Discriminations dans l’industrie du jeu vidéo : problèmes systémiques, solutions collectives

Les vagues de témoignages sur le harcèlement, le sexisme, les LGBTphobies et autres formes de discrimination dans notre industrie se suivent et, même si leur ampleur grandit, elles se ressemblent. Quelques personnes élèvent la voix en risquant carrière, revenu et santé. Cela libère la parole pour de nombreuses autres personnes. Des prédateurs particulièrement nocifs deviennent la représentation publique du problème. Leurs entreprises réagissent en étouffant l’affaire et/ou en les licenciant (quand iels ne démissionnent pas) sans remettre en cause ou changer leur fonctionnement interne. On constate l’absence de conséquences pour les studios et personnes en cause, en particulier au niveau juridique.

Des oppressions multiples

À l’évidence, des mécanismes de protection des prédateurs sont en place dans le jeu vidéo comme dans d’autres secteurs, menant à l’impunité des personnes situées aux postes élevés dans la hiérarchie. À l’inverse, l’épuisement en grande quantité des personnes les plus jeunes et les plus précaires, considérées comme dispensables, contribue à leur vulnérabilité et à l’impossibilité de se défendre en cas d’agression.

La faible proportion de femmes dans les studios (14% en moyenne), la culture du crunch et du secret, ainsi que le chantage à l’emploi (« Tu as de la chance de faire ce boulot, il y a 10 personnes prêtes à te remplacer ») contribuent à réprimer les possibilités d’action des salarié·es face au sexisme. En plus d’être intrinsèquement intolérables, ces éléments accentuent la gravité des violences faites aux femmes et aux minorités. Dans une société où les rôles sont malheureusement encore genrés et où de nombreuses responsabilités de la vie quotidienne reposent encore sur les femmes, ces pratiques de l’industrie mettent une pression disproportionnée sur celles-ci, contribuant d’autant plus à les réduire au silence. Les enjeux sont souvent plus forts, et donc les risques plus grands, pour les personnes qui ne sont pas des hommes.

Une culture néfaste fondée sur des aspects structurels

Nous pensons que l’industrie française du jeu vidéo est similaire aux autres, et nous sommes sûr·es que l’organisation de celle-ci ne facilite pas l’expression des victimes de harcèlements et d’agressions sexuelles. Au STJV nous recevons régulièrement des plaintes et témoignages, par mail ou en direct, sur les conditions de travail et la vie en entreprise de manière générale, et sur le sexisme et le harcèlement sexuel en particulier. Pourtant, il est extrêmement rare que des affaires soient rendues publiques. Cette omerta est en partie causée par la concentration de la parole et du pouvoir dans les organisations patronales du jeu vidéo.

On retrouve par exemple les mêmes acteurs, des organisations patronales, derrière tous les grands événements de l’industrie du jeu vidéo en France : le SNJV avec le Gamecamp et les Pégases, Capital Games avec IndieCade Europe et Game Connection Europe, le SELL avec la Paris Games Week, etc. Ces espaces de rencontre et d’expression des personnes travaillant dans les jeux vidéo sont ainsi fortement encadrés par des organisations dont la priorité ne semble pas être de contraindre les employeurs à résoudre les problèmes de harcèlement dans les plus brefs délais.

L’importance de ces lieux de rencontres, et avec eux tous les espaces informels locaux, dans les carrières des personnes travaillant dans le jeu vidéo, en font des lieux rarement sûrs, dans lesquels les prédateurs sont libres de jouer de leur pouvoir et leurs relations.

Les soirées d’entreprise, qui ressortent régulièrement dans les témoignages, les rencontres dans des bars, ainsi que les soirées autour des conférences, ne sont pas des espaces à part où des comportements particuliers ressortent, mais une lentille grossissante d’une réalité quotidienne de l’entreprise et de l’industrie en général. Lentille d’autant plus convexe que les travailleureuses sous pression, fatigué·es par une charge de travail mal gérée, utilisent ces moments pour décompresser dans une ambiance festive propice à les rendre encore plus vulnérables.

Ces comportements correspondent d’ailleurs presque trait pour trait aux pratiques qui nous sont remontées sur le fonctionnement des écoles de jeu vidéo françaises. Comment s’attendre, dès lors, à un changement quelconque si les formations elles-mêmes enseignent aux étudiants que le crunch est normal, que les soirées sont un défouloir, et que les agissements sexistes resteront impunis ?

S’ils peuvent avoir des particularités, les studios de jeu vidéo ne sont pas des environnements à part, seuls à connaître le sexisme et autres discriminations. Le problème est le même que dans le reste de la société et il doit être combattu à tous les niveaux.

Faute d’alternative disponible, la dénonciation publique comme dernier ressort

Les témoignages récents mettent particulièrement en lumière au mieux la passivité des départements RH, au pire leur complicité dans la couverture des agresseurs. Présentés comme des interlocuteurs privilégiés, ces départements se retrouvent à agir contre les victimes. Il est pourtant absurde que de tels signalement n’aient pas donné lieu à des réactions efficaces et immédiates. Nous tenons à rappeler à ce sujet que l’employeur a l’obligation légale de résultat de protection de ses employé·es. Il doit tout mettre en œuvre pour les protéger, par exemple du harcèlement, et le faire cesser dès que celui-ci se produit.

Ces situations sont rendues d’autant plus difficiles que les procédures visant à porter plainte pour harcèlement ou agression sexuelle sont extrêmement lourdes (plaintes refusées, procédures judiciaires qui n’aboutissent que très rarement). À ce contexte s’ajoute celui de la diminution globale des moyens et financements accordés aux institutions de défense des salarié·es. C’est alors une tâche difficilement surmontable que d’obtenir gain de cause face à des entreprises qui, elles, disposent des moyens nécessaires à assurer leur défense.

Comment alors s’étonner de voir que, sans autre recours possible, des victimes se tournent vers les réseaux sociaux pour appeler publiquement à l’aide sous forme de dénonciations publiques ?

Gestion de la communication plutôt que résolution des problèmes

De manière générale, l’absence historique d’organisations de défense des salarié·es du jeu vidéo a permis aux entreprises de ne pas remplir leurs obligations, aggravant l’isolement et la précarité des victimes. Des initiatives récentes, comme le STJV, ont pour but de changer cette situation.

Les studios défendent leur image avant tout, auprès des consommateurs et financeurs mais aussi pour ne pas briser l’idée extrêmement répandue (et extrêmement fausse) de notre industrie comme étant un milieu jeune, abolissant les hiérarchies et créant un climat sain et bienveillant. Réagir et reconnaître le sexisme au travail, ce serait briser cette image idyllique, très travaillée par les lobbies patronaux depuis des années. Reconnaître qu’il y a un problème de sexisme dans son entreprise, c’est reconnaître sa propre responsabilité, et mettre à mal des personnes aux statuts les plus confortables dans le studio. Un obstacle que peu de dirigeant·es souhaitent franchir.

Si de trop rares efforts ont été consentis, la situation stagne. De plus en plus d’employé·es s’expriment et sont conscient·es des problèmes, mais tant que l’organisation ne change pas, on ne peut espérer de véritable évolution. La plupart des dirigeants ne veulent pas remettre en cause les manières de fonctionner de leurs studios pour des raisons financières et de management, et parce que cela mettrait souvent en cause leurs propres réactions et attitudes face au problème. Seuls quelques studios indépendants arrivent à sortir du lot, mais cela est dû selon nous à leur petite taille, qui fait qu’un nombre réduit de personnes concernées ou conscientes des problèmes peut suffire pour changer les choses.

Quelles solutions ?

Nous croyons, plus que jamais, que la solution à ces problèmes ne viendra pas seulement de réactions de la hiérarchie. Puisque les changements nécessaires vont à l’encontre des intérêts économiques et des structures de subordination des entreprises, on ne peut les laisser décider seules des solutions à apporter.

Le recours à des sociétés privées externes, dont les missions et les objectifs sont fixés par l’employeur et dont les conclusions ne sont pas contraignantes, ne saurait être considéré comme une porte de sortie favorable. Les solutions doivent venir des travailleureuses et être supervisées par des structures indépendantes, notamment les syndicats qui, par leur nature, sont bien placés pour permettre aux personnes concernées de s’organiser et de décider sans pression de leur hiérarchie.

Les témoignages sont explicites : les liens de subordination constituent un frein majeur à toute possibilité de faire état de situation de harcèlement physique ou moral au sein des studios. Ce constat renforce notre détermination à poursuivre la constitution de sections syndicales fortes, véritables contre-pouvoirs qui permettent de pousser les directions à agir. Les sections donnent lieu à des échanges qui ne sont pas soumis aux liens de subordination, et qui permettent de faire émerger plus facilement les problèmes concrets qui se posent aux travailleurs et aux travailleuses et de trouver des réponses efficaces aux côtés des élus du CSE.

Nous invitons les directions de studios à regarder les choses en face : jusqu’à présent, les trop rares mesures prises n’ont pas porté leurs fruits. Si elles aspirent réellement à changer les mentalités, il convient tout d’abord de ne pas « gérer » ces révélations comme des crises de communication mais plutôt de réfléchir, en concertation avec l’ensemble des travailleuses et travailleurs, aux méthodologies de traitements des témoignages, ainsi qu’au moyen de prévenir de tels faits. Sans la remise en cause des liens de subordination dans les échanges entre travailleureuses, sans la participation des salarié·es aux processus de réflexion, les directions ne pourront regagner leur confiance.

L’unité des travailleurs et des travailleuses est indispensable pour parvenir à obtenir une résolution de ces problèmes. Les mécaniques de domination présentes dans les entreprises sont intimement liées à l’organisation du travail. Nous organiser et nous mobiliser est donc essentiel pour disposer des moyens matériels de nous protéger durablement contre les effets structurels qui nous sont néfastes.

Le STJV met ses ressources à disposition des travailleuses et travailleurs qui en feront la demande, syndiqué·es ou non, pour bénéficier d’écoute et de conseil. Si la situation l’exige, nos moyens sont également mis en œuvre pour encadrer et appuyer les actions juridiques.

Déconfinement : les retours forcés au bureau sont irresponsables

Collègues, camarades,

Avec les dernières annonces du gouvernement s’ouvre une période d’incertitudes pour beaucoup d’entre nous. En l’absence de prise de position forte, le cadre légal n’impose désormais plus beaucoup de contraintes. Cela appelle forcément à la réflexion et il serait imprudent de s’engouffrer dans la brèche ainsi créée sans prendre les précautions nécessaires.

Le STJV a été mis au courant de plusieurs situations où des employeurs ont décidé unilatéralement de faire revenir les travailleur·ses dans les bureaux, certains depuis plusieurs semaines, d’autres retours étant prévus à partir de la semaine prochaine, sans respecter le consentement des employé·es. Ailleurs, le retour n’a pas été forcé mais des pressions sont mises sur les salarié·es pour les pousser à revenir travailler dans les locaux. Cela nous semble non seulement dangereux, mais aussi irresponsable. Ainsi que nous le disions déjà au début de la crise, il s’agit non seulement de la protection des individus mais aussi d’une responsabilité collective qu’il ne faudrait pas prendre à la légère. Plus que jamais, les entreprises ne devraient pas se contenter du minimum légal.

En effet, bien que le virus semble moins présent, le risque existe toujours. Il est d’autant plus grand que chacun d’entre nous est mobile et s’expose à des contacts, comme le montraient ces simulations du Washington Post à la mi-mars. Et, bien que l’état des connaissances scientifiques ne permette toujours pas d’avoir des certitudes absolues, il semble clair que certains facteurs contribuent de manière prépondérante aux risques encourus, non seulement par les travailleur·ses, mais aussi par nos entourages et les personnes que nous pouvons croiser dans nos quotidiens : la proximité entre les personnes, les volumes restreints (menant à une contamination par aérosols), et une durée de « contact » étendue. Ce ne sont pas uniquement les travailleur·ses exposé·es inutilement qui sont mis·es en danger, mais la société dans son ensemble.

Pour la majeure partie d’entre nous, nous utilisons les transports en commun pour rejoindre nos lieux de travail : ceux-ci présentent au moins deux des facteurs de risque suscités (proximité et volume réduit). Quant aux lieux de travail, même s’ils sont spacieux (et ce « luxe » est déjà loin d’être la norme !), la durée de présence des travailleur·ses sur place augmente fortement les risques de contamination, et ce d’autant plus avec les climatisations qui brassent l’air et donc augmentent l’effet de la promiscuité au travail, ainsi que le confirment des infectiologues.

Mais parlons justement de nos conditions de travail. La question centrale de ce retour « à la normale » que certain·es semblent appeler de leurs vœux est économique. Nous voyons les mots « efficacité », « rendement », « productivité » être employés, mais évidemment sans qu’aucun élément concret ne soit avancé pour les justifier. Disons les choses clairement : s’il s’agit d’un calcul financier, qu’il soit au moins assumé et présenté honnêtement, plutôt que de se cacher derrière la seule excuse éculée (et fausse) du « suivi de recommandations gouvernementales ». Les entreprises sont capables d’agir de manière autonome et nous le montrent bien toutes les fois où elles choisissent d’enfreindre le code du travail et les conventions collectives dont elles dépendent : elles peuvent donc bien prendre leur responsabilité sans que le gouvernement ne les tienne en laisse.

Il n’est pas du tout garanti que ce retour forcé (ou « fortement incité ») soit justifié économiquement et, quand bien même il le serait, il ne serait pour autant ni justifié humainement, ni responsable pour la société et la santé publique. Nos métiers sont plutôt faciles à exercer en télétravail, et la majorité des retours que nous avons obtenus nous laissent penser que si la mise en place a pu être délicate (ce qui s’entend), aujourd’hui les infrastructures nécessaires sont là.

Si ces décisions ne sont pas motivées par des raisons financières pourquoi donc ce manque de responsabilité ? Pourquoi cet empressement à vouloir faire revenir des travailleur·ses dans des bureaux où il ne serait pas étrange de se sentir mal à l’aise, ce qui pourrait même réduire « l’efficacité » des équipes ? Si la seule raison est une volonté de contrôle, de réaffirmer le pouvoir hiérarchique de nos patrons, n’est-il pas temps de grandir et de faire confiance aux travailleur·ses qui, dans leur immense majorité, ont produit tous les efforts nécessaires pour faire avancer les productions, même dans des conditions difficiles ?

Nous demandons aux employeur·ses de prendre leurs responsabilités envers la société qui vont avec le pouvoir qu’ils et elles ont et n’agissent pas en méprisant la santé et il ne devrait pas être nécessaire de le rappeler : de la vie, de leurs employé·es, de leurs proches et plus généralement de toute la société. Nous demandons à ce qu’aucun retour en entreprise ne soit forcé et que les travailleur·ses puissent choisir leurs modalités de travail en fonction de leurs conditions personnelles.

Le STJV encourage tou·tes nos camarades et collègues à la prudence, non seulement pour leur santé, mais aussi pour celle de tou·tes nos semblables. Nous vous encourageons à vous rapprocher de vos représentant·es du personnel et à demander à vos supérieur·es hiérarchiques de ne pas appliquer ces retours en entreprise. Nous sommes joignables dans la limite de nos moyens pour tout renseignement et conseil.


@stjv_fr

Naughty Dog, les « leaks », et ce que tout cela dit de notre industrie

Comme tout le monde le sait désormais, une personne a récemment fait fuiter les cinématiques du très attendu The Last of Us part II. Il ne nous semble pas vital d’épiloguer sur les réactions à ce sujet, d’autres le font déjà très bien (voire trop). Néanmoins, c’est aussi l’occasion de s’élever un peu de cette seule situation et de parler de ce qui se joue vraiment ici : l’obsession de l’industrie du jeu vidéo pour le secret et l’investissement émotionnel des développeur·ses dans leur travail.

Commençons par le commencement : il ne s’agit pas de dédouaner la personne en question. Une bonne partie de la discussion autour de cet événement s’est reposée sur la question de savoir s’il s’agissait d’un acte de revanche envers le studio Naughty Dog (qui, rappelons-le quand même, est une entreprise bien connue pour infliger des périodes de crunch assez brutales à ses employé·es), et cela mène à des réactions assez ambivalentes, comme celles-ci : https://twitter.com/jasonschreier/status/1254832952057434113

À nouveau, le but ici n’est pas d’excuser une action dont nous ne connaissons pas tous les tenants et aboutissants, mais de se rappeler que les travailleur·ses peuvent « craquer » comme tout le monde, et que faire la « police de la bienséance » quand on n’est pas directement impliqué est d’assez mauvais goût.

Mais du coup, pourquoi tout ce bruit et cette fureur autour de l’événement ? Bien sûr, les spoilers (divulgâchis pour les plus tatillon·nes d’entre nous) peuvent gêner certain·es, mais cette « culture » du spoiler est aussi et avant tout un outil marketing (sur-)utilisé par les industries du divertissement (l’exemple le plus marquant de ces dernières années étant ce trailer entièrement basé dessus, mais on peut également penser à toutes les discussions autour de séries à succès… Ou encore à la vague de spoilers à la sortie de Star Wars 7).

Et soyons réalistes : les spoilers existent, ont toujours existé, et existeront toujours, à moins de nous connecter à la Matrice pour assurer une sortie simultanée en prise directe. Des « cutscenes movies » des jeux sont sur YouTube dès la sortie (souvent, donc, en avance de la sortie si elle n’est pas coordonnée dans le monde), voire avant le plus souvent (quand des vendeurs se trompent de date ou par d’autres biais, par exemple). Et ce sans aborder encore le sujet des fuites organisées sciemment, pour rester hors du domaine de la spéculation.

Pourquoi, donc, faire tout ce foin autour des spoilers ? Et pourquoi, plus largement, notre industrie a-t-elle une telle obsession pour le secret ? On peut bien sûr se dire qu’il s’agit d’une tactique pour s’assurer que des informations négatives ne sortent pas avant que les ventes soient réalisées, comme en témoigne le changement d’attitude des gros studios et éditeurs envers les journalistes (raréfaction des previews, publication des tests interdits avant la sortie du jeu dans certains cas). Mais avec l’étalement toujours plus prononcé des rentrées d’argent dans le temps, cet argument déjà bancal est-il encore valable ?

Bien sûr, les informations disponibles publiquement modifient la première impression des joueur·ses , et peuvent aller à l’encontre de l’intention des créateur·ices, raison principale avancée par les travailleur·ses du jeu vidéo pour contrôler ces informations. Mais ce contrôle de l’information est aussi un moyen pour les entreprises de contrôler plus fortement les travailleur·ses du domaine.

En effet, derrière l’excuse très vue, et bien pratique, du « pensez à vos collègues », il y a l’injonction de ne pas parler des projets sur lesquels nous travaillons. Ce silence forcé nous impose d’attendre la bonne volonté de nos employeurs , de nos patrons, de nos éditeurs, des équipes marketing pour parler en notre nom, à notre place, des jeux que NOUS développons, sous menace de sanctions, licenciements, poursuites judiciaires ou autres. C’est une forme majeure de contrôle sur les travailleur·ses du milieu, qui se retrouvent ainsi privé·es de toute influence sur la perception de leur travail (du « produit »), ou contraint·es de s’exposer à des risques indus. Il ne s’agit pas forcément ici de remettre en cause l’idée de contrôler l’information mais bien de questionner QUI contrôle cette information, et de se demander pourquoi ce contrôle est si étendu et omniprésent. Il est absurde et odieux de ne même pas avoir le droit de parler de notre travail à nos proches et à nos collègues. Nous ne sommes pas des agents secrets !

De même, les appels à respecter la « passion » des développeur·ses, même s’ils sont le plus souvent bien intentionnés, semblent ignorer que cette même passion (indiscutable) est très (trop) souvent une source d’aliénation, en ce qu’elle est utilisée pour justifier des conditions de travail dégradées et des salaires faibles. Personne ne souhaite que disparaisse cette passion, mais il faut être lucide et y reconnaître un instrument utilisé par les structures dirigeantes de l’industrie. À ce titre il faut savoir, en tant que travailleur·ses, s’en détacher pour nous protéger, et retrouver la notion qu’un spoiler, si gênant puisse-t-il être, reste un désagrément mineur par rapport à la qualité du produit final ou le sens qu’il peut apporter au public.

Que les travailleur·ses d’un studio soient affecté·es par ce genre d’événement ne nous étonne pas. Dans les jeux que nous fabriquons, que nous reste-t-il à part l’attachement émotionnel puisque que nous n’en retirons ni la gloire – l’industrie ne mettant en avant que des « auteurs », des dirigeants et des directeurs créatifs – ni l’argent ?

Nous comprenons la douleur associée à une perte de contrôle sur cette seule chose qui nous reste : la fierté d’avoir produit quelque chose que des gens vont apprécier. Mais cela doit surtout nous montrer que le gros du problème est que cette passion est exploitée par nos entreprises. Elle permet en effet d’effacer les rapports de production et hiérarchiques qui existent dans des organisations capitalistes et de maintenir le mythe que dans de telles organisations les jeux peuvent être des œuvres collectives à part égales.

Certes, la passion nous aide à lutter contre l’aliénation de notre travail mais, si on est investi·e émotionnellement dans ce qu’on fait, il est alors normal qu’on soit aussi investi·es démocratiquement dans les prises de décisions qui y sont liées et, surtout, qu’on puisse en tirer un bénéfice concret. Nous n’acceptons pas le statu quo actuel où, pour un peu de passion, nous sommes sommé·es d’encaisser en silence.

Pour en revenir au cas Naughty Dog : bien sûr, une personne isolée qui « spoile » tout un jeu n’aura en fin de compte que peu d’impact sur le studio ou ses dirigeants, et l’intérêt d’une telle action est douteux au mieux. Mais s’il n’y avait pas cette culture – ou même cette mystique – du secret absolu, l’acte de faire fuiter ces cinématiques aurait présenté nettement moins d’attrait. Après tout, le Conseil d’État du XVIIIe siècle n’avait-il pas participé à l’enthousiasme autour de l’Encyclopédie en interdisant sa publication ?

Alors, avant d’aller condamner un acte finalement assez bénin d’une personne qui n’était semble-t-il pas employée par le studio, demandons-nous pourquoi iel lui serait apparu que ledit acte pourrait « faire du mal » à l’entreprise.

À toutes celles et ceux qui se sentent poussé·es contre le mur, sans issue : nous existons pour cette raison. Contactez-nous ou d’autres organisations syndicales, selon où vous travaillez en France ou dans le monde. Organisons-nous de manière collective pour nous défendre, éviter le désespoir individuel et changer l’industrie !

Réponse des travailleureuses de DONTNOD Entertainment au communiqué du studio sur l’épidémie de COVID-19

Le 19 mars 2020, le studio Dontnod a publié un communiqué dans lequel il se félicite de sa gestion de la crise du COVID-19. De nombreux·se·s salarié·e·s ont remonté un certain malaise à la lecture de ce communiqué, car il ne correspond pas aux faits tels qu’iels les ont vécus.

Les salarié·e·s aimeraient apporter quelques précisions :

  • Les représentant·e·s du personnel du CSE ont contacté la direction le 3 mars, demandant la mise en place de solutions pour le télétravail, au vu du développement rapide de l’épidémie.
  • À l’initiative du CSE, deux réunions successives ont ensuite eu lieu les 6 et 9 mars au cours desquelles cette demande a été par deux fois refusée.
    • Quand le CSE a demandé l’ouverture du télétravail à tous, la direction a répondu que cela était « impossible pour une partie des employé·e·s » (équipes QA et IT notamment).
    • Quand le CSE a demandé d’enclencher a minima l’ouverture du télétravail à celleux qui le pouvaient, la direction a répondu qu’il s’agirait d’une « injustice » envers celleux qui n’y avaient pas accès. Le CSE a tenté d’expliquer que dans le cadre d’une épidémie, cela permettrait de réduire les contacts entre salarié·e·s dans l’intérêt de tous·tes, mais la direction a refusé de le voir ainsi.
    • La direction a également évoqué plusieurs fois une baisse de la productivité qu’elle n’était pas prête à assumer, sans toutefois fournir de documents permettant d’étayer cette affirmation. Il est important de noter que la plupart des directeurs métier, interrogés sur la question, ont également émis des doutes sur la capacité des équipes à rester productives en télétravail.
    • La direction a également avancé qu’elle n’avait aucune obligation légale d’accepter l’ouverture du télétravail car aucune disposition réglementaire n’allait pour le moment dans ce sens-là.
  • Le 13 mars, suite à la première allocution télévisée d’Emmanuel Macron, la direction de Dontnod a finalement encouragé le télétravail dans un mail adressé aux salarié·e·s.
  • Le 16 mars, suite à la seconde allocution télévisée, Dontnod a rendu le télétravail obligatoire pour tous·tes les salarié·e·s, en faisant une exception pour les pôles QA et administration système, chargés d’assurer la transition.
    • Ce sont ces mêmes équipes que la direction prétendait défendre en n’autorisant pas le télétravail à grande échelle, qui se sont vues obligées, par conscience professionnelle, de se rendre sur leur lieu de travail pendant plusieurs jours encore afin d’assurer la continuité du service et la mise en place du télétravail pour le reste des salarié·e·s.
    • Il nous paraît important de souligner que ces équipes se trouvent généralement tout en bas de la grille salariale des professions du jeu vidéo et sont également les moins reconnues dans la chaîne de production des jeux. Pourtant, ce sont celles qui ont été, in fine, les plus exposées et qui ont permis d’assurer le passage en télétravail du reste des équipes.
  • Avant le 13 mars, les mesures prises par la direction se résumaient à celles rendues obligatoires par le gouvernement (mise à disposition de gel hydroalcoolique par étage, e-mail sur les gestes barrière, quarantaine pour les salarié·e·s revenant de zones à risque), ainsi que l’annulation ou le report des tournages de motion-capture à l’étranger

Tout cela vient largement nuancer le communiqué qui affirme que la protection des salarié·e·s a été organisée à partir de janvier.

De plus, il apparaît évident aujourd’hui que le télétravail n’était pas « impossible pour une partie des employés » mais plutôt que la direction ne souhaitait pas mobiliser les ressources nécessaires à cet aménagement pourtant essentiel à la protection des équipes.

Plusieurs de nos collègues présentent des symptômes d’infection au COVID-19. En prenant en compte la période d’incubation, il est vraisemblable que celleux ayant été effectivement contaminé·e·s l’ont été avant la mise en place du confinement et du télétravail.

La direction de Dontnod a tout d’abord réagi en prévenant exclusivement les personnes travaillant dans le même open-space que les personnes potentiellement contaminées, sachant que nous avons une cafétéria en commun, des ascenseurs et que nos réunions rassemblent des personnes d’étages différents. Finalement, la direction a envoyé un e-mail le 24 mars informant les salariés que « certaines personnes présentent des symptômes du COVID-19 » et qu’elles auraient pu l’attraper « au travail ou ailleurs ».

Pour toutes ces raisons nous accueillons avec le plus grand scepticisme la communication de Dontnod affirmant que la première priorité de l’entreprise est la santé de ses salarié·e·s. Nous comprenons parfaitement les difficultés qui peuvent se présenter dans la gestion d’une crise d’une telle ampleur, cependant cela ne signifie pas que nous devons accepter de telles distorsions de la vérité.

Alors que nos représentant·e·s du personnel se préoccupaient de notre santé, la direction de Dontnod refusait à plusieurs reprises la mise en place des mesures de prévention, notamment au nom de la productivité.

Nous affirmons par ailleurs tout notre soutien et notre solidarité avec tous les travailleurs et travailleuses, obligé·e·s de se rendre au travail ou mis en danger par des patrons considérant que le profit est plus important que leur santé et celle de leurs entourages. Nous nous mobiliserons physiquement dès la sortie de crise pour défendre nos droits, les dispositions de notre Code du Travail et notre service public.

Addendum :

Suite à la parution du communiqué, des collègues nous ont fait part de leur réserves sur plusieurs points, nous tenions donc à ajouter quelques précisions :

  • Il a été omis dans le communiqué initial de préciser que les chefs d’équipes de la Q.A. ont insisté sur le côté facultatif de la présence de leurs équipes et sur leur droit à rester chez eux : dans les faits, aucun Q.A. n’est allé travailler dans les locaux depuis le début du confinement.
  • Nous rappelons également que ce communiqué a été publié tardivement : deux semaines après la communication de l’équipe marketing de Dontnod auquel il répondait. Entre la parution du communiqué de Dontnod et celui des salariés nous avons noté, avec soulagement, que la direction a respecté son obligation de protection des salariés et a mis en œuvre les moyens nécessaires pour que les équipes puissent télétravailler dans de bonnes conditions.

Nous restons solidaires et disponibles pour nos collègues — syndiqués ou non — qui auraient des remarques, des questions ou des soucis : vous pouvez nous contacter à .

Récolte d’information : réaction des entreprises, écoles, laboratoires et formations face au COVID-19

Le STJV souhaite documenter la réaction des entreprises, écoles, laboratoires et formations du jeu vidéo face à l’épidémie de COVID-19, pour connaître au mieux la situation dans notre industrie, pouvoir aider les travailleureuses et étudiant·e·s là où cela est nécessaire et pouvoir faire un rapport sur ces réactions. Nous voulons savoir qui a fait quoi, comment, quelles sont les bonnes et mauvaises pratiques, si les entreprises et écoles ont réagi à temps ou non, etc. Cela concerne aussi les étudiant·e·s en stage.

Nous avons constaté de première main que la communication, publique mais aussi interne, de certains studios et écoles est mensongère, laissant par exemple entendre que le confinement avait été anticipé alors que cela n’a pas été le cas, et volontairement obscure, ne communiquant pas à l’ensemble des personnes concernées les cas confirmés ou suspects et ne leur permettant ainsi pas de prendre les précautions nécessaires pour elleux et pour leurs proches. Nous ne pouvons donc pas faire confiance aux organisations elle-mêmes pour savoir ce qu’il en est, c’est pourquoi nous avons décidé d’aller chercher l’information à la source.

Vous pouvez nous écrire librement à . Pour vous aider voici une série de questions sur ce que nous cherchons à savoir :

Quels dispositifs ont été mis en place ?
Télétravail bien sûr mais aussi chômage technique, cours en ligne, quarantaine, décalage des dates d’examen, aide à la garde d’enfant, arrêt des serrages de main, bises et autres contacts physiques au travail, toute disposition ayant visé à lutter contre l’exposition au virus.

Quand est-ce que ces dispositions ont été mises en place ?
De manière aussi détaillée que possible, nous aimerions savoir à quelles dates les organisations ont réagi.

Avez-vous eu connaissance de problèmes lors de ces mises en place ou du non-respect des lois et conventions régissant le travail et les études ? Si oui, lesquelles ?
Par exemple : votre employeur a-t-il fourni le matériel que vous utilisez en télétravail ? vous a-t-il forcé à venir travailler après le 16 Mars ? A-t-il refusé des mesures de protection alors que votre activité est à risque ? Avez-vous été forcé à poser des congés ?

Quelle est la communication de votre entreprise ou école autour de l’épidémie ? A-t-elle été faite en amont ou au dernier moment ?
Si vous êtes concerné·e, avez-vous été mis·e au courant des dispositions légales sur votre changement de mode de travail ? Savez-vous si vos examens seront maintenus ? Avez-vous eu connaissance des gestes à faire pour se protéger avant le confinement ? Recevez-vous des informations régulières sur les personnes infectées ou présentant des symptômes ? Etc.

Nous récoltons toute information qu’elle soit positive ou négative, il s’agit pour nous de dresser un portrait le plus exhaustif possible. Nous vous demandons de bien vouloir partager cet appel autant que possible aux personnes de l’industrie que vous connaissez.

Organisation face à la pandémie du coronavirus

Collègues, camarades,

Comme vous le savez peut être nos collègues du studio Ubisoft Paris Mobile ont été placés en quarantaine vendredi, après qu’un cas de COVID-19 a été dépisté sur place.

Nous souhaitons un prompt rétablissement à notre collègue et bon courage à celles et ceux qui vont se retrouver isolé·e·s pendant quelques temps.

Nous saluons malgré tout les efforts significatifs mis en place depuis plusieurs jours par la direction de ce studio pour organiser le télétravail sans attendre d’être au pied du mur.

A toutes et tous, nos collègues et camarades de tous les studios de France, il est important de ne pas céder à la psychose et d’agir intelligemment et collectivement. Nous attirons votre attention sur l’importance de demeurer en contact avec vos CSE respectifs qui sont les mieux à même à traiter avec vos directions pour mettre en place des possibilités de travailler depuis chez vous.

Si vous faites partie des personnes en travail indépendant, nous savons également que vous pouvez vous retrouver en face de difficultés spécifiques à votre situation. Si nécessaire contactez-nous. Nous invitons également les étudiant·e·s et personnel·le·s à transmettre leurs difficultés dans les formations.

Pour celles et ceux qui sont parents d’enfants de moins de 16 ans, veuillez noter que l’un des deux parents peut bénéficier sur demande de l’employeur d’un arrêt de travail de 20 jours sans délai de carence afin de s’occuper des enfants.

Le STJV reste à votre disposition si vous avez besoin d’aide ou de conseil, qu’il s’agisse de vos conditions de travail pendant cette période ou d’une conséquence indirecte sur votre quotidien.

Un mot également à l’attention de nos employeurs et de nos employeuses.

Nous faisons face à un enjeu important de santé publique. Au-delà de l’obligation de protection des personnes travaillant dans votre entreprise qui est la vôtre, nous attirons votre attention sur l’enjeu stratégique qui se pose à toute la société française. Outre nos conditions de santé individuelles, nous devons veiller à tout mettre en œuvre dans le but d’éviter que nos ainé·e·s ainsi que les personnes les plus fragiles soient exposées. Et plus important encore, nous devons gagner du temps qui permettra aux services publics de santé de pouvoir prendre en charge les patients qui en auront le plus besoin sans être saturés par une propagation trop rapide de l’épidémie. Nous connaissons les difficultés quotidiennes qui sont celles du corps médical en manque de moyens, en responsabilité, il ne faudrait pas leur rendre la tâche plus difficile qu’elle ne l’est déjà.

Ceci implique pour notre industrie de prendre toutes les mesures permettant à tous les travailleurs et toutes les travailleuses de ne pas avoir à se déplacer, en particulier via les transports en commun.

Nous avons conscience des défis logistiques que ces mesures imposent, tout comme nous avons conscience que c’est un acte civique indispensable dans l’intérêt des travailleurs et des travailleuses du jeu vidéo mais aussi de l’ensemble de nos concitoyens.

Parmi les studios que vous dirigez, certains ont d’ores et déjà pris ces questions au sérieux en mettant en œuvre les moyens nécessaires. Nous invitons les autres à s’employer sans délai à suivre cet exemple. Vous vous inquiétez probablement de l’état de votre production, mais celle-ci s’arrêtera brutalement si vos employés sont malades ou si des mesures de confinement doivent les concerner, nous attirons donc votre attention sur ce simple fait qui expose la convergence des intérêts de la production et ceux de la santé de la population.

Le STJV encourage vivement à prendre toutes les mesures matérielles permettant d’éviter les déplacements quotidiens des travailleurs et des travailleuses et de faire en sorte que l’industrie du jeu vidéo tombe pendant un temps les masques des artifices publicitaires et se montre sous un jour citoyen et solidaire. Nous sommes joignables dans la limite de nos moyens pour tout renseignement et conseil.


@stjv_fr

Dimanche 8 Mars : Toutes et tous dans la rue !

Ce Dimanche sera le 8 Mars, journée internationale de lutte pour les droits des femmes. Née de la lutte socialiste féministe du début du XXe siècle, cette journée a toujours eu pour but de réclamer pour les femmes des droits égaux à ceux des hommes, et la fin des discriminations genrées au travail et dans la société de manière générale. La date du 8 Mars a été choisie définitivement suite à la grève des femmes du 8 Mars 1917 en Russie, qui a déclenché la révolution russe (rien que ça). Ces dernières années, le 8 mars est redevenu une journée de grèves massives partout dans le monde.

Le 8 mars 2020 arrive dans un contexte politique tendu. En France avec l’imposition violente de lois grâce au 49.3, violences policières, médiatisation de « féministes » transphobes, montée des prises de paroles autour des féminicides, etc. et à l’international avec notamment des arrêtés homophobes en Pologne, la complication de l’accès à l’avortement aux États-Unis, etc.

Dans le monde du travail aussi, alors que certaines égalités sont théoriquement acquises et inscrites dans la loi, on constate que celle-ci sont très limitées, non appliquées ou simplement inexistantes en pratique. Nous devons constamment nous rappeller que nos droits ne sont jamais acquis, et qu’il est plus que jamais important de se battre pour eux.

L’égalité entre toutes et tous concerne tout le monde. Que l’on soit concerné.e.s directement par les discriminations ou non, celles-ci ont un impact sur nos vies et lutter contre doit faire partie de notre projet de société commun. Il est important de rappeler que dans le contexte du projet de réforme des retraites contre lequel le STJV lutte, les femmes seraient particulièrement perdantes, cette réforme exacerbant les inégalités économiques de genre et remettant en cause leur autonomie financière.

L’industrie du jeu vidéo n’échappe pas aux violences et discriminations sexistes. Majoritairement masculine (plus de 80 % d’hommes), elle combine capitalisme, l’exploitation des travailleureuses par les personnes possédant les moyens de production, et patriarcat, la domination des hommes sur les personnes d’autres genres. Cette combinaison amène à des situations dans lesquelles les personnes marginalisées subissent des violences sexistes, homophobes, transphobes, etc. et ne disent rien car leur auteur a un pouvoir sur elleux au travail, pouvoir sur leurs situations économiques et leurs carrières.

Cela a été révélé (une fois de plus…) au grand jour récemment, avec les témoignages publics de personnes ayant été victimes, dès leur début de carrière, de prédateurs sexuels qui utilisaient leur statut, leur influence et leurs postes dans l’industrie pour abuser d’elleux. Il est également connu que des prédateurs et harceleurs dans des studios français ne sont pas sanctionnés, principalement du fait de leur rang hiérarchique. Bien souvent, ce sont même les victimes qui subissent les foudres de leur entreprise, en étant poussées à la démission, « mises au placard », suspendues, etc.

Faits notables et très parlants : le pourcentage de femmes dans l’industrie est plus faible que le nombre de femmes faisant des études liées au jeu vidéo, et les carrières des femmes dans cette industrie sont en moyenne bien plus courtes que celles des hommes. Les femmes et autres minorités de genre subissent de la discrimination à l’embauche et dans les promotions, sont confronté·e·s au harcèlement dès leurs premiers stages et souvent même dans leurs écoles. Les inégalités salariales sont aussi très réelles : dans les studios où le STJV a pu compiler des données sur les salaires, les hommes étaient systématiquement mieux payés en moyenne que les autres travailleureuses.

Enfin, il ne faut pas oublier que, dans une société genrée comme la nôtre, le travail en entreprise repose sur le travail domestique. Dans le jeu vidéo, les pratiques comme le crunch et l’inadéquation de l’industrie avec la vie familiale, combinées à la division patriarcale du travail et au nombre majoritaire d’hommes dans l’industrie, font reposer la production vidéoludique sur le travail des femmes. En effet tout le temps accaparé par le travail en période de crunch est volé à la vie familiale, ce qui entraîne une surcharge de travail domestique pour les femmes à qui il incombe déjà en très grande majorité.

Pour toutes ces raisons, la lutte féministe est aussi une lutte syndicale ! En tant qu’organisation créée pour défendre les travailleureuses dans leurs rapports avec les entreprises qui les emploient et améliorer leurs conditions matérielles d’existence, les syndicats sont très bien placés pour se battre pour l’égalité salariale et contre les discriminations, le harcèlement, et les conditions de travail délétères qui accablent les minorités de genre.

Les syndicats sont uniques dans leurs pouvoirs, car ils peuvent communiquer directement dans les entreprises, représenter les travailleureuses en cas de conflit avec leur employeur (aussi bien au tribunal que dans un entretien disciplinaire), négocier avec les directions d’entreprises, etc. En bref, en renversant le rapport de force dans le travail, les syndicats sont un outil puissant pour mener la lutte féministe et s’assurer que pas une seule personne ne reste isolée.

C’est pour toutes ces raisons que nous appelons ce Dimanche 8 mars à aller manifester, et que nous appelons pour toute la semaine du 9 mars les femmes et minorités de genre à faire une grève du travail reproductif (tâches ménagères, garde des enfants, travail émotionnel, …), et les hommes à l’effectuer dans son intégralité durant cette semaine.

Lutte contre le projet de réforme des retraites : on fait le bilan (provisoire)

Le 5 Décembre dernier, le Syndicat des Travailleurs et Travailleuses du Jeu Vidéo publiait, dans le cadre de la lutte contre le projet de réforme du système de retraite, le premier appel à la grève national de son histoire. Le 1er Janvier, nous avons publié un deuxième appel qui a été reconduit jusqu’au 23 Février, soit pendant 54 jours.

C’est, à notre connaissance, la première fois que l’industrie du jeu vidéo se mobilise de telle manière dans un combat politique national. Et cette mobilisation est bien supérieure à nos espérances. Nous avons pu recenser plusieurs centaines de jours de grèves ; jours qui ont permis aux travailleur·se·s de l’industrie de s’organiser, de se renseigner, de se reposer, de se rencontrer et de tisser de nouveaux liens ; jours repris aux entreprises qui nous exploitent, qui profitent de nos passions.

Le STJV s’est aussi montré présent dans les manifestations avec des cortèges officiels dans toutes les grandes manifestations depuis le début du mouvement, dans 6 villes en France, et rassemblant à plusieurs reprises plus de cent personnes. Ces manifestations ont été l’occasion de rencontrer et discuter avec des syndicats d’autres secteurs, des organisations de chômeur·se·s, d’étudiant·e·s, féministes, etc. et de nous faire de nouveaux·elles allié·e·s.

La mobilisation des syndicats et de toutes les organisations de gauches nous a permis, tou·te·s ensemble, de gagner la bataille de l’opinion. La majorité des françai·se·s souhaite en effet le retrait du projet de réforme, tandis qu’une encore plus grande majorité souhaite un référendum pour décider de son retrait ou non. Pendant ce temps le gouvernement reste inflexible, refuse d’écouter le peuple et préfère s’embourber dans un processus parlementaire où même sa majorité absolue ne l’aide pas. On entend même parler de recours à l’article 49.3 de la constitution, comme si l’affront fait à la démocratie n’était déjà pas suffisamment important.

C’est le moment que nous choisissons, à la suite des autres syndicats, pour faire une pause dans la mobilisation. Plus de 2 mois de mouvement social c’est épuisant, les militant·e·s ont besoin de se reposer, de renflouer les caisses après ces jours de grève non payés. Cette pause va nous permettre de mieux préparer la suite du mouvement, mais aussi d’avancer sur d’autres sujets importants. Notamment, et pas des moindres, nous serons mobilisé le 8 Mars pour le jour de lutte internationale pour les droits des femmes. N’hésitez pas à rejoindre le STJV pour nous aider, nous avons toujours besoin de plus de bras !

Cependant, et tant que le projet de réforme n’a pas été retiré, nous devons rester vigilant·e·s et actif·ve·s. Nous appelons d’ores et déjà à une mobilisation massive le 31 Mars, et à la formation de cortèges dans toute la France sous la bannière du STJV. Nous publierons pour l’occasion un nouvel appel à la grève.

Appel à la grève renouvelé : 17 au 23 Février

Une semaine de mobilisation plus calme vient de s’écouler. Mais ce calme ne signifie en rien la fin de la contestation ! L’opposition à la reforme des retraites n’a en aucun cas cessé !

67 % des français (selon un sondage Ifop) sont favorables à ce que cette réforme passe par un référendum pour permettre ou non son application. Ce qui traduit une volonté politique importante de la part d’une majorité de la population qui ne veut pas se voir imposer cette réforme. En effet, selon le même sondage, 56 % des participant·e·s voteraient non.

Pourtant la réforme continue son chemin puisque son examen en séance publique à l’assemblée nationale commence ce lundi 17. La commission spéciale n’ayant pas réussi à examiner les très nombreux amendements qui avaient été déposés, c’est le projet initial qui sera examiné avec 80 heures de débats qui ont déjà été programmées.

Rappelons que le gouvernement souhaite que le vote en première lecture intervienne avant les élections municipales. Et c’est précisément pour cela que nous, travailleureuses du jeu vidéo, devons rester mobilisé·e·s dans ce bras de fer contre cette réforme qui salit le legs du Conseil National de la Résistance.
L’intersyndicale, soutenue par le STJV, appelle à faire de la journée du 20 février, une journée de mobilisation massive afin de rappeler au gouvernement et à l’Assemblée Nationale que la contestation de ce projet n’est pas morte.

Aussi le STJV renouvelle son appel à la grève du 17 au 23 février inclus et appelle les travailleureuses du secteur du jeu vidéo à se mobiliser dans leurs entreprises, dans les AG et les manifestations qui ont lieu un peu partout à travers la France afin de sensibiliser un maximum de personnes aux enjeux actuels et de s’organiser afin que cette lutte puisse durer jusqu’au retrait de la réforme. Cet appel sera potentiellement reconduit à l’issue de cette période.

Nous rappelons que cet appel couvre le champ d’action du STJV dans le secteur privé, et concerne donc toute personne employée par une société d’édition, de distribution, de service et/ou de création de jeu vidéo ou matériel pour le jeu vidéo quel que soit son poste ou son statut et quelle que soit le type de production de sa société (jeux consoles, PC, mobile, serious games , expériences VR/AR, moteurs de jeu, services marketing, consoles de jeu, streaming, etc.), ainsi que tout·e·s les enseignant·e·s travaillant dans des écoles privées dans des cursus en lien avec la production vidéoludique. Pour toutes ces personnes, et puisqu’il s’agit d’un appel national à la grève, aucune démarche n’est nécessaire pour se mettre en grève : il suffit de ne pas venir travailler les jours où vous souhaitez faire grève.

Pour les personnes ne pouvant participer à cette grève mais désireuses de soutenir l’effort, il est possible de faire un don à la caisse commune qui sera reversé aux personnes mobilisées via le lien suivant : https://www.lepotcommun.fr/pot/solidarite-financiere

Appel à la grève renouvelé : 10 au 16 Février

Une semaine de mobilisation de plus contre la réforme des retraites du gouvernement. Une semaine de plus à parler, débattre, s’organiser et lutter contre un projet auquel nous ne pouvons adhérer tant il suinte de néolibéralisme et qu’il se veut destructeur de nos conquêtes sociales.

Une semaine de plus où nos média, selon Acrimed (observatoire des médias), portent la couverture de la grève sur les difficultés qu’elle engendre, galère des usagers, commerçants et entreprises, au dépend d’informations sociales qui pourraient parler des causes du mouvement, du projet de réforme des retraites et de l’organisation des grévistes.

Aussi le STJV renouvelle son appel à la grève pour la période du 10 au 16 février inclus et appelle les travailleur·se·s du secteur du jeu vidéo à se mobiliser dans leurs entreprises, dans les assemblées générales et les manifestations qui ont lieu un peu partout à travers la France afin de sensibiliser un maximum de personnes aux enjeux actuels et de s’organiser afin que cette lutte puisse durer jusqu’au retrait de la réforme. Cet appel sera potentiellement reconduit à l’issue de cette période.

Actuellement, la commission spéciale de l’assemblée nationale doit étudier 22159 amendements de la réforme avant mercredi soir. Pour y parvenir il a été décidé, de manière assez ridicule, de réduire le temps de parole des interlocuteurs de l’opposition. Cependant, si tous les amendements ne sont pas examinés d’ici mercredi le texte qui sera présenté en séance dans l’hémicycle lundi 17 février sera le texte original du gouvernement, texte qui nous a, à son annonce, mobilisé et contre lequel nous continuons de lutter.

L’exécutif souhaite que le premier vote de la loi intervienne avant les élections municipales pour être transmis au sénat au printemps pour un vote définitif avant la fin de la session parlementaire cet été. Pour rappel, le gouvernement a opté pour une procédure accélérée, ne prévoyant qu’une seule lecture par chambre.

Le conseil d’état ne cesse cependant pas de rappeler à l’ordre la république en marche, notamment sur le projet de réforme des retraites pour lequel il estime que les projections financières du gouvernement sont lacunaires et que le recours aux ordonnances fait perdre une visibilité d’ensemble sur le projet.

En effet, n’ayant eu que trois semaines pour rendre son avis sur le projet de loi (qui a d’ailleurs été modifié six fois durant cette période) le conseil d’état juge ne pas avoir eu le temps de garantir au mieux la sécurité juridique du projet.

Dans les temps à venir, l’intersyndicale travaille à une contre-conférence nationale qui devrait voire le jour en mars. De même, l’intersyndicale soutenue par le STJV appelle à s’organiser afin de faire de la journée du 20 février une journée de mobilisation massive.

Nous rappelons que cet appel couvre le champ d’action du STJV dans le secteur privé, et concerne donc toute personne employée par une société d’édition, de distribution, de service et/ou de création de jeu vidéo ou matériel pour le jeu vidéo quel que soit son poste ou son statut et quel que soit le type de production de sa société (jeux consoles, PC, mobile, serious games , expériences VR/AR, moteurs de jeu, services marketing, consoles de jeu, streaming, etc.), ainsi que tout·e·s les enseignant·e·s travaillant dans des écoles privées dans des cursus en lien avec la production vidéoludique. Pour toutes ces personnes, et puisqu’il s’agit d’un appel national à la grève, aucune démarche n’est nécessaire pour se mettre en grève : il suffit de ne pas venir travailler les jours où vous souhaitez faire grève.

Pour les personnes ne pouvant participer à cette grève mais désireuses de soutenir l’effort, il est possible de faire un don à la caisse commune qui sera reversé aux personnes mobilisées via le lien suivant : https://www.lepotcommun.fr/pot/solidarite-financiere