GWU : A propos des licenciements chez Telltale

Cet article est une traduction du billet publié par Game Workers Unite : https://www.gameworkersunite.org/blog/statement-on-the-telltale-layoffs

Game Workers Unite est une organisation qui vise à mettre en contact les activistes pro-syndicalisation, les travailleurs et travailleuses exploité·e·s et leur allié·e·s de toutes disciplines, toutes classes et tous pays au nom de la création d’une industrie du jeu vidéo syndiquée.

Retrouvez-les :


 

Comme beaucoup d’entre vous le savent, Telltale a récemment licencié approximativement 250 travailleurs et travailleuses, ne gardant que 25 personnes pour “remplir les obligations de l’entreprise vis à vis du conseil d’administration et des partenaires”. La situation est triste, mais familière – c’est un problème endémique à l’industrie. Des centaines de travailleurs et travailleuses se voient refuser salaire ou couverture santé sans préavis, laissé·e·s vulnérables dans une région où le coût de la vie est extrêmement élevé. Certaines de ces personnes venaient juste d’être embauchées.

Soyons honnêtes. La direction de Telltale est incompétente. Ce sont des exploiteurs. Ils connaissaient la situation et ont échoué en ne prévenant personne. Nous savons que le management méprise ses travailleurs et travailleuses. Plusieurs sources ont continuellement mis en lumière les conditions de travail à Telltale, démontrant que depuis la création du studio, il s’agit plus de prioriser la direction et les actionnaires – toujours au détriment de leurs employé·e·s.

Aux travailleurs et travailleuses qui ont été touché·e·s : nous vous voyons. Nous sommes vous. Nous sommes debout avec vous. Nous sommes là pour parler, pour écouter, pour offrir tout le support que nous pourrons. Prenez le temps qu’il faut pour vous reposer et récupérer, mais sachez que nous serons là pour vous quand vous aurez besoin de soutien. En tant que travailleurs et travailleuses, nous pouvons construire une meilleure industrie, aux conditions de travail durable, équitable et dignes. Une industrie qui offre des filets de sécurité et qui force la responsabilité de nos entreprises. Une industrie où personne ne vit dans la peur d’être exploité·e par la direction d’une entreprise.

Aux fans de Telltale, aux joueurs et aux joueuses : apprenez à voir la différence entre les entreprises et les personnes qui font les jeux. Percez à jour les mensonges du top management et sachez que les équipes sont exploitées et méprisées. Nous sommes aussi contrarié·e·s que vous quand un jeu est annulé. Dirigez votre colère contre les actionnaires qui traînent notre medium dans la boue pour le profit.

Ce problème n’est pas spécifique à Telltale ou à la direction de ce studio – c’est un problème que nous voyons encore et toujours dans notre industrie ; et nous continuerons à le voir tant que le management sera en position d’exploiter les travailleurs et travailleuses. Sur les 6 derniers mois, nous avons assisté à la fermeture de trois grands studios. La façon de créer des jeux est viciée, et cela amènera dans le futur à la chute d’autres studios que nous aimons.

La syndicalisation ne peut pas résoudre le problème chez Telltale après coup, mais elle aurait pu éviter tellement de dommages à un nombre incalculable de salarié·e·s en assurant des indemnités de rupture et une couverture santé qui dure d’un emploi à l’autre. Nous ne pouvons plus continuer à juste réagir à ces événements, c’est perdre une bataille. Nous ne pouvons pas juste envoyer nos propositions de poste après chaque fermeture de studio. Nous devons faire preuve d’initiative. Nous devons nous syndiquer avant que ces désastres ne partent trop loin. S’il vous plaît, impliquez-vous, commencez à vous organiser avec vos collègues et contactez-nous pour de l’aide et du soutien.

Tant que les équipes seront isolées quand elles se lèvent contre l’exploitation des entreprises, nous souffrirons en tant qu’industrie. Nous sommes là pour unifier les travailleurs et travailleuses – pour utiliser notre force collective et ainsi faire une différence dans l’industrie. Nous nous tenons aux côtés de l’équipe qui a été jetée par la direction de Telltale et nous sommes là pour aider de quelque manière que ce soit.

Vous pouvez nous écrire à ou via Twitter – nous voulons entendre votre histoire.

Solidairement,

Game Workers Unite

Fin de la grève chez Eugen Systems

Nous relayons une nouvelle fois un communiqué rédigé par nos collègues grévistes du studio parisien Eugen Systems. Vous pouvez les soutenir via leur caisse de grève, toutes les participations sont bienvenues : https://www.lepotcommun.fr/pot/kfy5g3ta

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Second Wave

Comme vous avez pu le lire dans notre précédent communiqué, les négociations avec la direction sont au point mort.
Nous pensons que nous n’obtiendrons pas d’avancées supplémentaires avec cette grève, malgré nos réclamations qui relèvent du respect du code du travail et de notre convention collective.

Ainsi, nous avons cessé la grève le mardi 3 avril, après plus d’un mois et demi, pour conserver nos ressources en vue du futur. Mais ce constat clinique n’entame en rien notre détermination : bien que la grève soit terminée, le conflit lui, ne l’est pas. Nous continuons, par les moyens légaux dont nous disposons, de lutter pour faire valoir nos droits. Ainsi une quinzaine de salariés et anciens salariés d’Eugen Systems ont saisi le conseil des prud’hommes. Nous ne perdons toutefois pas de vue que ce mouvement a été porté par un collectif de 24 salariés au total, sur 44 salariés dans l’entreprise, pour une amélioration des conditions de travail au bénéfice de tous.

Si nous avons pu tenir plus d’un mois et demi, c’est bien grâce au soutien reçu, qu’il s’agisse de messages d’encouragement ou de dons de votre part à tous et à toutes.
L’intérêt public (médias, politiques, joueurs…) pour ce mouvement social inédit nous conforte dans l’idée que cela n’a pas été vain, et que nous avons raison de nous battre pour nos droits. Nous comptons bien aider cette industrie à mûrir, à reconnaître la valeur de notre travail et de nos compétences.

Et nous continuerons à le faire, quelles que soient les tentatives d’intimidation qui pourront avoir lieu.

 

Les employés grévistes d’Eugen Systems


Concernant la caisse de grève, nous avons décidé de la laisser ouverte quelques temps, pour ceux qui souhaiteraient encore participer. Nous la clôturerons dans quelques jours.
Nous procéderons ensuite à une répartition similaire à celle que nous avons déjà exposée par le passé.

6 semaines de lutte chez Eugen Systems

Nous relayons une nouvelle fois un communiqué rédigé par nos collègues grévistes du studio parisien Eugen Systems. Vous pouvez les soutenir via leur caisse de grève, toutes les participations sont bienvenues : https://www.lepotcommun.fr/pot/kfy5g3ta

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Escalation

Après 6 semaines de grève et un manque de volonté évident à faire évoluer la situation, la direction d’Eugen Systems avance enfin à visage découvert et ne cache plus qu’elle n’a aucune intention de négocier.
La dernière rencontre du vendredi 23 mars n’a duré en tout et pour tout qu’une quinzaine de minutes. Et pour cause, face aux refus systématiques de la direction, il a été demandé si elle accepterait de négocier quoi que ce soit. Sa réponse est aussi claire que concise : non.

La précédente rencontre avait eu lieu le 21 mars.
La direction avait rédigé unilatéralement un projet d’accord de fin de grève. Toutes nos revendications y étaient refusées ou ignorées, déclarant au passage que la grève était inutile et que le dialogue avait toujours été ouvert. Plutôt osé après avoir ignoré les grévistes pendant 2 semaines et la majorité des remarques remontées par les délégués du personnel pendant plus d’un an.

Dans ce projet d’accord la direction met en avant les efforts qu’elle consent à faire envers nous qui justifieraient l’arrêt de la grève.
Parmi ces engagements on trouve en réalité une majorité d’obligations légales qui auraient dues être remplies sans que nous n’ayons à les demander.

  • Nous apporter la preuve que la médecine du travail sera bien payée l’an prochain. L’adhésion à la médecine du travail est une obligation légale, nous ne devrions pas avoir besoin d’un tel engagement pour être certains que ce soit fait.
  • Mettre en place une salle de pause à chaque étage des locaux pour pouvoir accueillir suffisamment de monde. C’est encore une obligation légale qui n’avait d’ailleurs pas été réclamée dans le cadre de la grève.
  • La promesse d’un futur accord d’entreprise sur les classifications. Une discussion sur ce point était déjà prévue. De plus, avant de discuter de nouvelles classifications peut-être faudrait-il commencer par respecter celles qui nous sont dues ?
  • Détailler le calcul des quelques rattrapages de salaires et primes de vacances sur 3 ans. Il s’agit de la durée de prescription légale qu’imposerait un tribunal en plus de dommages et intérêts. Sachant que la prime n’a jamais été versée, qu’en est-il des années précédentes ?
  • Comptabilisation des heures de négociation comme des heures travaillées pour les 4 membres de la délégation. Il s’agit une fois de plus d’une obligation légale.

La grève a été déclenchée en raison du non-respect de la loi, faire passer son application partielle pour un geste gracieux de leur part ne nous trompe pas.

Toutes nos propositions ont été refusées en bloc, même celles n’engendrant aucun coût pour l’employeur.
Il nous a par exemple été refusé un étalement des retenues de salaire des jours de grève sur plusieurs mois, un compromis courant qui permettrait de nous laisser de quoi vivre chaque mois.
Pour justifier ce refus, il nous a été répondu que ce n’était pas une question d’argent.

De plus, suite à notre insistance, la direction avait signé le 5 mars un accord écrit à payer la cotisation obligatoire à la médecine du travail et à nous en apporter immédiatement la preuve une fois le paiement effectué. Le paiement date du 12 mars, et la direction n’a daigné en partager la preuve que lors de la rencontre du 21. 9 jours donc après le paiement. La direction parait avoir quelques difficultés à respecter un accord signé.

Puisque ni la discussion ni la grève ne semblent affecter nos employeurs et qu’exiger le respect de la loi semble être une demande exagérée à leurs yeux, nous estimons qu’il est temps d’affermir nos méthodes.
Une quinzaine d’anciens et actuels employés d’Eugen Systems ont entamé une procédure aux prud’hommes. Cela ne concerne cependant que les contentieux passés et ne permettra donc pas de régler les problèmes de fond en termes de conditions de travail et de respect pour le travail fourni.

Ces 6 semaines de grève n’ont toutefois pas été totalement infructueuses : nous avons pu nous concerter, créer des liens avec divers organismes et personnes. Notre situation n’est pas unique et d’autres entreprises profitent de la passion des employés pour mettre en place des conditions de travail illégales.
Nous invitons toutes les personnes, groupes et associations qui voient en notre lutte un combat juste à nous aider, que ce soit : médiatiquement en partageant les articles décrivant notre situation, financièrement via la caisse de grève, moralement par vos messages de soutien et en témoignant de la légitimité de cette lutte sur les réseaux, par vos conseils, appuis, etc. Toute aide que vous pourrez apporter sera la bienvenue.

Distribution de la caisse de grève

Nous avons procédé à une première répartition de la caisse après un mois de grève (mi-mars). A ce moment-là, le montant de la caisse était de 8070€ provenant de 182 participants, ainsi que 550€ de dons directs. Pour une complète transparence nous vous indiquons notre méthode de distribution qui a été la suivante :

  • compensation intégrale du coût de la grève aux personnes qui en avaient strictement besoin. Ces personnes ont pu temporairement apporter un soutien actif au mouvement malgré leurs difficultés financières, entièrement grâce à vous.
  • comptabilisation du nombre de journées de grève auxquelles a participé chacun, pour arriver à un total de 292 journées.
  • chaque gréviste non remboursé a pu indiquer le pourcentage de ses parts qu’il souhaite recevoir. Cela permet aux personnes qui jugent pouvoir se le permettre, si elles le souhaitent, de laisser une partie de leur compensation pour les autres. C’est bien entendu une action volontaire, chacun recevant l’intégralité de sa compensation par défaut. Cela fait un total de 261 parts.
  • compensation individuelle équivalant au nombre de parts multiplié par la valeur d’une part. Au final cela représente, pour une personne ayant fait grève pendant tout le mois et n’ayant pas redistribué ses parts, un montant d’à peu près 630 €.

Merci à tous et à toutes pour vos messages de soutien et vos dons. Ils nous aident à tenir le coup, et nous rappellent que notre cause est juste et notre action nécessaire.

 

Les employés grévistes d’Eugen Systems

Déjà plus de 3 semaines de grève chez Eugen Systems

Nous relayons une nouvelle fois un communiqué rédigé par nos collègues grévistes du studio parisien Eugen Systems. Vous pouvez les soutenir via leur caisse de grève, toutes les participations sont bienvenues : https://www.lepotcommun.fr/pot/kfy5g3ta

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Weeks of Conflict

Nous avons débuté notre grève le 14 février, voilà plus de 3 semaines. 16 mois de contestation déjà.

Mercredi 28 février, après deux semaines de grève, la direction s’est enfin adressée directement à nous en proposant de rencontrer une délégation de grévistes afin de discuter.
Nous nous sommes rendus disponibles dès le lendemain matin, pourtant il aura fallu attendre le lundi 5 mars pour qu’ait lieu la première rencontre avec la direction, celle-ci ayant refusé les propositions de dates précédentes. Encore une fois, nous ne pouvons que remarquer l’absence de considération pour l’urgence de la situation.

Notre délégation s’est donc réunie avec la direction le matin du lundi 5 mars, en présence de M. l’inspecteur du travail en tant que médiateur.
Nous abordons la réunion en mentionnant que notre employeur n’a pas cotisé pour l’année 2018 à la médecine du travail, ce qui est bien entendu obligatoire.
Ce qui est décrit comme un oubli suite à une facture non reçue est extrêmement problématique : certains de nos collègues sont en plein burnout et dépression, et le non-paiement des cotisations empêche par exemple la médecine du travail de planifier des visites médicales de prévention pour les autres salariés. La direction nous assure qu’elle a demandé à recevoir à nouveau la facture, et s’est engagée à la régler dès que possible. A l’heure où nous écrivons ce communiqué, le 9 mars, cela n’est toujours pas régularisé.

Concernant nos réclamations et nos revendications, la réponse de la direction est simple : non. Les irrégularités actuelles et passées sont toujours niées, et aucune des propositions que nous avons apportées n’est ne serait-ce que considérée.
La direction a indiqué à de nombreuses reprises qu’elle considère que certains contrats sont anciens ou erronés, et qu’elle n’a par conséquent pas à les respecter. Elle considère par exemple que les métiers créatifs (game designers, graphistes, level builders…) n’ont pas besoin de formation et que ces salariés seraient surqualifiés par leurs formations spécifiques, souvent de niveau Bac +5.
La réunion est reconduite au lendemain matin, pour que la direction prenne le temps d’établir une proposition de grille de classifications concernant les postes de l’entreprise.

Le mardi 6, nous recevons donc cette proposition sous l’état de brouillon, incomplète (il n’est fait mention que des métiers de programmation) et remplie d’erreurs. Nous considérons que cette proposition faite par la direction n’est pas sérieuse, mais pire encore, elle contient des éléments nettement moins avantageux que ce qui se pratique actuellement dans l’entreprise. Drôle de façon de négocier.
Étant donné qu’elle n’est qu’à l’état de projet, nous ne publions pas de détails, mais faisons part de notre méfiance à son sujet. Le fait que la grille ne concerne que certains métiers et qu’elle soit encore à l’état de brouillon nous laisse penser que la direction tente encore de gagner du temps.

A plusieurs reprises au cours de ces réunions, il nous a été reproché de diffuser des mensonges par nos communiqués et de ne pas contrôler les publications des journalistes et utilisateurs des réseaux sociaux : la direction semble ignorer que nous ne contrôlons pas l’opinion publique, alors même qu’elle refuse le droit de réponse que lui accordent les journalistes.
Nous avons demandé à ce qu’on nous désigne précisément quels propos de nos communiqués étaient contestés, mais n’avons obtenu aucune réponse concrète.

Nous n’avons depuis pas eu d’autre proposition de rencontre, et la direction a refusé la nôtre pour ce vendredi 9 mars, sans se donner la peine d’en expliquer les raisons.

Nous attendons toujours que la direction prenne conscience de la gravité des problèmes soulevés et montre sa volonté à résoudre le conflit. Il est impensable de continuer à nier les irrégularités et de tenter en parallèle d’abaisser encore nos conditions de travail.

Nous vous remercions une nouvelle fois pour les messages de soutien et les donations qui nous aident énormément !

Les employés grévistes d’Eugen Systems

Les grévistes d’Eugen Systems tiennent le coup

Nous relayons une nouvelle fois un communiqué rédigé par nos collègues grévistes du studio parisien Eugen Systems. Vous pouvez les soutenir via leur caisse de grève, toutes les participations sont bienvenues : https://www.lepotcommun.fr/pot/kfy5g3ta

Ils nous ont confirmé la reconduite de leur grève jeudi 22 février.

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Still Division

Voici désormais une semaine que nous sommes en grève.

Chaque jour nous recevons des messages de soutien de joueurs et de personnes travaillant dans l’industrie, de France et d’ailleurs. Ces derniers nous rappellent que les problèmes sur lesquels nous attirons actuellement l’attention ne sont pas restreints à notre entreprise mais sont bien plus répandus, même si les symptômes peuvent différer. Nous sommes très touchés par ces messages qui donnent un sens à la lutte que nous sommes contraints de mener aujourd’hui. Nous n’oublions pas non plus les personnes qui vivent actuellement des situations similaires dans d’autres industries ou dans la fonction publique.

Nos revendications concernent l’application de la loi, en particulier en ce qui touche à nos salaires. Mais les problèmes auxquels nous sommes confrontés semblent trouver leurs racines dans un phénomène plus profond : un manque de valorisation du travail que nous réalisons chaque jour. Nous ne serions tous et toutes qu’autant d’outils parfaitement remplaçables. Nos savoirfaire, notre expérience, nos qualités et qualifications diverses ne sont pas des paramètres qu’il convient de prendre en compte.

Pourtant qui conçoit les jeux, les fabrique, les enrichit en contenu, et s’assure de leur bon fonctionnement ?

À l’heure qu’il est, nous n’avons toujours reçu aucune forme de réponse ou proposition de la part de la direction d’Eugen Systems.
Nous regrettons qu’elle continue à se voiler la face après quinze mois durant lesquels nous avons désespérément tenté d’attirer l’attention sur la gravité des problèmes auxquels nous sommes confrontés et sur la nécessité de trouver une solution qui tienne compte des intérêts des salariés, et non pas uniquement de ceux de la direction. Quand ces solutions passent par une réduction unilatérale du salaire, une remise en cause des grades et qualifications des employés, ou par la négation des éléments essentiels de leurs contrats de travail, elles sont naturellement inacceptables.

Comme nous l’avons fait savoir à la direction de notre studio en début de semaine, nous ne tirons aucune satisfaction du sinistre qui a eu lieu dans l’immeuble qui abrite les locaux de l’entreprise et qui a conduit à un arrêt temporaire de la production. Notre mouvement de grève se poursuit malgré tout et nous attendons toujours la satisfaction de nos exigences, qui rappelons-le ne représentent rien d’extraordinaire : la juste valorisation de notre travail et la prise en considération de nos droits.

 

Les employés grévistes d’Eugen Systems

Les grévistes d’Eugen Systems répondent au communiqué de leur direction

Nous relayons encore une fois un communiqué de nos camarades grévistes d’Eugen Systems.

 

Le communiqué publié hier par Eugen Systems sur tous ses réseaux nous semble être une démonstration publique des raisons nous ayant menés à cette grève.

À l’heure actuelle la direction n’est toujours pas revenue vers nous, et préfère publier un démenti, lequel consiste, encore une fois, à nier certains faits, en ignorer d’autres, prétexter des erreurs et faire de creuses promesses.

 

Cela ne nous étonne pas, puisque la négation du problème est la réponse systématique de la direction depuis le début de nos tentatives de discussions.

 

On nous demande, une fois de plus, de faire confiance, et de bien vouloir attendre un peu pour régler les problèmes soulevés. Nous avons perdu confiance en notre employeur et en son cabinet de RH pour faire valoir nos intérêts, tous deux ayant démontré leur objectif à plusieurs reprises : ne pas avoir à appliquer nos droits, ne pas avoir à payer les salaires selon les règles en vigueur, diviser les salariés et réprimer toute contestation.

Tous les délais que nos interlocuteurs réclament depuis le début des discussions il y a quinze mois visent à gagner du temps, car si proposition il y a, il s’agira d’une explication permettant de ne pas avoir à payer ce qui nous est dû.

 

Le dernier argument en date, à savoir l’erreur de bonne foi, est tout bonnement inaudible, s’agissant de problèmes soulevés il y a plus d’un an de façon officielle, et qui sont présents dans l’entreprise depuis aussi longtemps que nous pouvons nous en souvenir. Ces problèmes étaient déjà présents tandis que l’entreprise n’avait aucun délégué du personnel pour les soulever.

 

La direction prétend faire un effort particulier dans la communication avec les représentants du personnel. Pourtant, il a fallu une lettre signée par la vaste majorité des employés au mois de novembre 2017 pour lui faire prendre en compte les remarques que ces délégués transmettent.

 

Les derniers entretiens individuels en date se sont déroulés sans trace écrite et ont été l’occasion de faire pression sur des salariés pour qui les minimas conventionnels n’étaient pas respectés afin qu’ils signent des avenants à leur désavantage. Par conséquent l’annonce de ces prochains entretiens ne nous rassure absolument pas.

 

Nous rappelons présentement les revendications pour lesquelles nous sommes entrés en grève. Nous réclamons une régularisation immédiate des points suivants :

  • Minima conventionnels non appliqués
  • Classifications (grades et coefficients) dues et non attribuées
  • Primes de vacances non versées depuis de nombreuses années
  • Non-respect des lois en vigueur sur le temps de travail
  • Baisse de nos salaires bruts au moins de Janvier 2018 pour y intégrer les heures supplémentaires auparavant non déclarées, en tentant de faire passer cette action pour une rectification d’erreur de comptabilité alors que le problème a été signalé au printemps 2017 — cette baisse faisant au passage tomber certains salaires sous les minima conventionnels
  • Rémunération intégrale de la période de grève

En outre, nous exigeons immédiatement que cessent les convocations en réunions individuelles d’employés grévistes pour les interroger sur ce sujet. Il s’agit d’une remise en cause du droit de grève, ce qui est intolérable.

De la même façon, la direction qui a explicitement fait savoir à certains collègues qu’elle identifiait les employés syndiqués comme ennemis avérés de l’entreprise assume par ce fait une position claire : la négation du droit des travailleurs à se syndiquer.

Enfin, nous tenons à remercier du fond du cœur les personnes qui participent à la caisse de grève organisée par le STJV, ainsi que celles et ceux qui font parvenir leurs messages de soutien par mail, twitter, facebook, forums, parole… Votre solidarité n’est pas passée inaperçue. Merci.

 

Les employés grévistes d’Eugen Systems

Des employés d’Eugen Systems en grève

Nous relayons ci-dessous le communiqué rédigé par nos collègues grévistes du studio parisien Eugen Systems.

EDIT : une caisse de grève a été mise en place, toutes les participations sont les bienvenues : https://www.lepotcommun.fr/pot/kfy5g3ta

Act of Grève

En ce 14 février 2018, nous, 21 employés d’Eugen Systems, avons décidé de nous mettre en grève. En cette date on pourrait être tenté de se dire que nous avons préféré flatter l’être aimé au lieu de nous rendre, comme il se doit, sur notre lieu de travail. Il n’en n’est rien, même si nous sommes animés d’une certaine passion qui elle en revanche est teintée de fureur.

Cela fait maintenant près de quinze mois que nous discutons avec la direction de graves atteintes à nos droits. Comme n’importe qui à notre place, nous sommes partis du principe que le dialogue, les arguments et la raison seraient plus efficaces qu’une confrontation directe. Après tout un employeur devrait être capable de comprendre que la loi est ce qu’elle est, et qu’il est légitime que ses employés exigent qu’elle soit appliquée, y compris à leur avantage. Devant le mur qui nous a été opposé durant les six premiers mois de négociation, nous avons été contraints de faire appel à un avocat pour rappeler la loi à notre employeur. Rappeler que les minima de salaires ne sont pas sujets à négociation et que ni notre qualification, ni notre contrat de travail ni la loi ne le sont davantage. Des demandes qui se situent bien loin de l’inacceptable. Pour toute réponse nous avons eu des promesses, « tout sera réglé » nous disait-on. Naïfs que nous sommes nous y avons cru.

Plus naïfs encore, nous avons continué à y croire encore de nombreux mois, mais au matin de ce 14 février nous nous sommes rendus à une évidence qui désormais n’échappait plus à grand monde : trop c’est trop.

En arrivant au bureau, chacun d’entre nous a pu découvrir plusieurs mails sur sa boîte professionnelle : tout d’abord un mail collectif nous indiquant que nos heures supplémentaires, non rémunérées jusqu’alors, un sujet de contentieux depuis le début, n’auraient été absentes de nos fiches de paie que par la faute de nos deux gestionnaires de paie successifs. En somme, ce que nous présentions comme une atteinte à nos droits nous est maintenant présenté comme une erreur administrative. Ainsi, notre salaire brut a diminué pour pouvoir justifier nos heures supplémentaires sans nous régulariser d’un centime. Alors même que ces nouveaux salaires bruts passent pour plusieurs salariés en-dessous des minima légaux.

Par ailleurs, un certain nombre d’employés se sont vus annoncer dans un autre mail que les conditions spécifiquement mentionnées dans leur contrat de travail, ainsi que dans la convention collective, n’étaient pas reconnues comme légitimes par la direction. Cette dernière justifiant à ce titre de ne pas leur attribuer les grades, salaires et avantages associés. Quelle joie par exemple pour un développeur bac +4 avec plusieurs années d’expérience et un poste d’ingénieur, que d’arriver un matin et de voir qu’il a désormais le statut et le grade de technicien, avec un salaire qui va de pair.

Cette nouvelle fuite en avant de la direction a mis le feu aux poudres : devant le refus de nous payer comme la loi l’exige, et face à l’absence manifeste de considération pour la valeur de notre travail, nous en sommes arrivés à la conclusion que, pour nous faire entendre, nous n’avions plus d’autre option que de nous mettre en grève.

Nous n’avons pas voulu le conflit, et nous étions même prêts à accepter un certain nombre de compromis. Mais face à un tel manque de respect, il ne nous reste plus qu’à faire usage de nos droits les plus fondamentaux qui, à défaut de résoudre la totalité des problèmes auxquels nous sommes confrontés, aura, espéronsle, le mérite d’attirer l’attention des joueurs, de l’opinion publique ou des élus sur la situation catastrophique de l’industrie pour laquelle nous travaillons.

 

Les employés grévistes d’Eugen Systems, qui, s’il est nécessaire de le rappeler, ne sont pas des PNJ

L’Assemblée Nationale crée un groupe d’études sur le jeu vidéo

Le syndicat des travailleurs et travailleuses du jeu vidéo a suivi la création du groupe d’étude Jeu Vidéo par l’Assemblée Nationale, et pris connaissance du compte rendu qu’en fait le Monde (en ligne via le blog Pixels de lemonde.fr). Nous regrettons évidemment que ce groupe d’étude ne considère pas nos conditions de travail comme un sujet digne d’intérêt. L’Assemblée clame que nous sommes une industrie de pointe, une fierté nationale dont il faut brandir les chiffres et s’enorgueillir, tout en fermant les yeux sur les entorses aux droits des femmes et des hommes qui la font vivre.

Lorsqu’il déclare pour Le Monde : « dans ce secteur, il y a plus d’offres que de demandes, libre à chacun d’aller où bon lui semble », Denis Masseglia montre sa méconnaissance des conditions de recrutement de notre industrie, et son mépris face à ce que vivent les travailleurs et les travailleuses, tous secteurs professionnels confondus. Si dans certains domaines (comme l’ingénierie) il est relativement facile d’être mobile, de rebondir et de changer d’entreprise, c’est tout simplement faux pour la plupart des métiers de notre industrie. En outre, de nombreuses personnes n’ont pas les moyens, le temps ou l’énergie nécessaires pour repartir sur un marché du travail à ce point concurrentiel, par exemple du fait de leur situation familiale, financière ou de santé.

Nous saluons au contraire l’initiative de Danielle Simonnet, qui a présenté au conseil municipal de Paris un vœu invitant la ville a être plus vigilante avec les conditions de travail des entreprises du secteur utilisant de l’argent public pour leurs productions. C’est vers cette reconnaissance, cette attention, que le STJV souhaite voir se diriger notre gouvernement. Nous continuerons à pousser les discussions en ce sens. Nous invitons les responsables politiques, ainsi que celles et ceux qui font notre industrie, à échanger avec nous, à ouvrir un dialogue constructif pour que nous puissions tous exercer nos métiers dans de bonnes conditions, respectueuses des lois et des personnes.

Au sujet du récent scandale à Quantic Dream

Voyant une partie des réactions que cette affaire a provoquées, il nous semble nécessaire d’intervenir et d’exposer clairement notre point de vue en tant que syndicat des travailleurs et travailleuses.

Le STJV a été sollicité par certaines des personnes qui ont été amenées à témoigner. Nous leur avons prodigué conseil et soutien et sommes restés discrets au sujet des litiges qui les opposaient à leur employeur. Par conséquent nous étions informés de plusieurs de ces éléments depuis quelques temps. Travaillant nous-mêmes dans l’industrie, et connaissant bien le respect tout relatif du code du travail qui y règne, il nous a immédiatement paru très clair qu’il fallait prendre ces accusations au sérieux.

Les questions de sexisme ont été largement traitées, nous ajouterons simplement que dans un milieu où l’on estime à 17% la part de femmes, aucune légèreté de traitement n’est acceptable.

Il nous semble important de rappeler qu’en matière de protection des employés, l’employeur a une obligation de résultat. Autrement dit, son obligation n’est pas d’essayer de protéger ses employés face aux risques physiques ou mentaux, mais d’y parvenir.

Par ailleurs nous déplorons la façon dont ont pu être traités certains des employés au vu de ces témoignages. La façon dont y sont décrits le crunch, les méthodes de licenciement et la pression exercée sur les employés nous semble inquiétante.

La société Quantic Dream affirme que toutes les accusations dont elle fait l’objet sont sans fondement.
De notre côté, nous sommes en mesure d’estimer combien il est compliqué de témoigner de nos difficultés. Celles et ceux qui le font ne se retrouvent pas dans cette situation de gaité de cœur. Les menaces de blacklisting et de sabotage de carrière sont en effet courantes, quand nous ne les intériorisons pas, sans même qu’elles aient besoin d’être prononcées. Par conséquent nous pensons que ces témoignages méritent une attention sérieuse.

Certains studios sont plus vertueux que d’autres, nous le savons, mais force est de constater qu’un nombre conséquent d’entre nous a à se plaindre de ses conditions de travail.

Dans notre industrie, nous sommes souvent considérés comme une variable d’ajustement sous le prétexte de notre passion. La pratique quasi systématique du crunch en est l’un des aspects les plus patents, mais ce n’est pas le seul. Le harcèlement sexuel, les salaires au rabais, la mise au placard si ce n’est le harcèlement moral pour les contestataires sont autant de symptômes qui, s’ils ne sont peut-être pas généralisés, sont au moins récurrents.

Nous n’avons pas pour l’instant de chiffres précis à avancer, mais nous y travaillons (voir notre enquête: https://framaforms.org/enquete-stjv-novembre-2017-1508581061). Nous pouvons simplement affirmer que ces problèmes existent. La fin de l’omerta en vigueur dans notre industrie est la condition sine qua non pour que ce problème puisse être estimé et résolu.

Une chose est certaine : ce n’est pas en écrasant par la force brute celles et ceux qui prennent la parole, ni en s’enterrant la tête dans le sable, en ignorant les problèmes, que la situation pourra s’améliorer de façon globale.

Pour notre part, c’est également notre passion pour ce métier qui nous guide dans la démarche de la défense des travailleurs et travailleuses de notre industrie, car nous sommes persuadés que de mauvaises conditions de fabrication n’apportent en fin de compte que des expériences vidéoludiques de moindre qualité.

Un studio de jeu vidéo, une entreprise, et Quantic Dream n’y fait pas exception, n’est pas une entité floue et homogène, mais un collectif humain, composé de personnes qui travaillent ensemble. Ce n’est pas un dirigeant génial éclipsant des petites mains. Refuser d’écouter la parole des travailleurs et travailleuses, voire la discréditer, c’est donc attaquer le studio et c’est attaquer ses productions par la même occasion.

Si nous voulons améliorer la qualité des jeux que nous fabriquons, il va nous falloir être capables de regarder les problèmes en face quand ils sont soulevés. Ce “nous”, ce sont tous les acteurs du milieu, des studios aux joueurs, des éditeurs aux journalistes.

SYNTEC – Quels sont vos droits, et combien vous doit votre employeur ?

Cette note concerne les personnes sous convention collective SYNTEC, qui est en vigueur dans la moitié des studios français, d’après le SNJV (syndicat patronal). Néanmoins, si vous n’êtes pas sous SYNTEC et avez des questions, contactez-nous, nous soutenons tous les travailleurs et toutes les travailleuses, ayant adhéré ou non.

La dernière mise à jour de cette fiche date du 25/02/2024.

Qu’est-ce qu’une convention collective ?

La convention collective est un texte qui complète le droit du travail pour une branche d’activité donnée. Il est négocié nationalement entre des représentant·es du patronat d’une branche professionnelle et des représentant·es syndicaux.

Dans le droit français, il y a plusieurs niveaux de textes régissant l’emploi :

  1. le droit du travail
  2. la convention collective (ou accord de branche)
  3. les accords d’entreprise

Historiquement, ces textes s’appliquaient en suivant une priorité précise qu’on appelle la hiérarchie des normes.
Une convention collective ne pouvait être que plus avantageuse que le droit du travail, et un accord d’entreprise ne pouvait être que plus avantageux que la convention collective.
Mais cette hiérarchie est progressivement remise en question et détruite méthodiquement par le patronat et les politique néolibérales, notamment depuis la Loi Travail de 2016.

Comment connaître ma convention collective ?

Une entreprise est obligée de souscrire à une convention collective, du moment qu’elle dépend d’une branche. En revanche, si le secteur d’activité qu’elle déclare à sa création n’appartient pas à une branche existante, elle n’aura pas de convention collective et dépendra uniquement du droit du travail.
Les patron·nes déclarent parfois des activités… Originales, pour des studios de jeu vidéo, comme « jeux et jouets » ou encore « films d’animation ».

Néanmoins, la plus courante (une grosse moitié des entreprises recensées par le SNJV) reste SYNTEC.
Elle est notamment réputée pour être globalement très peu avantageuse pour les salarié·es.
A titre d’exemple, ses salaires minimum les plus bas passent régulièrement en dessous du SMIC, ne présentant donc absolument aucun intérêt.

Mais si votre entreprise applique bien une convention collective, elle doit être mentionnée :

  • dans votre contrat de travail
  • sur votre bulletin de salaire

Une liste des conventions collectives est disponible sur le site du gouvernement.
Pour SYNTEC, il doit être indiqué « Bureaux d’études techniques, cabinets d’ingénieurs conseils, sociétés de conseils », qui est son nom réel (abrégé BETIC). Néanmoins, l’usage courant est de l’appeler SYNTEC et c’est ce que nous suivrons dans cet article.
Son texte complet est disponible sur légifrance et sur le site de syntec.

Comment connaître les accords d’entreprise qui me concernent ?

Vous pouvez demander à les consulter aux RH ou aux instances représentatives du personnel de votre entreprise.

De plus, depuis 2017, tous les accords d’entreprise sont déposés sur légifrance.

Rémunération des stages

Une gratification est obligatoire dès que le stage dure plus de deux mois (ou 309h si le stage n’est pas effectué en continu). La gratification minimale est fixée à 15% du plafond horaire de la Sécurité Sociale, soit (en 2024) 4.35 € par heure de stage actuellement (soit 609 € pour 20 jours de stage sur un mois). Une convention collective peut lister des minima plus élevés pour les stagiaires, mais SYNTEC ne le fait pas.

Quoi qu’il en soit, l’entreprise où vous effectuez un stage peut tout à fait vous verser plus que la gratification minimale prévue par la loi.
Certains studios gratifient le stage au niveau du SMIC, par exemple.

Rémunération en alternance

De même, la loi prévoit un salaire minimum en alternance, qui est fonction de l’année d’études en cours et de votre âge (et calculé en fonction du SMIC).

Moins de 18 ansDe 18 à moins de 21 ans21 ans et plus
Niveau de formationNiveaux préparés II et IIINiveaux préparés INiveaux préparés II et IIINiveaux préparés I
Année 1583.08 €759.78 €848.12 €971.81 €1,148.50 €
Année 2759.78 €936.47 €1,024.81 €1,148.50 €1,325.19 €
Année 31,024.81 €1,201.51 €1,236.84 €1,413.54 €1,413.54 €

Dans le cas d’un contrat de professionnalisation, la grille est fournie par l’OPCO-ATLAS dans ce document.

Fonctionnement de SYNTEC

Classification

Les employé·es d’une entreprise sous SYNTEC appartiennent forcément à l’une des deux catégories (« collèges ») suivantes :

  1. ETAM : employé·es, technicien·nes et agent·es de maîtrise.
  2. IC : ingénieur·es et cadres

ETAM ou IC?

L’appartenance à un collège se base uniquement sur les prérequis du poste que vous occupez.

A ce titre, l’intention de la convention est de séparer les postes entre ceux qui seraient « peu intellectuels, sans autonomie ni besoin de formation avancée » (ETAM) et ceux qui demanderaient de longues études supérieures, ainsi qu’une « capacité d’autonomie et d’adaptation plus importante » (IC).

Par exemple, la convention prévoit que le collège ETAM s’applique à des postes ne nécessitant aucune formation jusqu’à ceux requérant un BEP.
Le collège IC part du principe que les bénéficiaires auront un diplôme d’ingénieur ou équivalent (BAC+5).
Nous reviendrons à cela juste après.

Car c’est quelque chose qu’on entend et lit souvent, il nous semble important de tuer le mythe :

IL N’EST PAS NÉCESSAIRE DE DIRIGER UNE ÉQUIPE POUR ÊTRE CADRE

Il est aussi bon de noter que le collège IC apporte des avantages matériels non-négligeables, notamment:

  • une meilleure indemnité de licenciement: 33% de mois de salaire par année de présence pour les IC, contre 25% pour les ETAM entre 2 et 20 ans de présence, et 30% après
  • une meilleure indemnisation en cas d’arrêt maladie: 100% du salaire pendant 3 mois pour les IC, tandis que les ETAM ont 1 à 2 mois (selon l’ancienneté) de salaire maintenu à 100%, puis seulement 80% de leur salaire.
  • de meilleures cotisations de retraite
  • une meilleure grille de salaire (détaillée plus bas)
  • un accompagnement de retour dans l’emploi privilégié financé par des cotisations spécifiques (via l’Apec)

De manière générale, le STJV considère qu’aucun des métiers du jeu vidéo ne correspond à une position d’ETAM selon les définitions de la SYNTEC.
Pourtant, une pratique très répandue consiste à placer tous les métiers plus précaires (design, art, QA, …) en ETAM. Nous vous y trompez pas, il s’agit uniquement d’une manière de tirer les salaires vers le bas, car être classifié·e ETAM n’apporte que des désavantages.

Position

Les collèges ETAM et IC sont subdivisés en différentes positions.
Grosso modo, les positions « X.Y » définissent une hiérarchie dans les employé·es en fonction de leur poste, de leurs responsabilités et de leur expérience.
Une position est liée à un poste de travail, non à une personne. C’est l’emploi et le travail demandé qui définit la position, pas votre formation ou vos compétences. En d’autres termes, il est possible d’être « surqualifié » par rapport à sa position.

Coefficient

Chaque position possède un coefficient associé, il s’agit d’un nombre utilisé pour calculer son salaire minimum. Il est impossible d’être payé en dessous de ce salaire brut, à équivalent temps plein.

Votre collège, position et coefficient doivent être indiqués sur vos bulletins de salaire. Ces trois données forment ce qu’on appelle la « classification », qui définit un salaire minimum associé (voir plus bas).

Temps de travail

Une fois que l’on connaît sa classification, il reste encore à traiter une subtilité mais pas des moindres, qui est l’organisation et la durée du travail. Tout d’abord, rappelons la base actuelle du droit français à ce sujet : le contrat de travail prévoit les horaires hebdomadaires, et le défaut est de 35H.
Si votre contrat prévoit plus de 35H par semaines, il doit également prévoir de compenser cette durée supplémentaire, par exemple en attribuant des jours de RTT (Réduction du Temps de Travail). Toute heure effectuée au-delà de la durée prévue dans le contrat de travail est une heure supplémentaire.

La loi stipule également qu’on ne peut pas dépasser 48h de travail hebdomadaire, et qu’un·e salarié·e doit bénéficier d’au moins 11h de repos entre chaque jour de travail.
Plus de précisions sur la durée légale de temps de travail.

Les modalités de gestion des horaires

Cependant, les 35H strictes ne plaisent pas au patronat qui a fait en sorte d’insérer de nombreuses dérogations pour augmenter la durée de travail hebdomadaire, sans pour autant recourir à la compensation classique des heures supplémentaires.

SYNTEC définit trois modalités de gestion du temps de travail :

  • Modalité 1 – Standard : c’est le droit commun qui s’applique. Le temps de travail est de 35H par semaine. Les heures supplémentaires jusqu’à 8H par semaine sont majorées de 25%, de 50% au-delà.
  • Modalité 2 – Forfait heure ou « réalisation de missions » : le temps de travail hebdomadaire est de 35H avec une variation de plus ou moins 10%. C’est-à-dire que vous pouvez travailler 38H30 par semaine sans que l’employeur ne vous doive d’heure supplémentaires.
  • Modalité 3 – Forfait jour ou « réalisation de missions avec autonomie complète » : Le temps de travail est décompté en jours sur l’année. Les heures supplémentaires ne sont pas décomptées.

En ETAM

C’est le cas le plus simple (« modalité 1 ») : par défaut les salarié·es classifié·es en ETAM travaillent aux 35h hebdomadaires, comme c’est la disposition par défaut du droit du travail français.

En Ingénieur-Cadre

Les modalités peuvent être plus variées, mais des rémunérations minimales sont applicables (cf paragraphe « Forfait jour ou forfait heures abusifs »).

Prime de vacances

Explicitée à l’article 31 (lien vers l’article dans sa rédaction actuelle), son montant doit être au minimum égal à 10% des indemnités de congés payés des employé·es (environ 1% de la masse salariale globale).
Chaque employé·e doit en toucher une entre Mai et Novembre. Elle est généralement répartie équitablement ou proportionnellement au salaire de chaque employé·e, à la discrétion de l’employeur.
Elle ne peut pas être incluse dans le salaire de base.

Les problèmes constatés

Nous avons relevé différents types d’abus dans les entreprises, et, bien que les patrons sachent faire preuve de créativité, il y a des classiques :

Horaires de travail illégaux

L’articulation entre modalité de temps de travail et durée hebdomadaire peut être complexe à comprendre, et en effet nous constatons régulièrement des contrats prévoyant des horaires abusifs. Si vous êtes en modalité 1, vos horaires doivent être de 35H hebdomadaires, ou doivent vous accorder des jours de RTT si la durée hebdomadaire du travail est supérieure à 35H pour rattraper la totalité des heures supplémentaires.

De même, en modalité 2, l’horaire hebdomadaire doit également être mentionné dans votre contrat. S’il n’y a pas de précisions de la modalité, le défaut reste les 35H hebdomadaires.

Non-respect des salaires minimum conventionnels

La première chose que vous pouvez vérifier est que vous recevez bien le salaire minimum correspondant à votre grade, ce qui est loin d’être toujours respecté. Votre classification doit être indiquée sur votre fiche de paie et les salaires minimums sont les suivants :

ETAM

PositionCoefficientSalaire min. mensuel brut
1.12401 715 €
1.22501 745 €
2.12751 775 €
2.23101 831 €
2.33551 971 €
3.14002 111 €
3.24502 266 €
3.35002 415 €

IC

PositionCoefficientSalaire min. mensuel brut
1.1952 033 €
1.21002 140 €
2.1
(moins de 26 ans)
1052 241 €
2.1
(26 ans ou plus)
1152 454 €
2.21302 774 €
2.31503 201 €
3.11703 577 €
3.22104 419 €
3.32705 681 €

Contrats ETAM pour des ingénieurs ou assimilés

Une majorité des salariés de nos studios ont au moins un diplôme niveau Bac +5.
Or, selon la convention collective, le statut ETAM s’arrête à Bac + 2. Si vous êtes ETAM, sachez que les positions ETAM correspondent aux niveaux d’étude suivants :

PositionSalaire min. mensuel brutNiveau d’étude demandé par la C.C.
1.*1 558,80 €BEP / CAP / Brevet Professionnel / Brevet de Maîtrise
2.*1 683,75 €Bac / Brevet de Technicien
3.*2 059,80 €BTS

Source : annexe 1, page 50

Bien que ce soit légal si les qualifications requises pour le poste que vous occupez correspondent effectivement à la grille ci-dessus, sachez que si vous embauchez à 1750 € bruts après avoir payé plusieurs milliers d’euros un Bac + 5 dans une école privée, il ne vous est pas interdit de considérer que soit votre employeur, soit votre école se moque de vous.

Toute la question est donc de déterminer : mon travail réel correspond-il à la description associée à ma classification ? Par exemple, quels étaient les prérequis de formation dans l’offre d’emploi ? Si elle mentionnait des études supérieures longues, alors on ne peut pas sérieusement défendre que le poste relève du collège ETAM.

Forfait jour ou forfait heures abusifs

L’application des modalités 2 & 3 de gestion du temps de travail évoquées plus haut sont soumises à des conditions précises stipulées au chapitre 2 de cette annexe.

  • Modalité 2 (Réalisation de missions) : « Tous les Ingénieurs et Cadres sont a priori concernés à condition que leur rémunération soit au moins égale au plafond de la sécurité sociale » ainsi que « Le personnel ainsi autorisé à dépasser l’horaire habituel dans la limite de 10 % doit bénéficier d’une rémunération annuelle au moins égale à 115 % du minimum conventionnel de sa catégorie. » L’interprétation de la jurisprudence pour cette modalité (voir cette décision ainsi que celle-ci), c’est qu’il faut toucher au minimum le Plafond de la Sécurité Sociale mais aussi au minimum 115% du salaire minimum correspondant à son grade.
  • Modalité 3 (Réalisation de missions avec autonomie complète) : « relèvent au minimum de la position 2.3 de la grille de classification des cadres de la convention collective nationale ou bénéficient d’une rémunération annuelle supérieure à deux (2) fois le plafond annuel de la sécurité sociale » et « Le personnel ainsi concerné doit bénéficier d’une rémunération annuelle au moins égale à 120 % du minimum conventionnel de sa catégorie. » Le minimum est donc 120% du salaire minimum pour la position 3.1, ou bien de deux fois le PSS si vous n’êtes pas en position 3.
ModalitéPositionSalaire brut mensuel doit être supérieur àEt supérieur à
2Toutes3864 €115% du salaire minimum correspondant à la position
3Cadre 2.33905.22 €-
3Cadre 3.14292.4 €-
3Cadre 3.25302.8 €-
3Cadre 3.36817.2 €-
3Autres positions7728 € (2x le PMSS)120% du salaire minimum correspondant à la position

Dans les deux cas vous devez être ingénieur-cadre. Pour proposer une modalité 2 ou 3 à des salarié·es ETAM, il faut nécessairement qu’un accord d’entreprise stipule cette possibilité. Au moindre doute, demandez donc à voir l’accord en question.

Comment faire valoir vos droits ?

En cas de litige sur des sujets de rémunération et de temps de travail, si l’employeur est en faute, alors il est tenu de régulariser la situation immédiatement. Il doit également réparer le préjudice de manière rétroactive sur 3 ans, si applicable, c’est à dire vous verser tous les impayés.
Si vous êtes au forfait heure ou jour sans toucher la paie minimum, il doit vous payer les heures supplémentaires que vous avez effectuées, rétroactivement sur 3 ans.

En revanche, si vous avez signé un contrat correspondant à un niveau d’étude plus bas, il faudra prouver que le poste que vous occupez correspond à un niveau d’étude plus haut, c’est plus compliqué. Nous sommes également en train de travailler sur la question.

Que faire ?

Contactez-nous à si vous êtes dans ces cas, nous sommes là pour vous aider. Même si vous ne tenez pas à engager une action pour faire régulariser votre situation, il nous intéresse de savoir où et dans quelle mesure la C.C. SYNTEC est mal appliquée. Nous menons régulièrement des actions (juridiques si nécessaires) pour faire respecter la loi.