Grève féministe du 8 mars 2024 : mettre fin aux obstacles à la reconnaissance des violences sexistes et sexuelles dans le jeu vidéo

Le 8 mars est la journée internationale de lutte pour les droits des femmes et minorités de genre, qui célèbre les combats, historiques et actuels, des luttes féministes. Les femmes et personnes de genres marginalisés sont et ont toujours été présentes dans les luttes sociales : le 8 mars est lui-même l’anniversaire de la grève des ouvrières de Saint-Pétersbourg de 1917, qui a déclenché les révolutions russes.

L’année dernière, par la force des choses, le 8 mars s’est inscrit dans le mouvement plus global contre la réforme des retraites. L’autoritarisme du gouvernement et le passage en force de cette réforme ont été une défaite sévère pour les droits des femmes et personnes de genre marginalisé : les études du gouvernement lui-même montrent que les impacts négatifs de cette réforme sont doublés pour les femmes.

Cette année, le 8 mars aura lieu dans un contexte terrible. Dans notre industrie, nous nous inquiétons gravement des conséquences des vagues de licenciements massives qui ont lieu en ce moment sur les femmes. Les postes supprimés sont majoritairement des postes précaires, occupés de manière disproportionnée par des personnes de genre marginalisé, qui vont de plus devoir subir les discriminations à l’embauche lors de leurs recherches d’emploi.

Les femmes et personnes queer sont aussi instrumentalisées depuis des mois pour justifier la politique génocidaire israélienne contre les palestinien‧nes. Nos frères et sœurs palestinien‧nes se font massacrer sous les yeux du monde entier, et on cherche à nous faire croire que les crimes israéliens sont bénéfiques. Quels bénéfices tirent les femmes et personnes queers palestinien‧nes de la famine, des maladies, de l’éradication de leur peuple, de leur propre mort ?

L’existence de systèmes coloniaux génocidaires est incompatible avec la liberté des personnes de genre marginalisé. Il n’y aura pas de libération des femmes et des personnes queer sans libération de la Palestine. Ce 8 mars sera aussi l’occasion de les soutenir.

On peut aussi noter quelques améliorations, par exemple :

De manière générale on constate qu’en France, malgré les obstacles, la parole se libère de plus en plus. On pense évidemment au milieu du cinéma, mais c’est aussi le cas dans toute la société. Le sujet des violences sexistes et sexuelles (VSS) s’impose enfin comme un sujet social public, au bénéfice de toutes les personnes qui les subissent. Nous saluons et soutenons ces prises de paroles.

Entreprises et écoles : inclusives dans les mots, sexistes dans les faits

Depuis l’année dernière, la bienveillance de façade des écoles et entreprises du jeu vidéo se heurte de plein fouet aux représentations du personnel. Partout, il suffit de poser des questions pour désemparer les directions et confirmer ce qu’on savait déjà : derrière les mots, il n’y a rien. Pas de suivi des violences sexistes et sexuelles, pas de dispositifs d’alertes, pas de lutte contre les discriminations…

Avant même de travailler pour résoudre les problèmes de sexisme dans l’industrie, on est déjà obligé de lutter pour faire reconnaître que ces problèmes peuvent exister. Les directions d’entreprises sont incapables et/ou refusent catégoriquement de présenter des informations concrètes sur les VSS et discriminations en entreprises, et les mesures prises pour y remédier. Incapables d’admettre leur incompétence ou sexisme, elles se transforment en robots qui débitent en boucle leurs éléments de langage.

En refusant de répondre, mais aussi en reformulant toutes les propositions et demandes des travailleur‧ses et syndicats pour en supprimer le vocabulaire concret et utile au profit d’expression managériales complètement vides de sens, les patron‧nes luttent activement pour nier l’existence de problèmes. Iels le font consciemment, pour empêcher les travailleur‧ses d’objectiver les problème et de pouvoir agir dessus.

A nos demandes d’établir des processus clairs et sans ambiguïtés pour lutter contre les VSS et les discrimination au travail, on nous répond que « les portes des directions ou des RH sont toujours ouvertes ». En balayant d’un revers de main le rôle des directions elles-mêmes et en niant la capacité d’action des représentant·es du personnel, elles isolent les victimes et singularisent les cas de violence, pour mieux les relativiser et interdire une réflexion plus globale.

Ces pratiques de renvoi devant un système oppressif (la hiérarchie d’entreprise) qui a un intérêt clair à garder les violences invisibles, loin d’être innocentes ou irréfléchies, réduisent victimes et témoins au silence. La « porte ouverte » est au mieux une impasse naïve, au pire une violence discriminatoire elle-même.

Syndicats, travailleur‧ses et représentant‧es du personnel en lutte permanente

Les travailleur·ses disposent d’outils pour lutter contre les VSS et les discriminations : il est du rôle du CSE de surveiller la probité des directions, d’offrir une réponse de terrain et concrète via ses référent·es en matière de lutte contre le harcèlement, d’alerter et de ne pas perdre de vue les indicateurs de risque. Cette instance de représentation du personnel a le pouvoir de signaler les problèmes à l’inspection et à la médecine du travail, et de déclencher des enquêtes via son droit d’alerte.

Dans les entreprises où le STJV est représentatif après une victoire aux élections CSE, les sections syndicales abordent ces sujets au sein de négociations annuelles obligatoires en matière d’égalité professionnelle (et donc d’égalité de genre). C’est un moment prévu légalement pour discuter de lutte contre les discriminations, et de négocier voire d’imposer plus par la construction d’un rapport de force en faveur des travailleur‧ses.

Problème : ces négociations sont bloqués de manière systématique par les directions d’entreprise. Récemment, des camarades ont dénoncé les blocages des négociations et représentant‧es du personnel à Don’t Nod, et les travailleur‧ses d’Ubisoft ont fait grève en réaction à l’absence de réelles négociations salariales de la part de le direction du groupe. Ces éléments rendus publics s’accompagnent à travers toute l’industrie d’une multitude d’autres luttes, notamment des grèves, restées privées pour le moment. La grogne est générale.

En bloquant les négociations sur l’égalité de genre, en les décalant sous prétexte que c’est un sujet « moins urgent », en ignorant les représentant‧es du personnel, les patron‧nes refusent de laisser les travailleur‧ses s’exprimer ou d’écouter leurs demandes. Iels préfèrent « constater l’absence » de harcèlement, de violences ou de discriminations et prétendre que tout va bien.

L’ignorance volontaire n’est pas une politique de lutte contre les discriminations, mais une extrême violence supplémentaire. Ces blocages envoient comme message aux victimes de VSS que les violences et discriminations qu’iels subissent ne comptent pas et ne seront pas réglés sur leur lieu de travail.

Détruire les obstacles en place

Les demandes des travailleur‧ses de l’industrie du jeu vidéo sont simples, et il est presque hallucinant de devoir les faire en premier lieu :

  • les directions d’entreprises doivent réellement écouter les travailleur‧ses, et donc prendre au sérieux les remontées de leurs représentant‧es et respecter les négociations ;
  • il faut mettre en place des processus concrets de récolte de données et d’informations, pour pouvoir les fournir ensuite aux représentant‧es du personnel ;
  • ce deuxième point doit s’accompagner de la mise à disposition publique des statistiques et données non-personnelles, et en particulier de la mise en place de grilles de salaires ;
  • pour empêcher la réduction au silence des travailleur‧ses, il faut créer de réels processus de remontées, alertes et enquêtes internes qui incluent les instances de représentation du personnel.

En bref et pour être clair‧es : nous exigeons des directeur‧ices d’entreprise qu’iels arrêtent de se soucier des genres marginalisés uniquement pour s’en servir de marchepied pour l’image de leur entreprise, pour leur carrière personnelle ou pour maximiser les profits.

Comme nous l’affirmions l’année dernière dans un article de bilan sur notre industrie et notre rôle, la lutte contre les oppressions de genre passera par le syndicalisme. Cette affirmation est issue du constat que nos droits ne seront jamais acquis sans lutte.

En conséquence, le Syndicat des Travailleurs et Travailleuses du Jeu Vidéo appelle à la grève dans le jeu vidéo le vendredi 8 mars 2024. Nous appelons travailleur·ses, chômeur·ses, retraité·es et étudiant·es du jeu vidéo à se mobiliser dans les entreprises et à rejoindre les manifestations qui auront lieu partout en France ce jour-là.

Nous rappelons que cet appel couvre le champ d’action du STJV dans le secteur privé, et concerne donc toute personne employée par une société d’édition, distribution, services et/ou création pour le jeu vidéo quel que soit son poste ou son statut et quel que soit le domaine d’activité de sa société (jeux, consoles, mobile, serious games, VR/AR, moteurs de jeu, services marketing, streaming, produits dérivés, esport, création de contenu en ligne, etc.), ainsi que tout·es les enseignant·es travaillant dans des écoles privées dans des cursus en lien avec le jeu vidéo. Puisqu’il s’agit d’un appel national à la grève, aucune démarche n’est nécessaire pour se mettre en grève : il suffit de ne pas venir travailler.

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