L’une des activités les plus importantes du STJV est de venir en aide aux travailleur·ses quand iels rencontrent un problème lié de près ou de loin au travail.
Nous nous rendons compte que, malheureusement, les demandes d’aide arrivent assez tard, quand les travailleur·ses sont déjà dans une situation très critique. Si se défendre face aux abus des patron·e·s est difficile – à cause de la politique des gouvernements successifs – ce n’est pas une fatalité.
Il nous apparait nécessaire d’adopter certaines habitudes et de mettre en place des protections en amont de tout conflit, et de sensibiliser les travailleur·ses, même lorsque les conditions de travail apparaissent comme bonnes. Nul·le n’est à l’abri d’un revirement de situation.
Notre doctrine d’assistance est de pouvoir se protéger et intervenir au plus tôt afin de ne pas se retrouver dans une situation compliquée en premier lieu. Cela implique que la prévention, la formation et la préparation individuelle en amont sont fondamentales.
Entendons-nous bien : nous avons toutes les raisons de penser qu’au cours de votre carrière (et oui, cela inclut les études), vous allez être confronté·e à une situation de conflit ou d’abus avec votre employeur, hiérarchie, parfois vos collègues… Virtuellement toustes les travailleur·ses ont été ou vont être victimes dans l’environnement professionnel, la question est de savoir quand et avec quel niveau de préparation.
L’objectif de cette fiche est d’éviter que la situation dérape en vous donnant les réflexes de base pour montrer à l’employeur que vous connaissez vos droits et que vous ne serez pas une proie facile. Ces principes visent deux buts :
- Premièrement : mettre toutes les chances de votre côté pour mettre fin à un abus ;
- Deuxièmement : préparer le terrain à un possible contentieux en justice si votre employeur devait persévérer dans ses affres.
La justice est biaisée en faveur des entreprises et, pour se défendre, il faut faire les choses dans l’ordre et démontrer qu’on a été un·e bon travailleur·ses. Malheureusement, tarder à prendre des conseils amène à passer à côté d’occasions faciles de renforcer son dossier.
Cette fiche pratique a donc pour objectif de lister les outils à disposition pour naviguer au mieux dans le monde professionnel avant, pendant et après un litige.
Rappel important :
Le STJV apporte son aide inconditionnellement dans la mesure de ses moyens (humains et financiers), même sans avoir adhéré. Nous ne sommes pas un service mais une expression de solidarité. Si vous pensez être victime d’un préjudice quelconque, contactez-nous via notre formulaire de contact.
1. Les mythes à déconstruire
Se protéger et faire en sorte de travailler dans un environnement sain, c’est d’abord être réaliste et pragmatique sur le milieu professionnel.
Il est donc important de se prémunir contre les mythes qui ont été construits par le patronat dans l’industrie du jeu vidéo (et ailleurs) et de connaître les limites que votre employeur n’a pas le droit de dépasser.
Les mythes à déconstruire
Mythe n°1 : « On est une grande famille / On est cool / On se prend pas la tête »
Un contrat de travail établis un lien par lequel l’employeur exerce son pouvoir de direction sur l’employé·e. C’est une relation de subordination. Il en va de même pour la majorité des « freelance » qui sont en réalité en situation de salariat déguisé.
Les relations d’« amitié » entre patron·e et travailleur·se ne peuvent pas être équilibrées. Cela se constate souvent au moment où lea travailleur·se demande de meilleures conditions de travail.
Pour cette raison, il est préférable de rester sur ses gardes quand la personne pour qui vous travaillez essaye de devenir votre ami·e.
La rhétorique de la famille est universellement utilisée pour atténuer la perception de manquements (travail sans contrat, paiement en retard, heures supplémentaires sans compensation, pression, harcèlement…) de l’employeur par les travailleurs·ses. Il s’agit tout simplement de manipulation.
Il vaut mieux prendre de la distance et demander calmement mais fermement à ce que vos droits soient respectés, conformément au code du travail et aux conventions collectives.
Mythe n°2 : « Vous avez de la chance d’être là »
Les patron·es aiment entretenir l’idée qu’iels font une énorme faveur aux personnes qu’iels emploient en les acceptant dans leur entreprise. C’est une inversion totale de la réalité, malheureusement communément admise. Si faire carrière dans le jeu vidéo n’est pas forcément facile, il est important de rappeler qu’une entreprise ne vaut rien sans les personnes qui y travaillent : les jeux ne se fabriquent pas tout seuls.
Gardez en tête que l’entreprise qui vous emploie ne le fait pas par bonté de cœur mais par intérêt économique et que si elle vous a embauché·e, c’est qu’elle tire un bénéfice de l’exploitation de votre travail.
Vous avez une formation, un métier, des connaissances et de l’expérience. Cela a de la valeur.
Mythe n°3 : « C’est un métier passion »
Au STJV, nous croyons fermement que prendre soin de notre santé est une priorité. C’est se donner la possibilité de profiter de ce qui nous passionne sur la durée.
La passion des travailleurs·ses pour leur métier est un levier dont les entreprises abusent de manière systémique, dans toutes les industries et pour tous les métiers, pour justifier les mauvaises conditions de travail et les infractions généralisés.
Encore une fois, il s’agit de manipulation dans le but d’extraire toujours plus de travail, sans le rémunérer à sa juste valeur ni fournir des conditions de travail dignes.
La « passion » est ainsi invoquée pour réclamer de l’investissement supplémentaire, des heures supplémentaires, des bas salaires, un dévouement au projet et à l’entreprise, une obéissance aveugle, etc.
Ce mythe n’engendre que stress, épuisement professionnel (burnout), turnover, perte de connaissance, désorganisation…
Demandez-vous bien à qui profite votre investissement en temps et en énergie lorsque que vous donnez de votre personne au-delà de ce que stipule votre contrat de travail.
Mythe n°4 : « Les RH sont là pour votre bien »
C’est absolument faux, et le contraire en réalité. Comme nous l’ont montré tous les scandales et enquêtes de ces dernières années, le rôle des départements RH est systématiquement de couvrir et défendre l’entreprise, au mépris des victimes. Cela malgré tous les pink-, green-, et autres washings.
Il ne s’agit pas d’une question de qualité, bienveillance ou compétence des personnes dans les départements RH, mais de structure. La fonction première des Ressources Humaines est d’assurer le fonctionnement économique de l’entreprise, de mettre en place la gestion des travailleurs·ses comme une ressource comme une autre.
La personne RH que vous connaissez peut bien être la plus sympa au monde, cela ne change rien au fait qu’à partir du moment où vous lui remontez un abus de l’employeur, elle sera dans le meilleur des cas face à un conflit de valeurs. Son employeur (dont dépend son emploi, donc sa sécurité financière et plus largement sa vie) n’a pas intérêt à cesser son abus puisqu’il y trouve un bénéfice et va lui ordonner de trouver un moyen en ce sens. Ce n’est donc pas surprenant que les RHs se retrouvent à ignorer, mettre sous le tapis ou atténuer des comportements répréhensibles commis par des personnes en situation de pouvoir dans l’entreprise.
Mythe n°5 : « Le patron va me blacklister si je l’ouvre »
La peur du blacklisting est compréhensible, mais extrêmement exagérée. De notre expérience syndicale depuis 8 ans, les cas avérés doivent se compter sur les doigts d’une main.
Les patron·nes sont certes organisés via le SNJV et le SELL, mais ils ne sont pas ami·es pour autant. Et ils sont loin de tous avoir la même importance en leur sein. Ironiquement, la menace du blacklisting est toujours employée par des petits patrons peu sûrs d’eux, qui n’ont absolument pas la capacité d’appliquer un quelconque blacklisting. En exagérant largement leur influence, ils espèrent asseoir encore plus leur emprise et domination sur les travailleurs·ses.
« Jean-Michel Indé » a peut-être croisé un·e patron·ne de grand studio dans les couloirs de la GDC en 2015, ce n’est pas pour autant qu’il serait écouté par lui/elle.
L’industrie française est certes relativement petite, mais elle est maintenant syndiquée. Au début de l’année 2025, le STJV approche les 10% de syndicalisation. Le mécanisme de l’omerta ne peut plus fonctionner dans cette configuration : maintenant, tout le monde l’ouvre.
2. Les points de vigilance
Les points de vigilance
Point de vigilance n°1 : Protéger sa liberté d’expression au travail
La liberté d’expression en entreprise est protégée par :
- la liberté d’expression individuelle, un droit fondamental énoncé dans la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen
- la liberté d’expression directe et collective, dans le Code du Travail
Le code du travail dispose que
Les salariés bénéficient d’un droit à l’expression directe et collective sur le contenu, les conditions d’exercice et l’organisation de leur travail.
L’expression directe et collective des salariés a pour objet de définir les actions à mettre en oeuvre pour améliorer leurs conditions de travail, l’organisation de l’activité et la qualité de la production dans l’unité de travail à laquelle ils appartiennent et dans l’entreprise.
Les opinions que les salariés, quelle que soit leur place dans la hiérarchie professionnelle, émettent dans l’exercice du droit d’expression ne peuvent motiver une sanction ou un licenciement.
Vous ne pouvez donc pas être sanctionné·e de quelque manière que ce soit pour avoir parlé de vos conditions de travail ou de votre salaire. Le patronat fait pression sur les travailleurs·ses en prétextant une « confidentialité » abusive au sein de l’entreprise : c’est absolument faux.
Si vous vous rendez compte que votre employeur vous paie en-dessous des minima conventionnels, nous vous encourageons au contraire à en parler avec vos collègues et à construire une revendication collective à ce sujet.
Point de vigilance n°2 : Créer de la solidarité
Quoi qu’il arrive, et que votre travail se passe bien ou mal, il y a une constante : ensemble on est plus fort. Les patron·nes le savent bien et vont tout faire pour casser ou empêcher de créer des liens de solidarité.
Le regroupement des travailleureuses est un préalable indispensable à l’amélioration des conditions de travail puisqu’elles sont partagées. En conséquence, le patronat joue toujours la même partition : diviser pour mieux régner. Cela peut prendre de nombreuses formes : opposer les unes aux autres, punir pour l’exemple, encourager la docilité de certain·es, individualiser les problèmes collectifs, faire de la rétention d’information, changer de discours suivant l’interlocuteurice…
La parade est toujours la même : discuter, puis agir, collectivement. Méfiez-vous de toute action qui isole les collègues et cultivez un collectif de travail soudé.
Point de vigilance n°3 : Ne rien signer
Parfois de lui-même, mais souvent en réaction à une situation conflictuelle, par exemple face à une demande de régularisation de salaire, l’employeur va tenter de vous faire signer des modifications de contrat, avenants ou autre.
Hors cas très particuliers, vous n’avez aucune obligation de signer un papier juste parce qu’on vous le demande. Dans 99% des cas, l’employeur croit pouvoir vous mettre sous pression afin d’antidater un document ou de modifier le contrat à son avantage pour cacher un manquement de sa part.
Par défaut, on ne signe rien sans en parler au CSE et au syndicat. Demandez à l’employeur sur quels articles de loi il se base pour justifier sa demande. Discutez-en avec vos collègues.
Point de vigilance n°4 : Ne pas se dévaluer
Par défaut, les travailleureuses sont honnêtes. Ce trait de caractère est facilement exploitable par l’employeur, en particulier lors des entretiens professionnels.
Il est humain et compréhensible de croire au bien-fondé de ces entretiens. Mais le plus souvent il s’agit d’une mascarade et les décisions d’augmentations etc., ont déjà été prises en amont. Par contre, il y a une chose à laquelle ils servent bien, et c’est trouver des reproches à faire à quelqu’un qui a été pris en grippe et dont on veut se débarrasser.
Il est assez courant que les entreprises épluchent, entre autres, les entretiens passés afin de créer de toutes pièces des reproches infondés et justifier des sanctions voire des licenciements.
Pour se protéger, il faut donc éviter de se dévaluer, de faire son autocritique, de pointer des choses qu’on aurait pu mieux réaliser, bref : ne pas offrir à l’employeur des arguments pour nous faire des reproches.
La remise en question peut être bonne et nécessaire, mais elle se fait avec ses collègues et camarades, pas avec le patronat.
Plutôt que se dévaluer, il est utile en cas de reproches de mentionner à l’employeur les causes externes de nos problèmes : surcharge de travail, défaut de communication de la hiérarchie, pressions, tâches ne correspondant pas au poste…
3. Les bons réflexes à avoir quand tout va bien
Les bons réflexes à avoir quand tout va bien
Habituez votre entourage professionnel à communiquer par écrit
La grande difficulté quand on décide de faire valoir ses droits en justice réside dans la collecte de preuves. Juridiquement parlant, les traces écrites sont les éléments qui sont le plus pris au sérieux lors de l’examen d’un litige. Les employeurs en ont parfaitement conscience et vont pour cette raison toujours procéder par des échanges oraux, sans traces, pour commettre leurs méfaits.
Un bon moyen de contrer cette tactique est de faire de l’échange de mail votre mode de communication par défaut. Posez vos questions par écrit, faites des résumés de réunion que vous envoyez par mail, bref gardez des traces et habituez votre entourage professionnel à cette manière de communiquer.
Souscrire à une protection juridique auprès de son assurance
Si vous pouvez vous le permettre, nous recommandons fortement de vous protéger sur le plan juridique. Les protections juridiques qu’offrent les assurances (notamment habitation) permettent souvent la prise en charge des honoraires d’un·e avocat·e dans l’éventualité où vous auriez besoin d’être assisté·e suite à un litige professionnel. Cette protection coûte en moyenne 8€/mois selon les assurances et est parfois inclue d’office dans votre contrat.
Une procédure aux prud’hommes peut coûter plusieurs milliers d’euros. Avoir une protection permet de financer tout ou partie de ces procédures, de se sentir plus légitime et plus protégé si vous étiez amené à devoir vous défendre en passant par un tribunal.
Se syndiquer
Comme expliqué plus haut, le rapport de force entre employé·es et employeurs est déséquilibré. Pour se protéger au mieux face aux abus et aux conditions de travail toujours plus précarisées, il est primordial de s’organiser entre travailleurs·ses.
Se syndiquer permet de ne pas rester seul·e, d’apprendre à connaître ses droits, de se créer un filet de sécurité sociale et mentale en cas de difficultés professionnelles et d’améliorer les conditions de travail de tou·tes dans l’industrie. Des belles victoires ont été remportées par le STJV grâce au travail des travailleurs·ses. Prendre part à la lutte redonne confiance dans sa capacité d’action et chasse la sensation d’impuissance face aux injustices récurrentes dans le monde du travail.
S’assurer de la présence d’un CSE dans son entreprise
Le rôle du CSE est de représenter les salarié·es auprès de l’employeur. Sa présence dans une entreprise est obligatoire à partir de 11 salarié·es (équivalent temps plein, sur 1 an). Il est l’interlocuteur privilégié en cas de conflits entre la direction et les travailleur·ses et dispose de diverses prérogatives et informations pour assurer la défense et la représentation des salarié·es.
Dans le milieu du jeu vidéo (et en particulier dans les petites entreprises), il est courant que les patron·es rechignent à mettre en place un CSE. Iels peuvent par exemple manquer à leur obligation d’information au sujet de l’élection du CSE pour empêcher leur tenue, ou prolonger une période de carence (absence de CSE dans l’entreprise).
En tant qu’employé·e, vous avez cependant divers recours pour contrer ces méthodes, en particulier demander à ce que des élections soient organisées quand le CSE devient obligatoire, ou réorganisées quatre mois après une carence.
Dans tous les cas, nous vous invitons à vous rapprocher du STJV pour organiser ces élections : nous vous aiderons à son organisation et à obtenir de meilleures conditions.
Si votre entreprise a déjà un CSE, rapprochez-vous-en et essayez d’estimer à quel point il remplit bien son rôle. En fonction de sa relation avec la direction et de son engagement politique, vous pourrez estimer s’il peut vous aider en cas de difficultés au sein de l’entreprise.
Faire vivre une section syndicale
Les travailleur·ses syndiqué·es d’une entreprise forment une section syndicale. Elle représente le syndicat auprès de l’employeur et sert à communiquer avec les collègues. C’est le meilleur cadre pour discuter et réfléchir collectivement aux problèmes rencontrés dans l’entreprise, puis lutter contre.
La section peut désigner un·e Responsable de Section Syndicale ou Délégué·e Syndical·e, version améliorée en cas de victoire aux élections du CSE. En présence d’un·e Délégué·e Syndical·e, l’entreprise est obligée d’obtenir sa signature pour appliquer tout ce qui relève d’un accord d’entreprise. Elle doit également tenir des Négociations Annuelles Obligatoires.
4. Les bons réflexes à avoir quand la situation se dégrade
La première étape est de savoir repérer quand votre situation professionnelle se détériore. Certains évènements en entreprise sont des signes classiques des situations de maltraitance et sont donc des points sur lesquels il faut se montrer vigilant·e.
Les bons réflexes à avoir quand la situation se dégrade
Voici une liste, non-exhaustive, des cas typiques qui doivent mettre en alerte :
- les priorités de travail changent régulièrement, on vous met la pression ;
- une quantité non négligeable de travail est jetée ;
- l’employeur vous demande des heures supplémentaires (a fortiori non-payées) ;
- des gens n’ont aucune tâche à remplir ;
- une personne fait l’objet de beaucoup de plaintes ;
- une personne connue pour son comportement déplacé est embauchée dans votre entreprise ;
- vous remarquez que certains·es de vos collègues sont humiliés·es, rabaissés·es, ou mis·es au placard ;
- les salaires sont payés en retard ;
- de plus en plus de personnes démissionnent (turn-over important) ;
- des personnes clés sont licenciées (notamment celleux chargé ·es de l’organisation de l’entreprise et/ou de la charge de travail) ;
- votre entreprise commence à rencontrer d’importants problèmes financiers.
On est souvent amené à minimiser ce qu’on vit dans le cadre professionnel. C’est un comportement très répandu et parfaitement normal puisque notre revenu (et donc notre survie) dépend de notre capacité à conserver un emploi.
Cependant, si fermer les yeux sur des situations de maltraitance dans le cadre professionnel peut être rassurant sur le moment, le risque d’en payer le prix fort plus tard par des burnouts, dépressions, une incapacité à travailler… est conséquent.
Il est donc important d’avoir en tête les signaux qui doivent vous mettre en alerte. Un bon moyen objectif d’y parvenir est de noter chez soi les indicateurs de mal-être les plus classiques, tels que : difficulté à parler de son travail sinon pour s’en plaindre, irritabilité, troubles alimentaires, difficulté à ressentir de l’empathie (symptôme de burnout), troubles du sommeil, cauchemars, troubles de la mémoire, sensation de nausée avant d’aller au travail, etc.
Nous conseillons à tout le monde de remplir ce questionnaire pour évaluer son état de burnout, il pourrait révéler des surprises.
Prévenir l’employeur
Quand vous vous rendez compte que vous êtes victime d’un abus, quel qu’il soit (venant de l’employeur ou d’un·e collègue, d’un·e prestataire, qu’il soit financier, moral ou physique, etc), vous devez en avertir l’employeur.
Pour le faire au mieux, il faut suivre les conseils qui suivent dans cette fiche, mais l’information importante à retenir est que plus vous prévenez tôt du problème, plus cela vous sécurise par la suite.
L’employeur est légalement obligé d’engager des moyens pour prévenir et faire cesser les dangers, risques, harcèlement, maltraitances, etc. S’il peut légitimement dire qu’il n’était pas au courant, alors la justice ne le considérera pas en faute.
Demander conseil autour de soi
De nombreuses personnes ont pour réflexe de s’isoler quand elles rencontrent des difficultés dans la sphère professionnelle. Les raisons qui peuvent pousser à un tel comportements varient d’une personne à l’autre mais ne sont souvent que partiellement fondées : peur, honte, culpabilité etc. Il est important de surmonter ce réflexe en communiquant autour de soi sur les difficultés rencontrées, afin de faire un état des lieux de la situation dans laquelle vous êtes.
Parlez-en à vos collègues. Contactez des associations, des syndicats, parlez à des personnes de confiance et/ou à des médecins. Vous pouvez même appeler anonymement l’inspection du travail et/ou le conseil des prud’hommes afin de demander des renseignements, sans que ça ne vous engage à quoi que ce soit et sans même avoir à renseigner votre nom ou celui de votre entreprise.
En cas de doute, parler, chercher à comprendre, interroger permet de réaliser si ce qu’on vit est normal ou non et d’avoir accès à des ressources ou des solutions auxquelles on n’aurait pas forcément pensé.
Prendre des notes
Dans les cas de maltraitance au travail, le temps peut passer très vite et le potentiel état de sidération dans lequel la victime se trouve peut jouer sur sa mémoire. Même sans preuves, tenir un journal des situations qui ont été dommageables pour vous, avec les faits, les noms des personnes impliquées et les dates permet d’avoir une vision plus claire et plus objective des problèmes que vous rencontrez.
De plus, dans le cas où vous feriez appel à des professionnels de santé et/ou du droit, avoir accès à ce journal vous permettra d’exposer de façon beaucoup plus claire la situation et d’obtenir une meilleure assistance.
Cela peut même aider dans une procédure judiciaire. Par exemple, avoir noté ses heures supplémentaires avec les dates sera recevable comme preuve, et l’employeur devra prouver qu’il ne vous les a pas demandées et qu’il a fait en sorte de vous empêcher de les réaliser.
Aller voir un·e professionnel·le de santé
Réaliser qu’on va mal et prendre des décisions appropriées pour se défendre en cas de maltraitance professionnelle peut être très difficile quand on manque de recul.
En particulier, en cas des symptômes cités précédemment, votre premier réflexe doit être d’aller consulter en expliquant votre souffrance liée au travail.
Consulter un·e professionnel·le de santé permet d’abord de faire un état des lieux de la situation à l’aide d’un regard extérieur compétent. Si votre médecin le juge approprié, vous mettre en arrêt maladie vous permettra en plus de faire le point sur l’environnement qui vous affecte et de prendre le temps d’analyser calmement la situation. Vous pouvez éventuellement utiliser ce temps pour prendre rendez-vous avec des spécialistes en fonction des problèmes de santé que vous rencontrez, faire observer votre état de santé mental et physique (ce qui a également l’avantage de créer des preuves en cas de poursuites judiciaires par la suite), et demander conseil à votre entourage.
En cas d’urgence, il existe par exemple SOS Médecins (service payant). Les mutuelles (que vous avez obligatoirement avec un contrat de travail) proposent parfois des services de télé-consultation gratuits.
C’est aussi une bonne idée de demander un rendez-vous auprès de votre médecine du travail, pour faire un bilan de votre état de santé (et de sa potentielle dégradation), d’obtenir des informations sur les éventuels aménagements que vous êtes en droit de demander, etc.
Les rendez-vous ont lieu durant les horaires de travail et impliquent donc que l’employeur soit notifié, mais il n’aura pas connaissance de la raison de la demande ou de leur contenu.
Nous vous invitons à insister auprès des médecins pour que votre condition soit déclarée comme maladie professionnelle.
Réunir des preuves
Si vous estimez que votre situation professionnelle commence à être difficile, la première étape est de réunir autant de preuves que possible sur du matériel informatique qui vous appartient. Un employeur peut vous couper l’accès à vos données professionnelles à tout moment (oui, ça arrive régulièrement) et, si vous avez le droit légalement de demander à y avoir accès, dans les faits l’employeur peut rendre ces démarches très compliquées.
C’est pourquoi il est important de télécharger vos mails dès que vous estimez que votre situation s’envenime et de prendre des captures d’écran de tout élément qui vous paraît pertinent. Assurez-vous que la date et le contexte apparaissent bien : vos preuves doivent être autant que possible à l’épreuve du mensonge et de la mauvaise foi qu’utilisera l’employeur pour se défendre.
Malheureusement, les personnes en position de domination savent très bien quand leur comportement est risqué d’un point de vue légal et ont, pour cette raison, tendance à imposer des échanges à l’oral. Ainsi, en cas de litige on se retrouve dans une situation de « parole contre parole », qui va forcément être au détriment de l’employé·e. D’où l’importance de passer par l’écrit : soit en le demandant ouvertement (au risque d’un refus), soit en établissant les faits a posteriori.
Dans ce cas, et dès que vous avez le moindre doute sur la légalité ou légitimité de ce qu’on vous a dit, vous pouvez en faire un compte-rendu écrit que vous partagez par mail aux personnes présentes lors de l’échange. Au mieux, cela permettra de faire reculer l’employeur sur sa faute en le forçant à se dédire, et au pire cela alimentera vos preuves.
5. Se défendre quand les choses vont (très) mal
Même quand une entreprise viole ostensiblement le droit et maltraite ses employés·es, on peut parfois avoir du mal à accepter de reconnaître la situation pour ce qu’elle est et de faire son deuil du projet sur lequel on travaille et/ou de l’équipe au sein de laquelle on a évolué. Le jeu vidéo reste un métier dans lequel beaucoup de gens s’investissent corps et âme, avec un fort désir de donner ce qu’iels ont de meilleur. Les patrons·es exploitent cette fierté du travail bien fait contre leurs employés·es pour justifier les traitements les plus injustes et les plus dégradants. Ce n’est pas se rendre service ou rendre service à l’industrie que d’accepter de telles conditions de travail.
Se défendre quand les choses vont (très) mal
Reconnaître les abus pour ce qu’ils sont, surtout quand on a accepté beaucoup de situations anormales par le passé, demande un effort conséquent et une importante détermination. Il est facile de se dire que si on a accepté tel ou tel petit écart par rapport au droit du travail, alors on ne peut pas se plaindre si d’autres arrivent. Mais il faut garder en tête qu’il n’est jamais trop tard pour dire stop. Vous n’avez pas à vous sentir mal ou à vous justifier de demander à ce que la loi et votre intégrité soient respectées. Le fait que vous vous soyez montré·e arrangeant·e envers votre employeur une fois ne veut pas dire que vous devez l’être systématiquement, surtout si vous commencez à sentir que ça vous impacte dans votre quotidien, dans votre vie de famille ou dans votre santé.
Ainsi, il est important de savoir nommer les choses pour ce qu’elles sont et de se convaincre que rien ne les justifie.
Si vous êtes régulièrement dénigré·e, recevez des critiques injustifiées, des humiliations (« tu es incapable », « tu sers à rien », « tu fais rien de bien » etc), si vous êtes mis·e à l’écart, si vous subissez des moqueries à caractère discriminatoire, si on vous donne des tâches dépassant vos capacités, si on ne vous en donne pas du tout, si on vous prive d’outils de travail professionnel, etc, vous êtes victime de harcèlement moral.
Si vos supérieurs et/ou collègues vous font régulièrement des remarques à connotations sexuelles, si des images explicites, érotiques ou pornographiques vous sont envoyées ou sont exposées sur votre lieu de travail, si on vous rabaisse sur la base de votre genre, si on fait des réflexions sur votre corps, votre tenue ou sur votre sexualité (réelle ou supposée) ou si on vous fait des propositions à caractère sexuel sur votre lieu de travail, vous êtes victime de harcèlement sexuel.
Si on vous refuse des aménagements en fonction de votre handicap, si on ne paye pas vos salaires ou si on vous les paye en retard, si vous êtes moins bien payé qu’un·e collègue pour le même travail et la même expérience, si vous n’avez pas les mêmes avantages que les autres, si on vous force à travailler en dehors de vos horaires ou pendant un arrêt maladie, si votre CDD est renouvelé plus de deux fois ou au-delà de 18 mois, si votre direction tente de vous forcer à accepter une rupture conventionnelle, si on vous fait travailler sans contrat, si vous travaillez en auto-entreprise pour un seul patron et qu’il vous traite comme un·e subordonné·e (salariat déguisé), etc. votre employeur ne respecte pas le code du travail et vous met potentiellement en danger.
Si vous n’arrivez plus à travailler, si vos capacités d’empathie sont au plus bas, si vous êtes constamment fatigué, si vous n’arrivez plus à vous intéresser à rien professionnellement parlant, si vous avez tendance à vous replier sur vous-même, à être irritable, si vous constatez l’apparition de troubles du sommeil ou du comportement alimentaire, si vous ressentez une anxiété constante, si vous vous sentez dévalorisé etc, vous êtes sans doute en train de faire un burnout.
Ces situations sont à prendre au sérieux. Si vous avez le moindre doute concernant une ou plusieurs d’entre elles, mieux vaut agir et demander de l’aide et des conseils (au risque de constater que c’était une fausse alerte, ce qui n’a jamais fait de mal à personne), plutôt que de continuer d’endurer jusqu’au point de rupture.
Contacter le syndicat
Chaque situation ayant ses propres spécificités, même avec le guide le plus long et le plus étoffé du monde, il n’est pas possible de couvrir tous les cas de figure et toutes les mesures : raison pour laquelle il est important de faire appel à un syndicat en cas de souffrance au travail.
Les bénévoles qui y travaillent sont formés à l’accueil des gens ayant besoin d’aide et sont en lien avec des avocats·es si une expertise professionnelle s’avère nécessaire. Iels pourront vous aiguiller sur la pertinence des actions à mener, vous écouter et vous rassurer. En particulier, le STJV n’enclenche aucune action sans l’accord de la victime, et apporte en premier lieu un accompagnement, de l’écoute et de l’information pour pouvoir agir ou non mais de manière éclairée.
Par notre expérience militante, nos expériences en tant que travailleur·ses et nos liens étroits avec des avocat·es nous connaissons très bien les problèmes rencontrés et comment y faire face.
Les témoignages / le soutien de collègues
Suivant l’abus dont vous êtes victime, il est probable que vous ne soyez pas la seule personne de l’entreprise à en faire les frais. Et même si c’est le cas, vos collègues ont peut-être au moins été témoins de ce que vous avez vécu. Quoiqu’il en soit, se tourner vers les collègues en qui vous avez confiance pour discuter de la situation, préparer des actions communes et réfléchir à comment vous défendre au mieux ne peut que vous être bénéfique.
L’appui des représentant·es du personnel
Les élu·es CSE ont le statut de salarié·e protégé·e. Ce sont donc des personnes qui peuvent aider les salarié·es en difficulté beaucoup plus facilement, en portant les sujets devant la direction de l’entreprise et en alertant l’inspection du travail. Vous pouvez aussi vous tourner vers ces personnes pour être accompagné·e dans le cadre d’une procédure de licenciement économique ou de rupture conventionnelle (et à défaut, un conseiller du salarié).
6. Reprendre le travail pendant / après un litige
Travailler pour un employeur avec qui l’on est en litige peut sembler difficile, voire impossible. Malheureusement, la durée des procédures judiciaires et les difficultés liées à la perte d’emploi forcent régulièrement à ce que ce soit le cas. Suivant votre situation, nous vous recommandons évidemment de vous protéger au maximum, travailler dans ces conditions affectant fortement la santé :
- L’arrêt de travail reste justifié tant que votre état ne vous permet pas de reprendre le travail sereinement ;
- Étudiez la possibilité d’un aménagement de poste de travail, voire d’un temps partiel thérapeutique ;
- Assurez vous d’avoir un suivi médical approprié, notamment auprès de psychologues / psychiatres en cas de dépression, trouble anxieux et/ou burnout.
7. Conclusions
Pour résumer cette fiche, les choses primordiales à retenir sont :
- Il ne faut pas attendre que la situation s’aggrave pour la régler ;
- En parler autour de soi (collègues, CSE, STJV, famille, médecin, …) est toujours utile ;
- On peut empêcher les dérives dans beaucoup de cas avec la bonne réaction ;
- Le STJV vous aidera à mettre en place une stratégie de défense efficace.