il y a une chose à laquelle ils servent bien, et c’est trouver des reproches à faire à quelqu’un qui a été pris en grippe et dont on veut se débarrasser.

Il est assez courant que les entreprises épluchent, entre autres, les entretiens passés afin de créer de toutes pièces des reproches infondés et justifier des sanctions voire des licenciements.

Pour se protéger, il faut donc éviter de se dévaluer, de faire son autocritique, de pointer des choses qu’on aurait pu mieux réaliser, bref : ne pas offrir à l’employeur des arguments pour nous faire des reproches.

La remise en question peut être bonne et nécessaire, mais elle se fait avec ses collègues et camarades, pas avec le patronat.

Plutôt que se dévaluer, il est utile en cas de reproches de mentionner à l’employeur les causes externes de nos problèmes : surcharge de travail, défaut de communication de la hiérarchie, pressions, tâches ne correspondant pas au poste…

3. Les bons réflexes à avoir quand tout va bien

Les bons réflexes à avoir quand tout va bien

Habituez votre entourage professionnel à communiquer par écrit

La grande difficulté quand on décide de faire valoir ses droits en justice réside dans la collecte de preuves. Juridiquement parlant, les traces écrites sont les éléments qui sont le plus pris au sérieux lors de l’examen d’un litige. Les employeurs en ont parfaitement conscience et vont pour cette raison toujours procéder par des échanges oraux, sans traces, pour commettre leurs méfaits.

Un bon moyen de contrer cette tactique est de faire de l’échange de mail votre mode de communication par défaut. Posez vos questions par écrit, faites des résumés de réunion que vous envoyez par mail, bref gardez des traces et habituez votre entourage professionnel à cette manière de communiquer.

Souscrire à une protection juridique auprès de son assurance

Si vous pouvez vous le permettre, nous recommandons fortement de vous protéger sur le plan juridique. Les protections juridiques qu’offrent les assurances (notamment habitation) permettent souvent la prise en charge des honoraires d’un·e avocat·e dans l’éventualité où vous auriez besoin d’être assisté·e suite à un litige professionnel. Cette protection coûte en moyenne 8€/mois selon les assurances et est parfois inclue d’office dans votre contrat.

Une procédure aux prud’hommes peut coûter plusieurs milliers d’euros. Avoir une protection permet de financer tout ou partie de ces procédures, de se sentir plus légitime et plus protégé si vous étiez amené à devoir vous défendre en passant par un tribunal.

Se syndiquer

Comme expliqué plus haut, le rapport de force entre employé·es et employeurs est déséquilibré. Pour se protéger au mieux face aux abus et aux conditions de travail toujours plus précarisées, il est primordial de s’organiser entre travailleurs·ses.

Se syndiquer permet de ne pas rester seul·e, d’apprendre à connaître ses droits, de se créer un filet de sécurité sociale et mentale en cas de difficultés professionnelles et d’améliorer les conditions de travail de tou·tes dans l’industrie. Des belles victoires ont été remportées par le STJV grâce au travail des travailleurs·ses. Prendre part à la lutte redonne confiance dans sa capacité d’action et chasse la sensation d’impuissance face aux injustices récurrentes dans le monde du travail.

S’assurer de la présence d’un CSE dans son entreprise

Le rôle du CSE est de représenter les salarié·es auprès de l’employeur. Sa présence dans une entreprise est obligatoire à partir de 11 salarié·es (équivalent temps plein, sur 1 an). Il est l’interlocuteur privilégié en cas de conflits entre la direction et les travailleur·ses et dispose de diverses prérogatives et informations pour assurer la défense et la représentation des salarié·es.

Dans le milieu du jeu vidéo (et en particulier dans les petites entreprises), il est courant que les patron·es rechignent à mettre en place un CSE. Iels peuvent par exemple manquer à leur obligation d’information au sujet de l’élection du CSE pour empêcher leur tenue, ou prolonger une période de carence (absence de CSE dans l’entreprise).

En tant qu’employé·e, vous avez cependant divers recours pour contrer ces méthodes, en particulier demander à ce que des élections soient organisées quand le CSE devient obligatoire, ou réorganisées quatre mois après une carence.

Dans tous les cas, nous vous invitons à vous rapprocher du STJV pour organiser ces élections : nous vous aiderons à son organisation et à obtenir de meilleures conditions.

Si votre entreprise a déjà un CSE, rapprochez-vous-en et essayez d’estimer à quel point il remplit bien son rôle. En fonction de sa relation avec la direction et de son engagement politique, vous pourrez estimer s’il peut vous aider en cas de difficultés au sein de l’entreprise.

Faire vivre une section syndicale

Les travailleur·ses syndiqué·es d’une entreprise forment une section syndicale. Elle représente le syndicat auprès de l’employeur et sert à communiquer avec les collègues. C’est le meilleur cadre pour discuter et réfléchir collectivement aux problèmes rencontrés dans l’entreprise, puis lutter contre.

La section peut désigner un·e Responsable de Section Syndicale ou Délégué·e Syndical·e, version améliorée en cas de victoire aux élections du CSE. En présence d’un·e Délégué·e Syndical·e, l’entreprise est obligée d’obtenir sa signature pour appliquer tout ce qui relève d’un accord d’entreprise. Elle doit également tenir des Négociations Annuelles Obligatoires.

4. Les bons réflexes à avoir quand la situation se dégrade

La première étape est de savoir repérer quand votre situation professionnelle se détériore. Certains évènements en entreprise sont des signes classiques des situations de maltraitance et sont donc des points sur lesquels il faut se montrer vigilant·e.

Les bons réflexes à avoir quand la situation se dégrade

Voici une liste, non-exhaustive, des cas typiques qui doivent mettre en alerte :

  • les priorités de travail changent régulièrement, on vous met la pression ;
  • une quantité non négligeable de travail est jetée ;
  • l’employeur vous demande des heures supplémentaires (a fortiori non-payées) ;
  • des gens n’ont aucune tâche à remplir ;
  • une personne fait l’objet de beaucoup de plaintes ;
  • une personne connue pour son comportement déplacé est embauchée dans votre entreprise ;
  • vous remarquez que certains·es de vos collègues sont humiliés·es, rabaissés·es, ou mis·es au placard ;
  • les salaires sont payés en retard ;
  • de plus en plus de personnes démissionnent (turn-over important) ;
  • des personnes clés sont licenciées (notamment celleux chargé ·es de l’organisation de l’entreprise et/ou de la charge de travail) ;
  • votre entreprise commence à rencontrer d’importants problèmes financiers.

On est souvent amené à minimiser ce qu’on vit dans le cadre professionnel. C’est un comportement très répandu et parfaitement normal puisque notre revenu (et donc notre survie) dépend de notre capacité à conserver un emploi.

Cependant, si fermer les yeux sur des situations de maltraitance dans le cadre professionnel peut être rassurant sur le moment, le risque d’en payer le prix fort plus tard par des burnouts, dépressions, une incapacité à travailler… est conséquent.

Il est donc important d’avoir en tête les signaux qui doivent vous mettre en alerte. Un bon moyen objectif d’y parvenir est de noter chez soi les indicateurs de mal-être les plus classiques, tels que : difficulté à parler de son travail sinon pour s’en plaindre, irritabilité, troubles alimentaires, difficulté à ressentir de l’empathie (symptôme de burnout), troubles du sommeil, cauchemars, troubles de la mémoire, sensation de nausée avant d’aller au travail, etc.

Nous conseillons à tout le monde de remplir ce questionnaire pour évaluer son état de burnout, il pourrait révéler des surprises.

Prévenir l’employeur

Quand vous vous rendez compte que vous êtes victime d’un abus, quel qu’il soit (venant de l’employeur ou d’un·e collègue, d’un·e prestataire, qu’il soit financier, moral ou physique, etc), vous devez en avertir l’employeur.

Pour le faire au mieux, il faut suivre les conseils qui suivent dans cette fiche, mais l’information importante à retenir est que plus vous prévenez tôt du problème, plus cela vous sécurise par la suite.

L’employeur est légalement obligé d’engager des moyens pour prévenir et faire cesser les dangers, risques, harcèlement, maltraitances, etc. S’il peut légitimement dire qu’il n’était pas au courant, alors la justice ne le considérera pas en faute.

Demander conseil autour de soi

De nombreuses personnes ont pour réflexe de s’isoler quand elles rencontrent des difficultés dans la sphère professionnelle. Les raisons qui peuvent pousser à un tel comportements varient d’une personne à l’autre mais ne sont souvent que partiellement fondées : peur, honte, culpabilité etc. Il est important de surmonter ce réflexe en communiquant autour de soi sur les difficultés rencontrées, afin de faire un état des lieux de la situation dans laquelle vous êtes.

Parlez-en à vos collègues. Contactez des associations, des syndicats, parlez à des personnes de confiance et/ou à des médecins. Vous pouvez même appeler anonymement l’inspection du travail et/ou le conseil des prud’hommes afin de demander des renseignements, sans que ça ne vous engage à quoi que ce soit et sans même avoir à renseigner votre nom ou celui de votre entreprise.

En cas de doute, parler, chercher à comprendre, interroger permet de réaliser si ce qu’on vit est normal ou non et d’avoir accès à des ressources ou des solutions auxquelles on n’aurait pas forcément pensé.

Prendre des notes

Dans les cas de maltraitance au travail, le temps peut passer très vite et le potentiel état de sidération dans lequel la victime se trouve peut jouer sur sa mémoire. Même sans preuves, tenir un journal des situations qui ont été dommageables pour vous, avec les faits, les noms des personnes impliquées et les dates permet d’avoir une vision plus claire et plus objective des problèmes que vous rencontrez.

De plus, dans le cas où vous feriez appel à des professionnels de santé et/ou du droit, avoir accès à ce journal vous permettra d’exposer de façon beaucoup plus claire la situation et d’obtenir une meilleure assistance.

Cela peut même aider dans une procédure judiciaire. Par exemple, avoir noté ses heures supplémentaires avec les dates sera recevable comme preuve, et l’employeur devra prouver qu’il ne vous les a pas demandées et qu’il a fait en sorte de vous empêcher de les réaliser.

Aller voir un·e professionnel·le de santé

Réaliser qu’on va mal et prendre des décisions appropriées pour se défendre en cas de maltraitance professionnelle peut être très difficile quand on manque de recul.

En particulier, en cas des symptômes cités précédemment, votre premier réflexe doit être d’aller consulter en expliquant votre souffrance liée au travail.

Consulter un·e professionnel·le de santé permet d’abord de faire un état des lieux de la situation à l’aide d’un regard extérieur compétent. Si votre médecin le juge approprié, vous mettre en arrêt maladie vous permettra en plus de faire le point sur l’environnement qui vous affecte et de prendre le temps d’analyser calmement la situation. Vous pouvez éventuellement utiliser ce temps pour prendre rendez-vous avec des spécialistes en fonction des problèmes de santé que vous rencontrez, faire observer votre état de santé mental et physique (ce qui a également l’avantage de créer des preuves en cas de poursuites judiciaires par la suite), et demander conseil à votre entourage.

En cas d’urgence, il existe par exemple SOS Médecins (service payant). Les mutuelles (que vous avez obligatoirement avec un contrat de travail) proposent parfois des services de télé-consultation gratuits.

C’est aussi une bonne idée de demander un rendez-vous auprès de votre médecine du travail, pour faire un bilan de votre état de santé (et de sa potentielle dégradation), d’obtenir des informations sur les éventuels aménagements que vous êtes en droit de demander, etc.

Les rendez-vous ont lieu durant les horaires de travail et impliquent donc que l’employeur soit notifié, mais il n’aura pas connaissance de la raison de la demande ou de leur contenu.

Nous vous invitons à insister auprès des médecins pour que votre condition soit déclarée comme maladie professionnelle.

Réunir des preuves

Si vous estimez que votre situation professionnelle commence à être difficile, la première étape est de réunir autant de preuves que possible sur du matériel informatique qui vous appartient. Un employeur peut vous couper l’accès à vos données professionnelles à tout moment (oui, ça arrive régulièrement) et, si vous avez le droit légalement de demander à y avoir accès, dans les faits l’employeur peut rendre ces démarches très compliquées.

C’est pourquoi il est important de télécharger vos mails dès que vous estimez que votre situation s’envenime et de prendre des captures d’écran de tout élément qui vous paraît pertinent. Assurez-vous que la date et le contexte apparaissent bien : vos preuves doivent être autant que possible à l’épreuve du mensonge et de la mauvaise foi qu’utilisera l’employeur pour se défendre.

Malheureusement, les personnes en position de domination savent très bien quand leur comportement est risqué d’un point de vue légal et ont, pour cette raison, tendance à imposer des échanges à l’oral. Ainsi, en cas de litige on se retrouve dans une situation de « parole contre parole », qui va forcément être au détriment de l’employé·e. D’où l’importance de passer par l’écrit : soit en le demandant ouvertement (au risque d’un refus), soit en établissant les faits a posteriori.

Dans ce cas, et dès que vous avez le moindre doute sur la légalité ou légitimité de ce qu’on vous a dit, vous pouvez en faire un compte-rendu écrit que vous partagez par mail aux personnes présentes lors de l’échange. Au mieux, cela permettra de faire reculer l’employeur sur sa faute en le forçant à se dédire, et au pire cela alimentera vos preuves.

5. Se défendre quand les choses vont (très) mal

Même quand une entreprise viole ostensiblement le droit et maltraite ses employés·es, on peut parfois avoir du mal à accepter de reconnaître la situation pour ce qu’elle est et de faire son deuil du projet sur lequel on travaille et/ou de l’équipe au sein de laquelle on a évolué. Le jeu vidéo reste un métier dans lequel beaucoup de gens s’investissent corps et âme, avec un fort désir de donner ce qu’iels ont de meilleur. Les patrons·es exploitent cette fierté du travail bien fait contre leurs employés·es pour justifier les traitements les plus injustes et les plus dégradants. Ce n’est pas se rendre service ou rendre service à l’industrie que d’accepter de telles conditions de travail.

Se défendre quand les choses vont (très) mal

Reconnaître les abus pour ce qu’ils sont, surtout quand on a accepté beaucoup de situations anormales par le passé, demande un effort conséquent et une importante détermination. Il est facile de se dire que si on a accepté tel ou tel petit écart par rapport au droit du travail, alors on ne peut pas se plaindre si d’autres arrivent. Mais il faut garder en tête qu’il n’est jamais trop tard pour dire stop. Vous n’avez pas à vous sentir mal ou à vous justifier de demander à ce que la loi et votre intégrité soient respectées. Le fait que vous vous soyez montré·e arrangeant·e envers votre employeur une fois ne veut pas dire que vous devez l’être systématiquement, surtout si vous commencez à sentir que ça vous impacte dans votre quotidien, dans votre vie de famille ou dans votre santé.

Ainsi, il est important de savoir nommer les choses pour ce qu’elles sont et de se convaincre que rien ne les justifie.

Si vous êtes régulièrement dénigré·e, recevez des critiques injustifiées, des humiliations (« tu es incapable », « tu sers à rien », « tu fais rien de bien » etc), si vous êtes mis·e à l’écart, si vous subissez des moqueries à caractère discriminatoire, si on vous donne des tâches dépassant vos capacités, si on ne vous en donne pas du tout, si on vous prive d’outils de travail professionnel, etc, vous êtes victime de harcèlement moral.

Si vos supérieurs et/ou collègues vous font régulièrement des remarques à connotations sexuelles, si des images explicites, érotiques ou pornographiques vous sont envoyées ou sont exposées sur votre lieu de travail, si on vous rabaisse sur la base de votre genre, si on fait des réflexions sur votre corps, votre tenue ou sur votre sexualité (réelle ou supposée) ou si on vous fait des propositions à caractère sexuel sur votre lieu de travail, vous êtes victime de harcèlement sexuel.

Si on vous refuse des aménagements en fonction de votre handicap, si on ne paye pas vos salaires ou si on vous les paye en retard, si vous êtes moins bien payé qu’un·e collègue pour le même travail et la même expérience, si vous n’avez pas les mêmes avantages que les autres, si on vous force à travailler en dehors de vos horaires ou pendant un arrêt maladie, si votre CDD est renouvelé plus de deux fois ou au-delà de 18 mois, si votre direction tente de vous forcer à accepter une rupture conventionnelle, si on vous fait travailler sans contrat, si vous travaillez en auto-entreprise pour un seul patron et qu’il vous traite comme un·e subordonné·e (salariat déguisé), etc. votre employeur ne respecte pas le code du travail et vous met potentiellement en danger.

Si vous n’arrivez plus à travailler, si vos capacités d’empathie sont au plus bas, si vous êtes constamment fatigué, si vous n’arrivez plus à vous intéresser à rien professionnellement parlant, si vous avez tendance à vous replier sur vous-même, à être irritable, si vous constatez l’apparition de troubles du sommeil ou du comportement alimentaire, si vous ressentez une anxiété constante, si vous vous sentez dévalorisé etc, vous êtes sans doute en train de faire un burnout.

Ces situations sont à prendre au sérieux. Si vous avez le moindre doute concernant une ou plusieurs d’entre elles, mieux vaut agir et demander de l’aide et des conseils (au risque de constater que c’était une fausse alerte, ce qui n’a jamais fait de mal à personne), plutôt que de continuer d’endurer jusqu’au point de rupture.

Contacter le syndicat

Chaque situation ayant ses propres spécificités, même avec le guide le plus long et le plus étoffé du monde, il n’est pas possible de couvrir tous les cas de figure et toutes les mesures : raison pour laquelle il est important de faire appel à un syndicat en cas de souffrance au travail.

Les bénévoles qui y travaillent sont formés à l’accueil des gens ayant besoin d’aide et sont en lien avec des avocats·es si une expertise professionnelle s’avère nécessaire. Iels pourront vous aiguiller sur la pertinence des actions à mener, vous écouter et vous rassurer. En particulier, le STJV n’enclenche aucune action sans l’accord de la victime, et apporte en premier lieu un accompagnement, de l’écoute et de l’information pour pouvoir agir ou non mais de manière éclairée.

Par notre expérience militante, nos expériences en tant que travailleur·ses et nos liens étroits avec des avocat·es nous connaissons très bien les problèmes rencontrés et comment y faire face.

Les témoignages / le soutien de collègues

Suivant l’abus dont vous êtes victime, il est probable que vous ne soyez pas la seule personne de l’entreprise à en faire les frais. Et même si c’est le cas, vos collègues ont peut-être au moins été témoins de ce que vous avez vécu. Quoiqu’il en soit, se tourner vers les collègues en qui vous avez confiance pour discuter de la situation, préparer des actions communes et réfléchir à comment vous défendre au mieux ne peut que vous être bénéfique.

L’appui des représentant·es du personnel

Les élu·es CSE ont le statut de salarié·e protégé·e. Ce sont donc des personnes qui peuvent aider les salarié·es en difficulté beaucoup plus facilement, en portant les sujets devant la direction de l’entreprise et en alertant l’inspection du travail. Vous pouvez aussi vous tourner vers ces personnes pour être accompagné·e dans le cadre d’une procédure de licenciement économique ou de rupture conventionnelle (et à défaut, un conseiller du salarié).

6. Reprendre le travail pendant / après un litige

Travailler pour un employeur avec qui l’on est en litige peut sembler difficile, voire impossible. Malheureusement, la durée des procédures judiciaires et les difficultés liées à la perte d’emploi forcent régulièrement à ce que ce soit le cas. Suivant votre situation, nous vous recommandons évidemment de vous protéger au maximum, travailler dans ces conditions affectant fortement la santé :

  • L’arrêt de travail reste justifié tant que votre état ne vous permet pas de reprendre le travail sereinement ;
  • Étudiez la possibilité d’un aménagement de poste de travail, voire d’un temps partiel thérapeutique ;
  • Assurez vous d’avoir un suivi médical approprié, notamment auprès de psychologues / psychiatres en cas de dépression, trouble anxieux et/ou burnout.

7. Conclusions

Pour résumer cette fiche, les choses primordiales à retenir sont :

  • Il ne faut pas attendre que la situation s’aggrave pour la régler ;
  • En parler autour de soi (collègues, CSE, STJV, famille, médecin, …) est toujours utile ;
  • On peut empêcher les dérives dans beaucoup de cas avec la bonne réaction ;
  • Le STJV vous aidera à mettre en place une stratégie de défense efficace.

État de l’industrie du jeu vidéo : le patronat toujours sans réponses, même face à l’Assemblée Nationale

Le mercredi 12 Mars dernier à l’Assemblée Nationale, la commission des affaires culturelles et de l’éducation, présidée par la députée Fatiha Keloua-Hachi, et la commission des affaires économiques, présidée par la députée Aurélie Trouvé, ont auditionné des représentant‧es du SNJV et du SELL, lobbies patronaux du secteur, et du CNC, organisme public en charge, entre autres, de l’attribution des subventions publiques du jeu vidéo. Cette audition avait pour but de comprendre la crise que le secteur ultra lucratif du jeu vidéo en France serait en train de subir, ses enjeux économiques et culturels. Cette audition peut être visionnée ici : Lien vers le site de l’Assemblée Nationale

L’industrie du jeu vidéo en France c’est un chiffre d’affaire de plus de 6,1 Milliards d’euros en 2023 (selon le SELL), une industrie en croissance constante depuis des décennies, et plus de 10 000 emplois menacés par l’inconséquence de nos dirigeant‧es. Le STJV et Solidaire Informatique ont été reçus par les présidentes de commission avant l’audition, ce qui nous a permis de discuter de ce que les travailleur‧ses du jeu vidéo vivent au quotidien, des causes structurelles et de gestion de la crise sociale en cours, de nos revendications et de la grève internationale du jeu vidéo qui a eu lieu le 13 février dernier et a mobilisé 1 travailleur‧se sur 5 dans l’industrie du jeu vidéo en France.

Les représentant‧es du patronat ont pu dérouler lors de l’audition leurs arguments mensongers, si éculés que nous avions pu les prédire presque au mot près aux député‧es. De la prétendue jeunesse de l’industrie à la concurrence qui serait « rude » (dans quel marché culturel ne l’est-elle pas ?), nous aurions pu faire un bingo des éléments de langages de ces robots VRP de l’industrie. Iels n’ont également pas manqué d’avouer leur incompétence en cherchant à se réfugier derrière une soi-disant « correction post-covid » que tout le monde était capable d’anticiper et en invoquant une « complexité » fantasmée de la production de jeux vidéos.

Conformément à leur rôle de lobbyiste, les représentant‧es patronaux ont cité le crédit d’impôts jeu vidéo (CIJV) au moins 10 fois pendant l’audition comme solution à quasiment tous les problèmes de l’industrie. Au lieu de régler les problèmes systémiques, dénoncés par les travailleur‧ses depuis des années, iels demandent toujours plus d’argent public pour arroser l’incompétence du patronat.

Malgré les importantes sommes versées, il n’existe pas de réel contrôle sur cette subvention, son utilisation et le respect de ses critères par les entreprises. Et le patronat ne veut pas qu’il y en ai : selon Anne Devouassoux, « il ne faut pas contraindre les entreprises ». On ne sait jamais, peut-être que cela améliorerait les conditions de travail, ce que les syndicats patronaux redoutent ? Il ne faudrait pas non plus, comme le CNC a pu le faire remarquer et qui est une revendication syndicale, que le jeu vidéo finance les subventions publiques du jeu vidéo… Les patron‧nes du jeu vidéo aiment prendre l’argent du cinéma, mais refusent de verser le moindre centime pour financer le CNC.

C’est bien beau de répéter en boucle devant les syndicats, les députés, les investisseurs, les juges… que les patron‧nes « ont conscience » des problèmes, de l’importance des travailleur‧ses, de l’insécurité de l’emploi et des problèmes de parité. Mais derrière tout ces discours, où sont les actions ?

Bien que ces sujets reviennent régulièrement sur le tapis en entreprise et malgré les questions, pourtant prévisibles, des député‧es, les représentant‧es du patronat :

  • n’ont apporté aucune réponse aux problèmes des écoles et aux dérives des formations privées. Il n’ont font que brasser du vent sur une fantasmée « excellence française », bien loin de la réalité vécue par les étudiant‧es et sans un mot pour celleux-ci ;
  • n’ont apporté aucune réponse concrète sur les problèmes omniprésents de sexisme et l’absence de parité dans les écoles et l’industrie ;
  • n’ont apporté aucune réponse aux revendications sur les carrières et l’emploi, ou à la mobilisation des travailleur‧ses salariés et indépendant‧es.

Devant cette incapacité à répondre au moindre problème, que cela soit auprès des représentant‧es des salarié‧es ou des député‧es, il est logique de se demander si les patron‧nes servent à quelque chose. Tout travailleur‧se du jeu vidéo peut facilement constater dans son entreprise qu’iels ne servent effectivement qu’à empocher de grosses rémunérations et à gêner les productions.

Nous regrettons l’absence de représentant‧es des travailleur‧ses à cette audition. En effet, contrairement à leurs dirigeant‧es, les travailleur‧ses fabriquent les jeux et ont donc des réponses concrètes à apporter aux problèmes de notre industrie. Nous espérons pouvoir participer directement aux discussions dans le futur, pour ne pas laisser la parole aux patron‧nes du jeu vidéo.

Le Syndicat des Travailleurs et Travailleuses du Jeu Vidéo & Solidaires Informatique

8 mars : grève féministe pour les droits des femmes et minorités de genre

8 mars 2025

Le 8 mars est la journée internationale de lutte pour les droits des femmes et minorités de genre. Elle célèbre les combats, historiques et actuels, des luttes féministes. Dans le jeu vidéo, milieu où prospèrent les violences sexistes et sexuelles, ces luttes sont nécessaires.

Partout, l’extrême droite prend du pouvoir pour imposer son projet de renforcement des dominations patriarcale, raciste et capitaliste. Partout, elle attaque nos droits : droits reproductifs, droits des femmes, droit des personnes queer, droits des personnes racisées, droit des enfants, droit des travailleur·euses, services publics d’éducation et de santé… La progression fulgurante des idées fascistes dans l’opinion et leur banalisation constante menacent directement nos vies.

Aux État-Unis, le gouvernement Trump supprime les droits des personnes transgenres et crée des camps de concentration pour les sans-papiers. En Italie, le gouvernement Meloni supprime la reconnaissance parentale des couples lesbiens. En Argentine, le gouvernement Milei supprime le sous-secrétariat à la protection contre la violence de genre. En Afghanistan, les femmes sont faites prisonnières dans des pièces sans fenêtres. Au Soudan, le viol est déployé comme arme de guerre. En Palestine, Israël perpétue un génocide contre toute la population. En Allemagne, les hommes votent en grande majorité pour un parti nazi.

L’industrie du jeu vidéo n’est pas étrangère à l’avancée constante de l’extrême-droite dans le monde. Les joueurs sont radicalisés par le biais du gamergate qui tente de se réimposer, en harcelant les joueur‧ses, streameur‧ses ou travailleur‧ses, en particulier quand elles sont des femmes trans. À côté, nos patron·nes ne disent rien contre les idées d’extrême droite, voir même les soutiennent !

Nos patron·nes et nos entreprises jouent un rôle actif dans la promotion et la banalisation des idées fascistes, dans la protection des auteurs de violences sexistes et sexuelles, dans la discrimination et l’exploitation des femmes et des personnes queer. Nous, travailleur·euses du jeu vidéo, sommes concerné·es et nous ne nous laisserons pas faire !

Les demandes des travailleur‧ses de l’industrie du jeu vidéo sont simples, et il est presque hallucinant de devoir les faire en premier lieu :

  • les directions d’entreprises doivent réellement écouter les travailleur‧ses, et donc prendre au sérieux les remontées de leurs représentant‧es et respecter les négociations ;
  • il faut mettre en place des processus concrets de récolte de données et d’informations, pour pouvoir les fournir ensuite aux représentant‧es du personnel ;
  • ce deuxième point doit s’accompagner de la mise à disposition publique des statistiques et données non-personnelles, et en particulier de la mise en place de grilles de salaires ;
  • pour empêcher la réduction au silence des travailleur‧ses, il faut créer de réels processus de remontées, alertes et enquêtes internes qui incluent les instances de représentation du personnel.

En bref et pour être clair‧es : nous exigeons des directeur‧ices d’entreprise qu’iels arrêtent de faire mine de se soucier des personnes de genres marginalisés uniquement pour s’en servir de marchepied pour l’image de leur entreprise, pour leur carrière personnelle ou pour maximiser les profits.

Comme nous l’affirmions dans un article de bilan sur notre industrie et notre rôle, la lutte contre les oppressions de genre passera par le syndicalisme. Cette affirmation est issue du constat que nos droits ne se conquièrent que par la lutte.

Les syndicats sont des espaces de lutte pour les droits des femmes et les personnes de genre marginalisé, qu’il s’agisse de créer des espaces de parole en non-mixité, d’accompagner juridiquement des victimes de violences sexistes et sexuelles dans les entreprises ou dans les lieux d’études, de contraindre les patron‧es à redonner du pouvoir aux salariées, de forcer l’égalité salariale, de stabiliser les carrières des personnes précaires, ou encore à saper l’autorité et le pouvoir des agresseurs et de celleux qui les protègent.

Face au projet ultra-libéral de l’extrême-droite et du gouvernement, nous demandons des vies dignes pour toustes, par la grève générale féministe !

En conséquence, le Syndicat des Travailleurs et Travailleuses du Jeu Vidéo appelle à la grève dans le jeu vidéo le samedi 8 mars 2025. Nous appelons travailleur·ses, chômeur·ses, retraité·es et étudiant·es du jeu vidéo à se mobiliser dans les entreprises et à rejoindre les manifestations qui auront lieu partout en France ce jour-là.

Nous rappelons que cet appel couvre le champ d’action du STJV dans le secteur privé, et concerne donc toute personne employée par une société d’édition, distribution, services et/ou création pour le jeu vidéo quel que soit son poste ou son statut et quel que soit le domaine d’activité de sa société (jeux, consoles, mobile, serious games, VR/AR, moteurs de jeu, services marketing, streaming, produits dérivés, esport, création de contenu en ligne, etc.), ainsi que tout·es les enseignant·es travaillant dans des écoles privées dans des cursus en lien avec le jeu vidéo. Puisqu’il s’agit d’un appel national à la grève, aucune démarche n’est nécessaire pour se mettre en grève : il suffit de ne pas venir travailler.

La lutte paie : accord trouvé à Don’t Nod

Sur un fond gris et noir, avec un léger cadre rouge entourant le texte, en bas à gauche trois personnages de jeux Don't Nod en postures revendicatives, et en bas à droite le logo du STJV. Titre La lutte paie ! Accord trouvé à DON'T NOD : Réduction du nombre de départs Élargissement des départs volontaires Bien meilleures conditions de départ Remboursement des jours de grève

Depuis novembre 2024, les travailleurs·ses de Don’t Nod sont en lutte pour sauvegarder leurs emplois et atténuer la catastrophe sociale qu’est le plan de licenciements mis en œuvre par la direction du studio.

Nous maintenons que ce plan n’est que la tentative désespérée par la direction de remédier à ses propres errements qui ont conduit le studio dans une situation difficile. Les travailleurs·ses vont en faire les frais et se retrouvent pris en otage par le patronat qui ne donne le choix qu’entre un PSE destructeur et un avenir encore plus morose, puisqu’il est incapable de remettre en question sa gestion de l’entreprise.

Le mouvement social a culminé par la grève reconductible de près d’une centaine de travailleurs·ses du 13 au 17 janvier. La détermination des collègues à garder la tête haute et maintenir des revendications dignes a forcé la direction à ouvrir sérieusement le dialogue et arriver à un accord que nous détaillons ci-après.

Termes de l’accord

Plan initial de la direction

Le plan initial prévoyait la suppression de 69 postes, dans certaines catégories professionnelles données.

Les personnes en poste dans les catégories professionnelles visées pouvaient profiter d’un reclassement ou d’un départ volontaire en présentant un projet professionnel « solide » (nouvel emploi, création/reprise d’entreprise, formation).

Les personnes restantes à ces postes auraient ensuite été classées par des critères d’ordre afin de déterminer qui est licencié·e, s’il restait des postes à supprimer.

Tout départ aurait été indemnisé au minimum légal, c’est-à-dire à hauteur de l’Indemnité Conventionnelle de Licenciement (ICL) définie dans la convention collective SYNTEC :

  • Concernant les ETAM :
    • pour une ancienneté jusqu’à 10 ans : ¼ de mois de salaire brut pour chaque année de présence,
    • pour une ancienneté égale ou supérieure à 10 ans : ⅓ de mois de salaire brut pour chaque année de présence,
  • Concernant les Cadres :
    • pour une ancienneté inférieure à 2 ans : ¼ de mois de salaire brut pour chaque année de présence,
    • pour une ancienneté égale ou supérieure à 2 ans : ⅓ de mois de salaire brut pour chaque année de présence.

Les départs volontaires touchaient en plus une prime de 1 500€.

Ce que nous avons obtenu

En concertation avec les collègues mobilisé·es, notre délégation syndicale STJV a bataillé et a réussi à arracher :

Un élargissement des départs volontaires

La possibilité de demander un départ volontaire est ouverte à des catégories professionnelles supplémentaires, qui ne sont pas concernées par les suppressions de postes.

Cette mesure pourrait sauver jusqu’à 23 emplois en laissant partir des personnes le souhaitant, même sans être visées, évitant ainsi autant de suppressions de poste forcées.

De plus, le nombre de suppressions de postes est porté de 69 à 49 en raison des nombreuses démissions depuis l’annonce du PSE, ainsi que des ajustements du plan par la direction après observations du CSE lors de son information.

Des conditions de départ plus dignes

Toustes les salarié·es concerné·es, y compris ETAM, bénéficieront d’une ICL calculée selon les termes appliqués aux Cadres.

Elle sera accompagnée d’une indemnité supra-légale versée par l’employeur. La prime au départ volontaire est supprimée pour augmenter le montant de l’indemnité supra-légale. Nous avions pour objectif de protéger au mieux les personnes précaires et subissant plus de difficultés à retrouver un emploi, qui sont les moins sujettes à vouloir un départ volontaire.

En conséquence, tous les départs, volontaires ou forcés, seront indemnisés par la valeur la plus élevée entre les deux formules suivantes :

  • ICL (cadre) + 13 000€
  • 2× ICL (cadre)

Remboursement de la grève

Aucun jour de grève effectué entre le 13 et le 17 janvier ne sera décompté du salaire.

La caisse de grève va finir de compenser les jours grévés en novembre et décembre, la somme éventuellement restante sera reversée à la caisse nationale du STJV comme annoncé lors de sa création.

Conclusion

Nous tenons à remercier et féliciter les collègues pour leur mobilisation historique et victorieuse. Leur soutien et leur solidarité ont été exemplaires.

Tout cela n’aurait pas été possible non plus sans le travail acharné depuis 4 mois du CSE (élu sur liste STJV) et de la section syndicale STJV Don’t Nod.

Un immense merci également à toustes nos soutiens et personnes ayant contribué à la caisse de grève.

L’action collective fonctionne, c’est notre meilleure arme.

Bien sûr, ce PSE nous laisse un goût amer, et le combat continue aussi bien pour les conditions de travail des collègues qui restent que pour le futur incertain des collègues qui vont être licencié·es.

Il n’est pas et ne sera jamais satisfaisant d’assister à des licenciements. Nous espérons cependant que cette lutte posera la première pierre sur laquelle s’appuyer, si d’aventure d’autres boîtes n’en tiraient pas la leçon.

Vive les grévistes et vive la grève !

À bon entendeur

Nous le disions de Don’t Nod, nous le disons aussi de l’industrie dans son ensemble : le cirque, c’est fini. Nos efforts de conscientisation et de problématisation des violations grossières du droit du travail dans l’industrie du jeu vidéo portent leurs fruits, et la grève du 13 février l’a bien prouvé.

Nous soutiendrons les travailleurs et travailleuses dans toutes les entreprises du secteur pour obtenir de telles victoires, et d’autres plus grandes encore.

GG25 – Linguistes solidaires

Le STJV relaie cette tribune de nos camarades qui travaillent en localisation.

Aujourd’hui, et en réponse à l’appel du Syndicat des Travailleurs et Travailleuses du Jeu Vidéo, nous, linguistes, décidons de nous joindre au mouvement national de grève.

L’industrie du jeu vidéo souffre actuellement de nombreux problèmes, et la branche localisation n’est pas en reste.

Nous demandons de meilleures conditions de travail afin de garantir des traductions respectueuses de notre déontologie tout comme du public.

De meilleurs tarifs

Il est de plus en plus difficile de vivre de la traduction. Bien souvent, pour obtenir du travail, nous devons nous plier à des tarifs dégressifs en fonction de « l’effort fourni », sans que notre clientèle ne nous présente de méthodologie justifiant ces calculs. Ce problème concerne à la fois la traduction humaine et la post-édition de traduction automatique, le tout dans un contexte où les tarifs pleins en JV – 0,08 € du nouveau mot, dans le meilleur des cas – sont dans la fourchette basse par rapport à l’ensemble de la profession :

Tarif par catégorie de clients - graphique représentant la distribution des prix au mot selon les clients Le graphique présente les tarifs suivants : GLOBAL (tout confondu) : entre 0 et 0,4 € au mot, avec une moyenne à 0,13 € au mot. Client direct (hors droits d'auteur : entre 0 et 0,5 € au mot, avec une moyenne à 0,15 € au mot. Agence de traduction : entre 0 et 0,4 € au mot, avec une moyenne à 0,11 € au mot. Collègue : entre 0 et 0,2 € au mot, avec une moyenne à 0,12 € au mot. Maisons d'édition etc : entre 0 et 0,3 € au mot, avec une moyenne à 0,10 € au mot. Traduction certifiée : entre 0,1 et 0,2 € au mot, avec une moyenne à 0,15 € au mot. Autre : entre 0,1 et 0,25 € au mot, avec une moyenne à 0,14 € au mot.

Tiré de l’étude de la SFT de 2022.

Les tarifs extrêmement bas sur certains projets ne nous incitent pas à nous engager durablement dans leur localisation,  ce qui entraîne une grande rotation des effectifs, au détriment de la cohérence et de la qualité.

Des deadlines raisonnables

Comme dans le reste de l’industrie, l’urgence devient la norme, ce qui implique aussi de rogner sur d’autres étapes, comme la relecture. Par ailleurs, la date de rendu prend rarement en compte la difficulté réelle du projet, mais plutôt une moyenne de nombre de mots par jour. Oui, la plupart d’entre nous en traduisons entre 1 500 et 3 000.  Mais comme pour toute moyenne, la marge de variation est non négligeable. Les dates de rendu doivent être négociées et non imposées afin d’éviter une précipitation qui nuira toujours à la qualité.

Du contexte

Combien de fois avons-nous constaté des traductions approximatives en jouant à un jeu, et supposé que l’équipe de localisation n’avait pas tout le contexte à disposition ? Combien de fois par projet envoyons-nous des questions à notre clientèle en réclamant des éclaircissements ? ll s’agit parfois de centaines de questions qui peuvent rester sans réponses, quand nous ne recevons pas les informations trop tard pour pouvoir les implémenter. 

Nous travaillons trop souvent à l’aveuglette, ce qui occasionne une perte de temps pour nous et pour celles et ceux qui doivent répondre à nos questions. La marge d’erreur induite par ce jeu de devinettes est tout simplement inadmissible dans un contexte professionnel.

Plus de communication

Une bonne traduction est une traduction cohérente, précise et fluide dans son ensemble. Pour y parvenir, il faut rendre possible la communication au sein des équipes de localisation, mais aussi entre les équipes de localisation et les équipes de développement.

Chaque projet nécessite une documentation complète fournie par les équipes de développement (une présentation du jeu, des mécaniques de gameplay et des personnages, mais aussi une liste des contraintes propres au projet, comme les limites de caractères, les caractères interdits, le type de variables utilisé, etc.). Cependant, même quand nous disposons de ces informations, des problèmes et des interrogations surgissent inévitablement au fil de la traduction. Nous devons donc pouvoir communiquer facilement avec les équipes afin de surmonter ces obstacles au fur et à mesure.

Ne pas faire l’impasse sur la relecture

Il s’agit d’une étape indispensable trop souvent négligée. Un regard extérieur et expert constitue le seul moyen de garantir une traduction dépourvue de coquilles, d’incohérences et autres erreurs qui apparaissent fatalement, surtout lorsque l’on travaille, seul ou à plusieurs, sur un volume important et/ou dans des délais courts – sachant que ces conditions limitent presque toujours notre vision d’ensemble du projet.

Figurer dans les crédits

Notre portfolio est notre identité professionnelle. Or, des accords de confidentialité absurdes nous empêchent trop souvent de mentionner notre participation à la localisation d’un jeu. Dans ces cas-là, nous n’avons aucun moyen de prouver que nous avons travaillé sur tel ou tel projet et donc acquis de l’expérience. De plus, il nous semble anormal de ne pas citer les linguistes, qui ont participé à la production d’un jeu au même titre qu’une équipe de test ou de marketing, par exemple.

Privilégier la traduction humaine

Rapidité, efficacité, délégation des tâches « pénibles » pour laisser plus de place à la créativité… La traduction automatique ignore par essence tout contexte et ne tient pas ses promesses. Au contraire, la relecture des traductions automatiques est déprimante, ennuyeuse, difficile et chronophage. Et cette activité divise par deux notre rémunération, sans pour autant réduire la charge de travail.

La traduction automatique est l’exact inverse de ce que la localisation est censée accomplir : elle lisse, standardise, s’avère incapable de retranscrire les particularités culturelles, littéraires ou linguistiques tout comme de transmettre la moindre émotion.

Éviter le recours à l’anglais pivot

Lors de la localisation de nombreux projets asiatiques, allemands, polonais, etc., une traduction préalable en anglais est souvent effectuée afin de réduire les coûts : en effet, les traductions à partir de l’anglais sont généralement payées à un tarif inférieur. Hélas, indépendamment du travail réalisé par nos collègues anglophones, cette pratique nuit à la qualité de la localisation. Il n’est pas rare que le texte anglais soit retraduit plusieurs fois, en modifiant complètement le sens de certaines phrases, les noms des personnages et des lieux, ce qui entraîne un grand nombre d’incohérences.

Par ailleurs, la double traduction pose des questions déontologiques : notre métier implique de faire des choix, et donc de privilégier certains éléments au détriment d’autres. Traduire le texte deux fois, c’est prendre le risque de perdre d’autant plus d’éléments et de nuances.


Nous souhaitons également profiter de cette tribune pour affirmer notre solidarité avec les salarié·es du jeu vidéo. Ensemble, nous poursuivrons la lutte afin de produire de meilleurs jeux dans un environnement plus sain et économiquement pérenne. Continuons à faire vivre cette industrie créative et humaine qui mérite mieux qu’une simple course au profit.