L’Assemblée Nationale crée un groupe d’études sur le jeu vidéo

Le syndicat des travailleurs et travailleuses du jeu vidéo a suivi la création du groupe d’étude Jeu Vidéo par l’Assemblée Nationale, et pris connaissance du compte rendu qu’en fait le Monde (en ligne via le blog Pixels de lemonde.fr). Nous regrettons évidemment que ce groupe d’étude ne considère pas nos conditions de travail comme un sujet digne d’intérêt. L’Assemblée clame que nous sommes une industrie de pointe, une fierté nationale dont il faut brandir les chiffres et s’enorgueillir, tout en fermant les yeux sur les entorses aux droits des femmes et des hommes qui la font vivre.

Lorsqu’il déclare pour Le Monde : « dans ce secteur, il y a plus d’offres que de demandes, libre à chacun d’aller où bon lui semble », Denis Masseglia montre sa méconnaissance des conditions de recrutement de notre industrie, et son mépris face à ce que vivent les travailleurs et les travailleuses, tous secteurs professionnels confondus. Si dans certains domaines (comme l’ingénierie) il est relativement facile d’être mobile, de rebondir et de changer d’entreprise, c’est tout simplement faux pour la plupart des métiers de notre industrie. En outre, de nombreuses personnes n’ont pas les moyens, le temps ou l’énergie nécessaires pour repartir sur un marché du travail à ce point concurrentiel, par exemple du fait de leur situation familiale, financière ou de santé.

Nous saluons au contraire l’initiative de Danielle Simonnet, qui a présenté au conseil municipal de Paris un vœu invitant la ville a être plus vigilante avec les conditions de travail des entreprises du secteur utilisant de l’argent public pour leurs productions. C’est vers cette reconnaissance, cette attention, que le STJV souhaite voir se diriger notre gouvernement. Nous continuerons à pousser les discussions en ce sens. Nous invitons les responsables politiques, ainsi que celles et ceux qui font notre industrie, à échanger avec nous, à ouvrir un dialogue constructif pour que nous puissions tous exercer nos métiers dans de bonnes conditions, respectueuses des lois et des personnes.

Au sujet du récent scandale à Quantic Dream

Voyant une partie des réactions que cette affaire a provoquées, il nous semble nécessaire d’intervenir et d’exposer clairement notre point de vue en tant que syndicat des travailleurs et travailleuses.

Le STJV a été sollicité par certaines des personnes qui ont été amenées à témoigner. Nous leur avons prodigué conseil et soutien et sommes restés discrets au sujet des litiges qui les opposaient à leur employeur. Par conséquent nous étions informés de plusieurs de ces éléments depuis quelques temps. Travaillant nous-mêmes dans l’industrie, et connaissant bien le respect tout relatif du code du travail qui y règne, il nous a immédiatement paru très clair qu’il fallait prendre ces accusations au sérieux.

Les questions de sexisme ont été largement traitées, nous ajouterons simplement que dans un milieu où l’on estime à 17% la part de femmes, aucune légèreté de traitement n’est acceptable.

Il nous semble important de rappeler qu’en matière de protection des employés, l’employeur a une obligation de résultat. Autrement dit, son obligation n’est pas d’essayer de protéger ses employés face aux risques physiques ou mentaux, mais d’y parvenir.

Par ailleurs nous déplorons la façon dont ont pu être traités certains des employés au vu de ces témoignages. La façon dont y sont décrits le crunch, les méthodes de licenciement et la pression exercée sur les employés nous semble inquiétante.

La société Quantic Dream affirme que toutes les accusations dont elle fait l’objet sont sans fondement.
De notre côté, nous sommes en mesure d’estimer combien il est compliqué de témoigner de nos difficultés. Celles et ceux qui le font ne se retrouvent pas dans cette situation de gaité de cœur. Les menaces de blacklisting et de sabotage de carrière sont en effet courantes, quand nous ne les intériorisons pas, sans même qu’elles aient besoin d’être prononcées. Par conséquent nous pensons que ces témoignages méritent une attention sérieuse.

Certains studios sont plus vertueux que d’autres, nous le savons, mais force est de constater qu’un nombre conséquent d’entre nous a à se plaindre de ses conditions de travail.

Dans notre industrie, nous sommes souvent considérés comme une variable d’ajustement sous le prétexte de notre passion. La pratique quasi systématique du crunch en est l’un des aspects les plus patents, mais ce n’est pas le seul. Le harcèlement sexuel, les salaires au rabais, la mise au placard si ce n’est le harcèlement moral pour les contestataires sont autant de symptômes qui, s’ils ne sont peut-être pas généralisés, sont au moins récurrents.

Nous n’avons pas pour l’instant de chiffres précis à avancer, mais nous y travaillons (voir notre enquête: https://framaforms.org/enquete-stjv-novembre-2017-1508581061). Nous pouvons simplement affirmer que ces problèmes existent. La fin de l’omerta en vigueur dans notre industrie est la condition sine qua non pour que ce problème puisse être estimé et résolu.

Une chose est certaine : ce n’est pas en écrasant par la force brute celles et ceux qui prennent la parole, ni en s’enterrant la tête dans le sable, en ignorant les problèmes, que la situation pourra s’améliorer de façon globale.

Pour notre part, c’est également notre passion pour ce métier qui nous guide dans la démarche de la défense des travailleurs et travailleuses de notre industrie, car nous sommes persuadés que de mauvaises conditions de fabrication n’apportent en fin de compte que des expériences vidéoludiques de moindre qualité.

Un studio de jeu vidéo, une entreprise, et Quantic Dream n’y fait pas exception, n’est pas une entité floue et homogène, mais un collectif humain, composé de personnes qui travaillent ensemble. Ce n’est pas un dirigeant génial éclipsant des petites mains. Refuser d’écouter la parole des travailleurs et travailleuses, voire la discréditer, c’est donc attaquer le studio et c’est attaquer ses productions par la même occasion.

Si nous voulons améliorer la qualité des jeux que nous fabriquons, il va nous falloir être capables de regarder les problèmes en face quand ils sont soulevés. Ce “nous”, ce sont tous les acteurs du milieu, des studios aux joueurs, des éditeurs aux journalistes.

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