Le recul des droits en France et dans le monde
En France, alors que la population générale se montre de plus en plus acceptante des personnes LGBTQIA+, le système politique et les media dominants s’enfoncent dans une spirale haineuse et mortifère de paniques morales pour justifier leurs idées abjectes et leur projet de société cis-hetéro-normatif (1).
Pendant que le Sénat adopte une proposition de loi qui limite l’accès aux transitions pour les mineur·es, Emmanuel Macron déclare qu’il serait « ubuesque de changer de sexe en mairie ». La moitié des personnes LGBTQIA+ déclarent subir un rejet général ; un tiers déclare avoir subi des insultes ; et plus d’une personne sur 10 a été victime d’agression physique en raison de son identité, genre et/ou orientation sexuelle.
Les LGBTQIAphobies tuent. En 2024, sur les 186 cas d’agressions violentes recensés par SOS Homophobie en France, 5 sont des meurtres, et il ne s’agit là que des cas recensés. Ces attaquent combinent souvent plusieurs autres discriminations telles que le racisme, le validisme, le classisme, la putophobie ou la sérophobie.
L’offensive réactionnaire bat son plein à l’échelle mondiale, avec notamment une décision anti-trans grave, tout particulièrement contre les femmes trans, sur l’accès aux espaces genrés au Royaume-Uni et l’annihilation du self-id sous Trump aux USA. Être trans est toujours criminalisé, et peut entraîner des peines allant jusqu’à la peine de mort, dans plusieurs pays. Il est intéressant de noter que, pendant que nos droits sont attaqués, leurs assaillants se posent en protecteurs pour justifier des génocides, notamment celui des palestinien·nes commis par Israël, en dépeignant leurs victimes comme des homophobes.
Au milieu de tout cela, le mois des fiertés sera encore une fois l’occasion pour les entreprises, les gouvernements, les génocidaires et plus généralement pour tout l’appareil de domination capitaliste, de se laver les mains. Quand on a les mains rouges de sang, les frotter quelques secondes suffirait apparemment à les rendre rose.
Et dans le jeu vidéo ?
Bien que certains groupes réactionnaires, inspirés de près ou de loin par le « gamergate »(2) trouvent les jeux vidéo trop « woke », appellent au boycott des jeux qu’ils imaginent touchés par le spectre du « DEI »(3) et harcèlent les travailleureuses du secteur, la réalité ne pourrait pas se situer plus loin de leurs affabulations complotistes.
En effet, les personnes LGBTQIA+ n’ont jamais autant servi de caution pour la machine capitaliste : nos histoires et nos vies, quand elles ne sont pas portées uniquement sur nos épaules, sont largement maltraitées par des directions créatives ignorantes ou carrément mal intentionnées, quand elles ne sont pas purement abandonnées après nos départs des entreprises qui nous (re)mettent au placard dès qu’on fait trop de bruit.
Les écoles, qui cherchent à produire à la chaîne des travailleureuses dociles, habituent les étudiant‧es au déluge de violences qu’iels subiront en entreprise.
Les entreprises comme Don’t Nod, Quantic Dream, Ubisoft, Blizzard… affichent un logo arc-en-ciel 30 jours dans l’année, mais favorisent structurellement et protègent les comportements LGBTQIAphobes, comme peuvent en témoigner bon nombre de travailleureuses.
Les patron‧nes ne sont pas nos allié‧es dans cette lutte pour nos droits et, s’iels nous donnent parfois la parole, c’est uniquement quand iels peuvent en tirer un bénéfice.
Pour les joueureuses, le constat n’est pas plus reluisant. La faible modération des espaces multijoueurs laisse place à des violences communes, et les communautés doivent s’organiser entre elles et bénévolement pour proposer des espaces moins violents. L’obstination des directions créatives à représenter nos souffrances plus que nos joies, car c’est tout ce qu’elles connaissent de nos vies en nous les faisant subir, dépeint une image bien sombre dans beaucoup de nos jeux.
On bombe le torse et on se retrousse les manches
La seule réponse efficace aux attaques dirigées contre nous est une solidarité de classe sans faille, partout, tout le temps. Les personnes LGBTQIA+ sont aussi des travailleureuses, et donc la libération des travailleureuses ne peut pas se faire sans la libération des personnes LGBTQIA+. Les syndicats se doivent d’être un refuge et un lieu de lutte pour porter nos combats collectivement.
À cet effet, nous mettons la main à la pâte toute l’année. Si vous êtes victime ou témoin de violences LGBTQIAphobes, contactez vos sections syndicales ou prenez contact via . Nous défendons toute personne, adhérente ou non.
Nous appelons aussi à participer à toutes les luttes, pas uniquement les luttes LGBTQIA+. Si les oppressions convergent, alors les luttes le doivent également : antiracisme, antivalidisme, antifascisme et féminisme sont nécessaires à notre libération collective.
Nous mettrons en avant pendant ce mois de juin diverses organisations et mobilisations luttant pour notre libération et nous vous invitons à rejoindre ces luttes. Nous fournirons également témoignages et analyses permettant de mettre en lumière ce que l’industrie du jeu vidéo fait réellement subir aux personnes LGBTQIA+ quand le vernis craque.
Nos revendications sont la suite logique de ces actions et nous continuerons à lutter pour les faire advenir au sein des entreprises :
- la fin des recours aux CDD pour lutter contre la précarisation des personnes marginalisées ;
- l’imposition de grilles salariales publiques dans les entreprises, pour mettre fin aux discriminations salariales qui touchent de manière disproportionnée les minorités ;
- le remboursement à 100 % de toute consultation ou acte médical par les mutuelles d’entreprise, y compris les parcours de transition pour les personnes transgenres ;
- l’utilisation des prénoms et noms d’usage au travail sur simple demande, sans poser de questions ni demander de justificatifs ;
- l’imposition de congés parentaux égaux et obligatoires, y compris en cas d’adoption, pour tous les couples ;
- l’intégration des représentant‧es du personnel et des syndicats dans les processus d’alerte et de gestion des discriminations et violences en entreprise, pour pouvoir y faire entendre la voix des personnes concerné‧es ;
- l’intégration de toustes les travailleureuses dans les processus décisionnels et créatifs, et leur transparence totale, pour que chaque personne concernée puisse être consultée et agir sur les choix de l’entreprise.
Ces revendications ne seront pas acquises en faisant appel à la bonne volonté de nos oppresseurs mais conquises par la solidarité, l’action collective, la grève et le rapport de force.

Lexique
(1) cis-hétéro-normatif : qui impose une vision de la société hétérosexuelle et cisgenre, en opposition aux luttes LGBTQIA+
(2) gamergate : mouvement d’extrême-droite ayant pris racine dans les années 2010 en s’opposant à la présence des femmes, des personnes racisées ou encore des personnes LGBTQIA+ dans le studios et dans les jeux eux-mêmes
(3) DEI : Diversity, Equality and Inclusion, nom donné aux différents programmes qui favorisent l’inclusivité et la diversité au sein des entreprises et des productions